« On m'a dit que mon fils était autiste parce que je l'aimais trop », déclare une maman. « Ah, non, moi on ne m'a jamais rien reproché, complète Francis Perrin. C'était toujours ma femme le problème. » L'acteur, père de Louis, autiste, apparait dans la campagne nationale sur l'autisme lancée le 2 avril 2024 à l'occasion de la journée mondiale dédiée. La dernière datait de 2012. Une sensibilisation urgente pour que, selon lui, plus jamais on ne dise à des parents : « Laissez tomber. Faites le deuil de votre enfant. ».
Donner des clés de compréhension
Trois clips, trois thèmes : « la faute aux mamans », « l'hypersensibilité sensorielle » et « la lecture des émotions ». 50 secondes chacun ! Objectif ? Interpeller le grand public sur ce trouble du neurodéveloppement, briser certains clichés à la vie dure et « donner des clés de compréhension aux Français ». Son credo : « Mieux connaître l'autisme, c'est mieux vivre ensemble ». Etienne Pot, délégué interministériel aux TND (troubles du neurodéveloppement), y voit une « campagne de santé publique au sens large ».
Des postures désuètes
Selon Fadila Khattabi, elle fait écho à la stratégie nationale aux TND 2023-2027 présentée en novembre 2023 (Stratégie TND 2023-2027 enfin dévoilée : toutes les mesures!). « Une dynamique absolument nécessaire », selon la ministre déléguée aux Personnes handicapées et âgées afin de « dépasser collectivement ces postures désuètes qui ont un impact réel et négatif sur la qualité de vie de plus 700 000 de nos compatriotes ». 89 % des personnes autistes déclarent en effet se sentir incomprises par leur entourage*.
Avec les personnes concernées
Cette campagne, signée par la Maison de l'autisme et les 27 centres ressources autisme (CRA) « afin d'être mieux identifiés », s'est construite avec les personnes concernées. Hélène Grémillon est l'une des co-scénaristes, autrice, réalisatrice, coscénariste du film Presque avec Alexandre Jollien et Bernard Campan. Elle a imaginé « ces scénarios avec les mamans pour combattre la caricature, sans pour autant en créer d'autres car c'est un sujet difficile à aborder ». Selon elle, « même s'il y a autant d'autismes que de personnes, certaines spécificités collectives permettent de porter un message commun ». « C'est cela que l'on donne à comprendre et à reconnaître pour que l'autisme apparaisse plus visible et lisible », ajoute-t-elle.
« L'humour des survivants »
Elle a ainsi collaboré avec Minh Tran Huy. Journaliste et auteure d'Un enfant sans histoire, elle est maman de Paul, dix ans, autiste sévère. Un de ses « charmants voisins » lui a suggéré de mettre une camisole à son fils et de l'envoyer à l'asile car il faisait trop de bruit. « Je ne suis pas vraiment militante dans l'âme mais c'est une vie qui oblige à prendre parti pour dénoncer quarante ans de retard dans la prise en charge », explique-t-elle. Un centre médical lui a ainsi affirmé que son fils était autiste parce qu'elle était d'origine étrangère. Parce que « l'autisme fait peur et que ce n'est pas la peine d'en rajouter », elle a choisi de perler l'écriture de ces spots de « l'humour des survivants ». « Le pathos n'est pas une stratégie efficace », selon elle.
Un ton léger
Si le propos est sérieux, le ton est, lui, léger, notamment grâce à la participation d'humoristes personnellement concernés par l'autisme comme Elie Semoun, papa d'un « enfant autiste asperger qui a connu une scolarité chaotique et a trouvé, à 28 ans, un moyen de communication grâce à la peinture ». De l'humour, Paul El Kharrat, autiste asperger et redoutable candidat de jeu télé, n'en manque pas non plus en donnant la réplique à Paul Mirabel dans le clip où il est mis en déroute pour identifier les émotions du visage et comprendre les expressions imagées : « Tu as donné ta langue au chat ». Il se dit « heureux d'avoir tourné pour une cause aussi noble », plaçant un « certain degré d'espoir dans cette diffusion auprès du plus grand nombre », même si ce « pessimiste notoire » consent qu'il en « faudra certainement plus pour endiguer les idées préconçues ».
« Il faut être drôle et pédagogique pour entraîner les gens dans l'histoire », ajoute Minh Tran Huy et « faire à la fois réfléchir sur cette différence qui fascine, celle des Asperger, mais aussi sur les 50 % de personnes autistes qui ne parlent pas ». Un premier pas mais aussi un regret : « ne pas avoir pu aborder l'autisme sévère ».
Prochaine étape : les autres TND ?
Si cette campagne a choisi de se focaliser sur l'autisme, pour Etienne Pot, la prochaine étape ce sont les TND en général (TDA/H, dys, trouble du déficit intellectuel…), qui restent méconnus alors qu'ils sont une « composante de la société française » puisqu'ils concernent 17 % de la population. S'il constate que « le grand public est plus mûr sur le sujet de l'autisme, jusqu'à inspirer des films et fictions », selon lui « il n'en va pas de même pour ces autres troubles ». « Par exemple, on prétend toujours que le TDA/H (trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) résulte d'un défaut d'éducation, comme ce fut (ndlr : est ?) le cas pour l'autisme ».
A quel prix ?
Contrairement au budget de la campagne nationale en faveur du handicap de 2021 (La campagne nationale sur le handicap est lancée : impact?) réalisée par Yvan Attal (3,5 millions d'euros pour trois spots) qui avait été critiqué, celui dédié à l'autisme reste « maîtrisé ». 70 000 euros au total, qui couvrent les frais techniques incompressibles et le cachet a minima des participants, 280 euros, obligatoire pour des questions d'assurance. Elle bénéficie principalement du soutien de la Fondation Malakoff Humanis, « sans aucun argent public dépensé » assure la délégation interministérielle aux TND qui se félicite de « l'élan collectif qui s'est organisé autour de ce projet ». « Les familles nous avaient demandé de ne pas prendre de l'argent pour faire de la com et nous l'avons respecté », précise-t-elle.
Où voir ces clips ?
Cette campagne peut aussi compter sur une diffusion gratuite sur les chaînes de France TV, groupe M6, NRJ, Canal + à compter du 2 avril 2024. Elle est également projetée dans 200 salles de cinémas du 2 au 5 avril.
* Quatrième édition de l'étude d'impact de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement, 2022, 11 880 répondants.
© Capture d'écran de la campagne