Plus de 550 adultes handicapés s'exilent en Belgique chaque année faute de solutions en France tandis que 350 places sont créées par an pour accueillir ces transfuges. Une situation souvent « subie » par les familles qui préféreraient, en toute logique, trouver une solution près de chez elles. Fin décembre 2018, ce sont près de 8 000 Français en situation de handicap (1 500 enfants et environ 6 500 adultes) qui sont accueillis dans des établissements wallons, originaires majoritairement des régions Ile-de-France, Hauts-de-France et Grand-Est.
Un plan massif
La politique de prévention des départs non souhaités vers la Wallonie a été mis en œuvre en 2014, qui a permis, via « une bonne mobilisation conjointe des acteurs territoriaux », selon le gouvernement de limiter les départs des enfants vers la Wallonie et de proposer des solutions alternatives en France. Mais qu'en est-il pour les adultes ? Au cours des trois dernières années, le nombre d'exilés a continué d'augmenter. Dans ce contexte, le PLFSS 2020 (Projet de loi de financement de la sécurité sociale) annonce qu'il engage un « plan massif » de 90 millions d'euros sur 3 ans (20 en 2020, 35 en 2021 et 35 en 2022) pour développer, dans les trois régions principalement concernées par ces départs, des solutions alternatives à la hauteur des besoins, et ainsi mettre fin aux séparations non choisies. Cette enveloppe étant exclusivement dédiée aux adultes. Aux 90 millions d'euros annoncés, s'ajoutent les 10 millions en 2020 du fonds d'amorçage (ou fonds de prévention des départs forcés vers la Belgique) dédié à la fois aux adultes et aux enfants et destinés aux autres régions.
Des solutions inclusives ?
« En créant des solutions pour les adultes, cela va permettre de débloquer la situation, notamment pour les 5 700 jeunes en amendement Creton en France (ndlr : qui permet le maintien dans des établissements pour enfants de résidents de plus de 20 ans en attente de solution, article en lien-ci-dessous) », explique le cabinet du secrétariat d'Etat au Handicap qui réunissait la presse le 30 septembre, et donc de libérer des options d'accueil pour les enfants. « On ne raisonne pas seulement en termes de 'places' en établissements médico-sociaux mais de 'solutions' qui doivent être adaptées aux besoins de chacun », insiste-t-il, citant, par exemple, des dispositifs d'habitat inclusif. Charge aux ARS (Agences régionales de santé) de faire bon usage de ces crédits en respectant le processus de transformation de la prise en charge des personnes handicapées et notamment les recommandations de l'ONU qui défend ardemment le principe de vie en milieu ordinaire pour tous…
Une surveillance renforcée ?
Le PLFSS 2020 prévoit par ailleurs d'étendre au secteur adulte l'encadrement conventionnel qui existe au titre de l'accord cadre franco-wallon de 2011 pour les établissements accueillant des enfants et des adolescents. Selon le dossier de presse du gouvernement, « ce conventionnement permettra de porter des exigences de qualité complémentaires des critères de la réglementation wallonne, d'organiser un contrôle des établissements, de fiabiliser le recueil d'informations sur les personnes accompagnées et de mieux définir et uniformiser, selon les caractéristiques de celles-ci, les niveaux de financement des établissements ». Une vingtaine d'établissements sur les 200 accueillants des Français sont ainsi inspectés chaque année. « Sept d'entre eux ont montré des défaillances, et, la qualité n'étant pas au rendez-vous, il n'étaient plus autorisés à admettre de nouveaux résidents français. Certains, ont, depuis, réalisé les adaptations demandées… », explique le cabinet de Sophie Cluzel. Pour le moment, seuls 25 établissements sont conventionnés ; le gouvernement français se donne deux ans pour tous les passer au crible. Fin juin 2020, il promet également de fixer un « capacitaire », pour déterminer le nombre de Français qui pourront être accueillis en Wallonie, cette régulation permettant, selon lui, de garantir la qualité de la prise en charge. Quant à la 4ème commission mixte de cet accord cadre, elle doit se réunir bientôt, la dernière datant de mars 2018. Cette politique permettra-t-elle aussi d'envisager des retours de ceux qui le souhaitent, et combien ? Pas d'estimation du côté du cabinet, la priorité étant surtout « d'éviter d'autres départs ».
Dans un bref communiqué, l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) a fait part de ses "interrogations" après l'annonce du gouvernement. "Que met-on derrière le mot alternative, concrètement ?", s'est interrogée l'association, qui se demande si ces annonces suffiront à "répondre à l'urgence" pour les familles.