« Entreprendre, c'est bon pour la santé » a fortiori en cas de handicap, affirme Olivier Torrès, président fondateur de l'Observatoire Amarok, entièrement dédié à la santé des travailleurs non salariés. Il tire cette conclusion, notamment, de la thèse de Moerani Raffin selon laquelle sur 20 personnes en situation de handicap anciennement salariées et devenues entrepreneures, 18 ont constaté une amélioration de leur santé et de leur bien-être. Sentiment de liberté, autonomie, indépendance, fierté, création du sens... Ce statut provoque, selon lui, des « émotions positives et salutaires ». La santé des dirigeants, c'était le thème majeur de la première université du rebond inclusif, organisée par l'association d'aide aux entrepreneurs Second souffle, l'Agefiph (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le privé) et H'up entrepreneurs, le 29 janvier 2021. L'objectif de cet évènement digital ? « Engager rapidement et concrètement son rebond, s'enrichir de nos différences et faire du contexte économique actuel une opportunité pour réinventer le futur de son entreprise ».
Les vertus de l'entrepreneuriat
« Et si malgré cette période morose, on continuait à oser ? Réfléchir et au final rebondir pour faire différemment, et encore mieux », exhorte Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, en préambule. « Etre en situation de handicap n'est pas un frein pour entreprendre et n'est pas synonyme d'échec professionnel », réaffirme-t-elle « haut et fort », estimant que les entrepreneurs constituent le « moteur de la relance de notre pays ». Sa recette pour créer une entreprise ? Une bonne dose de ténacité, de la conviction à profusion et un zeste d'utopie ! Mais l'entrepreneuriat le rend-il bien ? « Cela renforce l'optimisme, augmente le sentiment d'endurance et de maîtrise de son destin (appelé en psychologie le locus de contrôle interne) », explique Olivier Torrès. Une « grande école de la persévérance », selon lui, car « lorsque l'on entreprend on va au-devant d'échecs ».
Du stress choisi et non subi
« Trop souvent, les personnes handicapées sont perçues comme employables (et encore...), il faut désormais les voir comme entrepreneuriables ! », encourage-t-il. Mais, attention, entreprendre, c'est aussi du stress, de l'incertitude, de la surcharge professionnelle. « Vous travaillerez plus, c'est certain ! Un chef d'entreprise est sur le front entre 50 et 55 heures par semaine, contre 40 heures pour les salariés », prévient ce professeur d'université et spécialiste des petites et moyennes entreprises (PME). Mais, différence notable selon lui, « c'est du stress choisi, et non pas subi ». Si l'entrepreneuriat est un « complément d'âme, ça ne reste jamais qu'un lieu de travail, attention à ne pas devenir esclave de sa propre entreprise », poursuit-il.
Une santé fragilisée par la crise
Selon Olivier Torrès, la santé est le « premier capital immatériel de la PME ». Or le manque d'accès aux services de santé au travail, a fortiori pour les travailleurs non-salariés est « criant ». Cette santé est particulièrement ébranlée en période pandémique, où les nerfs de nombreux entrepreneurs sont mis à rude épreuve face à des caisses parfois vides. « La perspective de déposer le bilan a plus d'impact sur la dégradation de leur santé que celle de contracter le Covid-19 », affirme-t-il. Le risque, selon lui ? Un syndrome d'empêchement généralisé. « La conjoncture actuelle et l'incertitude ambiante créent un sentiment d'impuissance et de blocage qui nuisent à la capacité d'action. Si cela perdure trop longtemps, on risque de rentrer dans le sentiment de crainte acquise... », redoute-t-il. Seule solution pour conjurer le sort ? Informer et favoriser l'entrepreuneuriat ou le ré-entrepreneuriat. « Ne perdez pas votre temps avec les anxiogènes et les pessimistes, foncez ! », encourage-t-il. En cas de coup de mou, il invite les chefs d'entreprise à contacter son association Amarok ou le numéro vert mis en place par le gouvernement pour venir en aide aux entreprises et associations en difficulté (0 806 000 245). La clé ? Savoir s'entourer et ne pas rester seul.
Un programme pour rebondir après la crise
C'est aussi l'ambition du programme Rebonds TIH, lancé par l'Agefiph et H'up entrepreneurs (article en lien ci-dessous). Ce dispositif gratuit, 100 % digital et accessible en Langue des signes française (LSF) a pour ambition de remettre sur pied 150 handipreneurs sévèrement touchés par la crise, d'ici fin juin 2021. A la suite d'un diagnostic de situation approfondi avec un consultant-référent H'up, chaque participant sélectionné sera accompagné en fonction de ses besoins prioritaires de gestion de crise. Il pourra également bénéficier de formations gratuites et d'ateliers complémentaires (communication non-violente, prospection commerciale, digitalisation…). Seule condition ? Avoir créé son activité depuis deux ans et demi. « En ce début d'année 2021, et si nous écrivions l'entrepreneuriat du monde d'après ? », encourage H'up.