La parole à deux experts… Catherine Gonzalez est conseillère d'insertion à Messidor et Philippe Muscat, directeur du restaurant Interadministratif de Lyon.
Il y a peu de temps encore, « handicap » était un vilain mot : c'était « les autres », on naissait avec, c'était tout sauf « nous ». Sans parler du handicap psychique... Aujourd'hui, cette notion s'est élargie et n'est plus uniquement connotée « psychiatrie ». Le handicap psychique est mieux appréhendé, on comprend qu'il peut se manifester après des événements naturels de la vie (deuil, divorce, reconversion professionnelle mal vécue, chômage longue durée, statut de réfugié politique...) et, surtout, que le potentiel intellectuel des personnes concernées n'est pas altéré. Elles sont donc parfaitement capables de travailler. De ce fait, on s'interroge souvent sur la « bonne » façon de les intégrer mais c'est un non-sujet, même si la démarche est louable, elle pêche par excès de bienveillance.
Accompagner sans privilégier
Certains employeurs, inquiets, mettent en œuvre des systèmes d'accompagnement qui relèvent du « coconnage », de la surprotection. Résultat, la personne se sent isolée du groupe et donc, par extension, mal intégrée ! Il ne faut pas la stigmatiser, la traiter différemment ni la ménager, même si cela part d'une bonne intention. Au contraire, le management doit rester égalitaire bien qu'individualisé. A ce titre, la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) assure le plein épanouissement de son titulaire, en lui garantissant des conditions de travail adaptées. Mais les conditions de réussite tiennent davantage de l'attention portée à autrui, de l'écoute ou encore de l'observation que de l'aménagement logistique, a fortiori en cas de troubles psychiques. En effet, l'élément qui caractérise ce type de handicap est le manque de confiance en soi. Par conséquent, l'adaptation proposée par l'entreprise doit être davantage centrée sur le relationnel, l'humain.
Un vrai plus pour l'entreprise
Le handicap psychique se soigne par le cumul d'expériences positives : petit à petit la personne se rend compte qu'elle est capable. Au début, le travailleur manque de confiance et n'a, de fait, pas assez de recul pour identifier, seul, ses réussites. Et puis, au fil des mois, des années, il ressent de moins en moins le besoin d'être accompagné. C'est à ce moment-là que le rétablissement s'opère. Il comprend ainsi qu'il n'a pas été recruté pour sa différence mais bel et bien pour ses compétences. Autre avantage, assez inattendu mais pourtant prégnant, la cohésion sociale. On remarque souvent à quel point l'intégration d'une personne handicapée psychique peut créer l'apaisement au sein de l'entreprise, surtout dans un climat de tension. Pourquoi ? Certainement parce que cela place les collaborateurs dans une réalité qui n'est pas la leur et qu'ils se retrouvent face à des travailleurs qui doivent redoubler d'efforts. Chacun relativise ses petits tracas, est plus attentif à ses collègues, se rend compte qu'il n'est « pas si mal » dans l'entreprise et qu'il a peut-être des facilités, lui, dans la réalisation de ses missions...
Un handicap invisible
Il ne faut pas oublier que le handicap psychique est un handicap invisible. Souvent, l'équipe voit arriver une nouvelle recrue, sans comprendre ce qu'elle a... Pas de fauteuil, pas de canne, on s'interroge, on spécule, et puis on s'aperçoit que cette personne ne se résume pas à sa différence. Non seulement plus motivée et volontaire que d'ordinaire, elle est aussi prête à fournir plus d'efforts, et pourtant cela lui coûte et peut entraîner des phases de repli. On entend alors des phrases comme « C'est un bon collègue ! » ou « Il fait bien son travail ». Le temps passe, et la personne s'adapte, s'intègre... Alors, répétons-le, pour intégrer efficacement une personne handicapée psychique en entreprise, il n'y a pas besoin d'aménagement (technique ni logistique), c'est avant tout du temps qu'il faut être prêt à donner, de la patience et de la confiance. Le travailleur fera le reste !