Seules 58 % de femmes en situation de handicap bénéficient d'un suivi gynécologique régulier, selon une étude « Handigynéco » réalisée en 2017 pour l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France. Les chiffres sont toujours d'actualité. Si la gynécologie arrive en peloton de tête des soins « oubliés » en France, que dire du suivi spécifique des femmes handicapées ? Cette problématique était à l'honneur le 16 février 2022 lors du colloque « Améliorer l'accès à la santé des personnes en situation de handicap : partageons des actions concrètes ! », organisé à l'initiative du gouvernement. L'occasion d'une piqûre de rappel sur un dispositif inédit...
85,7 % sans mammographie
Le constat est sans appel : 85,7% d'entre elles déclarent n'avoir jamais eu de mammographie et 26 % n'ont jamais effectué de frottis. En cause, des problèmes d'accessibilité, la lourdeur des démarches administratives liées au remboursement des consultations et le manque de formation des professionnels de santé sur le handicap. Or, il est avéré que l'absence de suivi augmente les risques de pathologies gynécologiques dépistées à un stade avancé. Sur le papier pourtant, « les professionnels de santé, les sages-femmes et les gynécologues obstétriciens doivent recevoir une formation spécifique concernant l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées ». Dixit la loi handicap de 2005. Face à ce constat, l'ARS d'Ile-de-France s'est engagée à faire bouger les lignes.
La gynécologie à domicile
A la suite de l'étude du même nom, elle expérimente entre 2018 et 2019 le dispositif « Handigynéco », laboratoire itinérant qui vise à amener les soins gynécologiques jusqu'aux femmes en situation de handicap, et non l'inverse. Les sages-femmes se redent ainsi sur leurs lieux de vie, dans des établissements médico-sociaux franciliens, où elles leur proposent des consultations individuelles lors d'un échange d'une heure et un examen médical « adapté à chaque situation ». L'enjeu, selon le docteur Catherine Rey-Quinio, directrice de l'autonomie de l'ARS d'Ile-de-France, « instaurer un climat de confiance et libérer la parole ». Cette prise en charge adaptée a notamment permis de déceler des pathologies chez 8,5 % des femmes suivies. Des ateliers de sensibilisation à la vie affective et sexuelle permettent également d'échanger sur des thématiques souvent taboues : la connaissance du corps, l'anatomie, l'accès au corps, le consentement, la vie affective. Enfin, la sensibilisation à la violence faite aux femmes, à la fois des personnes et des professionnels, est au cœur de leur engagement. « Malgré toutes les difficultés rencontrées, les consultations ont toujours été très riches ; sans mot, sans geste, sans regard et parfois même sans toucher. Juste en étant là, pour elles, j'avais l'impression d'être à ma place de sage-femme pour chacune : résidente, patiente, femme », rapporte l'une d'elles.
Bientôt dans toute la France ?
Quoi de neuf ? Une cartographie de l'offre de soins autour de Paris est disponible en ligne (voir lien ci-dessous), qui permet de localiser facilement un centre de soin adapté selon le handicap et les besoins (médecine générale, actes obstétricaux, échographies…) au plus près du domicile. Du côté des pros, les sages-femmes qui le souhaitent peuvent suivre, depuis octobre 2021, une formation au handicap proposée par l'institut de formation Alveïs ; la prochaine session aura lieu du 21 au 23 mars 2022 à Paris. Egalement en projet, un forfait financier à celles qui interviendront auprès de ces patientes, soit dans les établissements médico-sociaux, soit à domicile ; son montant n'a, pour l'heure, pas été évoqué. Quatre ans après le lancement de son expérimentation, l'ARS d'Ile-de-France parle de « résultats probants » et espère la voir déployée dans toute la France. Lors du CIH (Comité interministériel du handicap) du 3 février 2022 (article en lien ci-dessous), le gouvernement s'est engagé à la généraliser, en commençant par la Bretagne et la Normandie, et ce, dès 2022.