« L'hémophilie ne concerne-t-elle que les hommes ? » « Faux ! », répond l'Association française des hémophiles (AFH). Ce préjugé tenace vient du fait que, génétiquement, l'hémophilie se situe sur le chromosome sexuel X. Les hommes, n'ayant qu'un seul X, expriment forcément 100 % du gène hémophile. Chez les femmes, qui détiennent deux chromosomes X, c'est un peu plus complexe. Dans certains cas, le gène défaillant s'exprime partiellement. Cependant, elles ont moins de risque de développer la forme sévère de la maladie. Environ un tiers des conductrices d'hémophilie ont effectivement des taux de facteurs de coagulation abaissés et présentent des signes hémorragiques qui sont le plus souvent comparables à ceux d'une forme mineure. Le 17 avril 2021, à l'occasion de la Journée mondiale dédiée, l'AFH entend donc déconstruire les stéréotypes qui circulent sur cette maladie rare qui touche près de 8 000 Français. Ça va saigner !
L'hémophilie, quèsaco ?
L'hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire qui se caractérise par l'impossibilité pour le sang de coaguler, provoquant des saignements anormalement longs en cas de blessure et parfois même sans coagulation. Elle est due à une mutation génétique qui entraîne le manque ou l'absence de protéines coagulantes empêchant la formation d'un caillot assez solide pour arrêter l'hémorragie. La sévérité de la maladie est directement liée au taux de facteur VIII (protéine contenue dans le plasma) dans la circulation. Pour limiter les saignements, des précautions sont requises concernant l'utilisation de certains médicaments, les gestes médicaux, les opérations, les extractions dentaires, la grossesse ou encore l'accouchement. Il est ainsi nécessaire de diagnostiquer le risque hémorragique dès l'enfance pour mettre en place une prise en charge adaptée.
Des saignements majoritairement internes
Autre préjugé : « Les hémophiles se vident de leur sang quand ils se coupent ». Les maladies hémorragiques rares sont, en réalité, le plus souvent invisibles et provoquent des saignements internes. Ces écoulements répétés peuvent causer des dommages irréversibles et ainsi altérer la qualité de vie, en réduisant la capacité des personnes à se mouvoir, par exemple, ou en provoquant des règles abondantes, etc. Face à ce constat, l'AFH a lancé en 2021 un appel à projets de recherche basé sur l'étude des cartilages pour améliorer la prise en charge des arthropathies hémophiliques, l'une des conséquences les plus invalidantes. Caractérisée par une destruction complète progressive de l'articulation concernée avec une douleur permanente, elle peut entraîner des handicaps sévères, même chez de jeunes patients.
Activité sportive et école : oui !
Des jeunes qui, contrairement aux idées reçues, « peuvent suivre une scolarité en milieu ordinaire, comme tout autre enfant », intervient l'AFH. Pour sécuriser leur parcours, il est toutefois recommandé de mettre en place un « projet d'accueil individualisé » (PAI) comme pour les enfants atteints de maladie chronique, d'allergie ou d'intolérance alimentaire.
Enfin, ne vous méprenez pas, la pratique d'une activité physique ou sportive est fortement encouragée, à condition de prendre les précautions adaptées à sa situation. « Un exercice régulier permet de travailler à la fois le renforcement musculaire, la coordination, la condition physique générale, la mobilité, l'estime de soi et d'éviter le surpoids », assure l'AFH, ayant toutefois conscience des éventuels risques de blessures et de lésions chroniques.
Progrès et perspective de la recherche
Jusqu'en 1960, les hémophiles étaient traités par des transfusions totales de sang ou de plasma frais, une technique insuffisante pour traiter efficacement les hémorragies graves. Au début des années 1970, apparaissent les premiers concentrés de facteur VIII et IX issus du plasma sanguin. Ce dispositif, plus rapide et pouvant être effectué à domicile au moyen d'injections intraveineuses, révolutionne la prise en charge. Dans les années 2000, la recherche s'accélère, et des médicaments offrant une « nette amélioration de la qualité de vie apparaissent », tels que les traitements à demi-vie longue qui permettent d'espacer les injections. Des thérapies innovantes injectées sous la peau voient également le jour : un anticorps monoclonal mimant l'action du facteur FVIII et des traitements non substitutifs qui inhibent les molécules anticoagulantes et restaurent ainsi la coagulation. Dernière avancée en date ? En 2019, des patients hémophiles A ont été inclus dans des centres investigateurs français pour des essais cliniques en thérapie génique.