Quel était le quotidien d'un individu âgé, malade ou handicapé au Néolithique ? Était-il pris en charge par les siens ? Rejeté ? Soigné ? Accompagné ? Appareillé ? L'archéologie permet une lecture de plus en plus précise de la prise en charge des plus vulnérables. L'exposition « Prenez soin de vous ! Archéologie du soin et de la santé » s'intéresse à l'accompagnement dont bénéficiaient les malades, blessés et personnes en situation de handicap dans les sociétés du passé, de l'époque de la « nouvelle-pierre polie » jusqu'au 19e siècle, et explore les résonances entre cas de figure archéologique et phénomènes de société actuels. Retour vers le passé du 15 juin 2019 au 5 janvier 2020 au Chronographe de Rézé, près de Nantes !
Objets préventifs
Statuette de déesse-mère, biberon, pince à épiler, strigile (pour gratter la peau) ou encore meule pour faire un pain de bonne qualité qui ne casse pas les dents... L'expo dévoile des objets, pour la plupart gallo-romains, qui contribuent à prévenir la maladie et à diminuer la mortalité. C'est la première étape du parcours. Le visiteur découvre ensuite comment prier les dieux et guérir les corps, réparer et accompagner et, enfin, soigner et regrouper. Ce sont les quatre thèmes de cette rétrospective, présentée dans le cadre du dispositif « Archéocapsule » de l'Inrap, « une flottille d'expositions thématiques, légères et itinérantes, conçues pour partager avec le public le plus large la modernité de l'archéologie ». Au fil des vestiges, les visiteurs découvrent des « amulettes d'yeux » adressées aux divinités pour « guérir » la cécité, mais aussi des crânes trépanés datant du Néolithique. « On trépanait en pointillé avec des petits silex ou par raclage. Les patients devaient être 'assommés' au moyen d'une pharmacopée », un ouvrage encyclopédique et médicinal, précise Valérie Delattre.
Enrichissement mutuel
Prendre soin ?, cela veut dire quoi ? « Au-delà du geste médical, c'est l'ensemble des gestes qui entourent une personne pour son bien-être et qui déterminent une relation de soin », répondent les organisateurs de l'expo. L'hygiène, comme geste de prévention, mais également l'accompagnement, le suivi, le soutien et même l'entraide sont donc considérés comme des soins, tout autant que la chirurgie et la médecine, qui traversent l'histoire de l'humanité. « Neandertal s'occupait aussi des personnes handicapées ! La vie de groupe sous-entend la solidarité. On s'enrichit à s'occuper des êtres vulnérables, affirme Valérie Delattre, archéo-anthropologue à l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) et commissaire scientifique de l'exposition. Ces vestiges me confortent dans l'idée que l'humanité est, à tout prendre, 'bonne'. »
Des traitements inégalitaires
« Bonne » mais pas parfaite... « Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie », constatent les organisateurs. Une lapalissade ? L'archéologie se fait le témoin des logiques sociales d'inclusion et d'exclusion et des traitements parfois « inégalitaires ». L'expo montre le crâne d'Anne d'Alègre, duchesse de Laval. Elle avait perdu une de ces incisives et, pour reconstituer son joli sourire, avait fait fabriquer une prothèse en bois de cerf faisant illusion, bien qu'elle ait noirci depuis. Cette prothèse, soutenue par des petits fils d'or, est révélatrice d'une « médecine des riches ». « Liberté, égalité, fraternité » promet la devise nationale, héritée du siècle des Lumières... Même dans l'adversité ? Cette exposition invite à interroger les politiques actuelles en matière de santé et d'accès aux soins, ainsi que le regard porté sur la personne malade ou en situation de handicap, tout en dissipant les préjugés sur l'hygiène et la santé de nos ancêtres. Elle s'appuie sur des objets archéologiques singuliers, en lien avec les recherches actuelles menées par les anthropologues.
Elle se veut accessible et interactive ; des conférences et des ateliers pour enfants tels que « Transfert temporel », « Fouiller comme un archéologue » ou encore « Tomber sur des os » sont également proposés pour attiser la curiosité des plus jeunes. « L'archéologie étudie beaucoup les guerres, la violence, l'exclusion, dont il reste effectivement de nombreux vestiges, mais on ne doit pas s'interdire de penser que les hommes ont aussi de la bienveillance, de l'empathie et un souci d'inclusion », conclut Valérie Delattre. Un message inspirant pour les contemporains et les générations à venir...