Ils redoutent la chaleur de l'été, les trajets suffocants dans les transports avec auréoles sous les bras, les pieds qui « glissent » dans les sandales et les mains moites. Eux ? Ce sont les patients atteints d'hyperhidrose, un trouble cutané qui se caractérise par une sudation excessive. 1 à 3 % de la population vit en « transpiration permanente » mais il semblerait que ces chiffres soient sous-évalués tant la majorité des personnes touchées hésite à consulter un professionnel de santé. Certains sont affectés sur quelques parties du corps comme les mains ou les pieds -on parle alors d'hyperhidrose primaire-, d'autres vivent avec une forme secondaire qui touche toute la surface de la peau, du cuir chevelu aux aisselles, en passant par l'entrejambe et les pieds. Difficile pour les spécialistes d'en connaître véritablement la cause. Il semblerait qu'elle soit d'origine génétique dans le cas « primaire », et, pour le cas secondaire, due à des pathologies telles que le diabète, l'hyperthyroïdie (…), liée à diverses addictions (alcool, drogues…) et accentuée par l'anxiété et le surpoids. Le responsable de ces désagréments ? De petites glandes microscopiques dites « sudoripares », qui sécrètent la sueur mais dans un volume plus important que la moyenne.
« Je dors avec des serviettes éponges »
Si ce phénomène bénin mais inconfortable peut s'estomper en hiver, il s'intensifie avec les beaux jours, venant parfois à se généraliser toute l'année comme l'explique Maryam. « Cela m'empêche de vivre jour et nuit, été comme hiver. Je ne peux plus m'habiller comme je veux, je dors sur des serviettes éponge et il m'arrive de me changer plusieurs fois dans la nuit. Quand je dois sortir, c'est toute une histoire pour choisir ma tenue, je suis trempée toute la journée, j'ai peur que ça se voit… J'en suis même arrivée à prendre ma voiture pour des trajets très courts. » Les impacts de ce trouble sont physiques mais aussi psychologiques et sociaux. Souffrant depuis l'âge de 14 ans, Marie témoigne dans le groupe Facebook « Hyperhidrose France, Canada, Francophones » vivre « un enfer au quotidien sur le plan affectif et professionnel ».
Un quart de phobies sociales
D'après une enquête menée en 2012 par la Société internationale d'hyperhidrose basée aux Etats-Unis, 32 % des personnes interrogées se sentent impactées dans leur vie intime et sexuelle et 81 % ont pu être gênées lors d'une première rencontre amoureuse. Activités de loisirs, vie sociale et professionnelle (…), l'hyperhidrose ne laisse aucun répit aux personnes concernées. Elle serait même responsable de plus d'un quart des cas de phobie sociale. Nancy confie par exemple devoir porter des serviettes hygiéniques faute de quoi sa culotte reste mouillée en permanence. Maryam admet avoir « honte de serrer la main aux autres car elles sont couvertes d'eau ». D'autres vont jusqu'à se réjouir des gestes barrières liés à la pandémie pour ne plus avoir à donner de poignées de main aux collaborateurs, par honte. Associée à tort à un manque d'hygiène, l'hyperhidrose a été définie comme un « handicap silencieux » en Suède (« Det Tysta Handikappet »). Aux États-Unis, il est possible de la faire reconnaître comme handicap en prouvant auprès de la sécurité sociale nationale combien cette maladie impacte la vie personnelle et professionnelle. Ce qui n'est pas le cas en France.
Des stratégies pour améliorer le quotidien
La plupart des patients doivent donc redoubler d'inventivité pour trouver un semblant de confort au quotidien. A l'école, certains enfants déjà concernés (le trouble apparaît bien souvent à l'adolescence) utilisent des buvards pour absorber, non pas l'encre de leur stylo plume, mais leur sueur… Au bureau, exit les chemises bleues transparentes, à moins de garder ses bras plaqués contre son corps pour ne pas avoir à exposer ses auréoles à tout l'open-space. Mouchoirs et serviettes éponges deviennent souvent les meilleurs alliés de celui ou celle qui travaille derrière un écran, pour éviter de trop humidifier son clavier et sa souris d'ordinateur. Même calvaire lorsqu'il faut s'habiller ou se chausser, surtout quand vient l'été. Sur le groupe « Hyperhidrose France, Canada, Francophones », chaque membre y va de son conseil pour trouver « sandale à son pied » avec des matières absorbantes. La plupart sont souvent contraints de rester en chaussettes et chaussures fermées, même en pleine canicule, afin d'éviter de belles glissades comme le rapporte Marine : « J'ai manqué de me casser la figure parce que j'ai glissé pieds nus sur du carrelage ».
Quelle efficacité des traitements ?
Si ces groupes de parole permettent d'échanger de bons conseils pratiques, ils permettent aussi de connaître les différents traitements disponibles sur le marché. Or, dans ce rayon, il existe peu de solutions qui ont vraiment démontré leur efficacité. Certains penchent pour les traitements par voie orale comme le Ditropan, d'autres pour des lotions comme l'Etiaxil, un « détranspirant » à appliquer sous les aisselles. La toxine botulique peut également être prescrite en dernière intention quand la transpiration est excessive. Cette technique agit notamment en bloquant la transmission nerveuse aux glandes sudoripares. Susceptible de provoquer des effets secondaires (au niveau musculaire notamment), son prix est également élevé et sa prise en charge par l'Assurance maladie n'est pas toujours automatique. Des séances d'ionophorèse peuvent aussi être proposées : il s'agit de plonger pieds et mains dans un récipient d'eau où passe un courant électrique de faible intensité qui réduit la production de sueur. Si les effets positifs se font ressentir assez rapidement, cette méthode peut générer une « transpiration compensatrice », et reporter l'apparition de sueur ailleurs (au niveau du cuir chevelu ou du ventre par exemple). Enfin, il est possible d'avoir recours à une solution chirurgicale, appelée « sympathectomie », qui vise à couper les nerfs qui déclenchent l'hypersudation des aisselles, du visage et des mains. Pour savoir quel traitement est le mieux adapté, il est nécessaire de se rendre d'abord chez son médecin traitant puis chez un dermatologue.