« Le Sibo s'est incrusté dans ma vie presque du jour au lendemain ». Après avoir soigné des cystites à répétition à l'aide d'antibiotiques, Dora Moutot remarque chez elle un déséquilibre intestinal inhabituel. « Je pense d'abord avoir avalé un aliment pas très sain », affirme l'auteure d'A fleur de pets (Guy Trédaniel éditions). Puis le mal s'installe jusqu'à ne plus la quitter. Sensations de brûlures, ventre qui gonfle « comme une femme enceinte », des ballonnements en continu ou encore des selles irrégulières.
Errance médicale...
De médecins en spécialistes, d'instituts en hôpitaux, elle entre dans l'errance médicale. A tel point que la jeune femme, journaliste de formation, mène l'enquête de son côté : « Je tombe sur une étude américaine qui évoque le « Small intestinal bacterial overgrowth », également appelé « Sibo », qui correspond en tous points à mes symptômes ». Elle y apprend que cette pathologie digestive se traduit par une pullulation bactérienne de l'intestin grêle. Des bactéries non-infectieuses, normalement situées dans le colon, migrent vers l'intestin grêle censé absorber les aliments. Le Sibo est souvent confondu, à tort, avec son cousin le SII ou syndrome de l'intestin irritable (article en lien ci-dessous) qui est un « trouble du tube digestif fonctionnel », sans explication organique comme la prolifération bactérienne. « Dès que tu ingères un aliment, ces bactéries commencent à manger en même temps que toi. Elles créent des métabolites qui se transforment en gaz qui rendent le quotidien insupportable », schématise Dora.
Cent fois par jour aux toilettes
Dora multiplie les allers-retours aux toilettes pour se « déballonner », « peut-être cent fois par jour ». Au travail, il lui arrive de s'absenter une heure et de revenir avec le poids du soupçon dans le regard de ses collègues. D'autres, comme Alexandra sur le groupe Facebook « Sibo Québec », parlent d'amaigrissement, de nausées, de diarrhées, de vomissements, de constipations, de crampes intestinales, de fatigue ou encore de migraines. « J'ai consulté mon médecin traitant, puis mon gynéco durant plusieurs mois ; tous deux m'ont dit après prise de sang et examens que je n'avais rien ». La jeune femme finit par être entendue par un gastro-entérologue, qui pose enfin le diagnostic. Dora se rend, quant à elle, dans un centre hospitalier de la région parisienne, à Avicenne (93), pour réaliser un test respiratoire pratiqué sur la machine « Quintron », mesurant l'hydrogène, le méthane et le dioxyde de carbone, des gaz produits par les bactéries intestinales. Le verdict confirme son hypothèse : le Sibo est bel et bien là, elle doit apprendre à vivre avec.
Un handicap social
« Ça demande une organisation de tous les instants. C'est un véritable handicap social », déplore-t-elle. « Quand on a des ballonnements et des gaz, il faut s'isoler, ça ne sent pas toujours bon lorsque l'on quitte les toilettes ». Si la journaliste et autrice a aujourd'hui fait une croix sur le travail en entreprise, choisissant l'option freelance, ses flatulences à répétition y sont pour quelque chose. Trouver des vêtements adaptés et confortables, partir en vacances sans s'attirer les foudres de ses amis parce qu'on monopolise les WC, éviter le regard des autres qui se pose sur son acné, l'autre cadeau du Sibo… Autant de conséquences handicapantes qui pourrissent la vie. Aujourd'hui, le quotidien de Dora se dessine en pointillés. Elle a fait une demande auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), qui a été acceptée au bout d'un parcours du combattant de huit mois ; avec cette reconnaissance, si un jour elle retourne en entreprise, elle pourra témoigner auprès de son employeur que « ce n'est pas de sa faute ». « Certains sont contraints de passer par la voie psychiatrique, en faisant valoir tous les effets sur le plan de la santé mentale, pour obtenir ce sésame », ajoute-t-elle.
Peut-on en guérir ?
Si aucun traitement de fond n'existe pour la soulager, la jeune femme tente malgré tout de maintenir un équilibre précaire en surveillant son alimentation ou via la phytothérapie, la science des plantes, « pas prise en charge », regrette-t-elle. Pour l'Association française de formation médicale continue en hépato-gastro-entérologie (FMC-HGE), la validité de ces méthodes naturelles pour soulager les douleurs liées au Sibo « reste bien fragile ». Le corps médical s'accorde plutôt à prescrire différents antibiotiques pour traiter le Sibo qui reste, à ce jour, idiopathique, c'est-à-dire une maladie dont on ne connaît pas précisément l'origine. Dora, quant à elle, mise sur la transplantation fécale qui consiste à greffer des matières fécales d'un tube digestif sain pour renouveler le microbiote d'une personne malade (article en lien ci-dessous). « Avant que ce soit envisageable, j'aimerais déjà que cette maladie soit officiellement reconnue ». Le message est passé.