H.fr : Vous considérez-vous comme une personne handicapée ?
Mathilde Buhot : C'est une question difficile. Oui et non... Non car, au quotidien, je ne suis empêchée de rien, je n'ai pas de contre-indications physiques, contrairement à d'autres types de handicaps. Mais, d'un autre côté, c'est une charge cette maladie. En plus, c'est une maladie évolutive voire dégénérative donc je sais que je peux un jour être confrontée à des difficultés.
H.fr : Selon vous, la RQTH (reconnaissance qualité de travailleur handicapé) est-elle adaptée aux personnes diabétiques ?
MB : Aujourd'hui, oui. La mienne, je l'ai demandée très tard, à 43 ans, soit 20 ans après mon diagnostic car, au début, je n'en voyais pas l'utilité. Je n'ai pas eu besoin d'aménagement par rapport à mon diabète. Mais je sais que la RQTH peut protéger les salariés. Je ne m'en suis pas forcément servie. C'est drôle que vous me posiez cette question maintenant car, il y a quelques temps, j'ai candidaté à des prix qui récompensent les entrepreneurs en situation de handicap (ndlr : Trophées H'up, article en lien ci-dessous). Je n'ai pas été prise mais j'ai tenté !
H.fr : Le diabète a-t-il eu un impact sur votre vie professionnelle ?
MB : J'ai quitté mon job au mois de janvier 2018 et me suis mise à mon compte, d'abord car j'avais envie d'entreprendre depuis très longtemps mais aussi parce que ça me permet d'adapter mon rythme de travail. Je n'ai jamais ressenti de discrimination mais c'est plus confortable de pouvoir gérer mes déplacements et de travailler chez moi la moitié du temps. Je suis indépendante, je fais du conseil et de la formation dans le champ de l'emploi et du handicap.
H.fr : Diabète et emploi sont donc compatibles ?
MB : Oui, bien sûr, mais il faut prendre en compte l'évolution de cette maladie. Quand on parle d'emploi, il faut voir sur le long terme. Ce n'est pas forcément handicapant en début de carrière mais ça peut le devenir avec le temps. Le problème, c'est qu'il y a deux types de diabète, ils ne devraient même pas s'appeler de la même manière car ce sont deux maladies très différentes. Ils ont des similitudes mais pas les mêmes contraintes. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui survient à n'importe quel âge, le corps ne fabrique plus d'insuline, c'est pour ça que nous avons besoin de l'injecter. Le diabète de type 2 concerne surtout les personnes âgées de 40 ans et plus, parfois en surpoids, et peut se soigner avec des médicaments. Le corps fabrique de l'insuline mais, pour résumer, elle est de mauvaise qualité. Les besoins ne sont donc pas forcément les mêmes.
H.fr : La Fédération française des diabétiques a proposé, le 12 novembre 2018, à l'Assemblée nationale, la création d'un statut intermédiaire qui permettrait de bénéficier d'autorisation d'absences rémunérées pour un suivi médical. Cela vous parait-il plus adapté que la RQTH ?
MB : C'est une bonne idée mais je ne vois pas en quoi cela nécessite un nouveau statut, ça peut tout à fait entrer dans le cadre d'une RQTH. Le principe est de financer les entreprises pour les aménagements nécessaires aux salariés handicapés. Il faudrait donc garder cette RQTH, qui est un « statut » un peu universel, et demander à l'Agefiph de prévoir des compensations à verser à l'entreprise pour combler les heures d'absences des personnes qui ont besoin de temps pour faire des examens médicaux notamment. Il existe aussi la RLH, reconnaissance de la lourdeur du handicap (lien ci-dessous pour comprendre), pour les salariés moins productifs que les autres. L'employeur fait une analyse du poste et estime le taux de productivité de son employé. S'il est de 20 %, par exemple, l'Agefiph compense cette baisse de productivité pour continuer à encourager les employeurs à embaucher des personnes moins productives du fait de leur handicap. Donc plutôt qu'un nouveau statut, il faudrait surtout un nouveau dispositif dans l'offre d'intervention de l'Agefiph.
H.fr : Avoir un emploi, c'est aussi pouvoir se rendre sur son lieu de travail… Grâce à un accord signé le 7 novembre, les personnes diabétiques ne seront plus obligées de déclarer leur maladie à l'auto-école ni de passer devant un médecin agréé. Dorénavant, la visite se fera avec le médecin traitant.
MB : Oui, et une démarche compliquée en moins. Il n'y avait pas beaucoup de médecins agréés, et de nombreux papiers à remplir, c'était très difficile, surtout pour ceux qui n'étaient pas à l'aise avec l'administratif. En clair, ce n'était pas justifié.
H.fr : Une première victoire qui permet d'en espérer d'autres puisque de nombreux métiers comme policier, pompier et marin sont prohibés aux personnes diabétiques…
MB : Je pense que cette loi est à réexaminer et je crois que cette liste est en passe d'être supprimée d'ailleurs ; nous ne sommes plus diabétiques dans les mêmes conditions qu'il y a 50 ans. Je ne vois pas en quoi on ne pourrait pas être dans la police. Le risque du diabète de type 1, ce sont les hypoglycémies (ndlr : malaises). La fréquence des malaises dépend notamment du stress, de la fatigue, de la charge de travail et de l'ajustement du traitement. Donc si la personne gère bien ses niveaux de glycémie, il n'y a pas de danger.
Le diabète, un handicap au travail ? Oui et non...
RQTH ou pas pour les personnes diabétiques ? La fédération dédiée réclame un statut intermédiaire. Mathilde Buhot, qui fait du conseil en entreprise, évoque l'incidence de la maladie sur son parcours professionnel...
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