« Parmi les caractéristiques individuelles et familiales influant sur l'avenir d'un jeune, le milieu social reste la plus déterminante », estime le Haut-commissariat au plan, chargé de la réflexion stratégique sur les grandes évolutions économiques, sociales, environnementales et technologiques du pays. Mais qu'en est-il pour les jeunes en situation de handicap ? La note d'analyse n°153 de France Stratégie, publiée fin mai 2025, pose une question essentielle avec un titre sans équivoque : Jeunes en situation de handicap : une mobilité sociale entravée. Ce document, qui s'appuie sur des enquêtes de l'Insee, explore les freins à la mobilité sociale intergénérationnelle pour ces jeunes, en les comparant à ceux de leurs pairs « valides », et interroge le poids de l'origine sociale dans leur parcours.
Une insertion plus difficile pour tous les jeunes handicapés
« Qu'ils soient issus d'un milieu favorisé ou modeste, les jeunes en situation de handicap rencontrent des obstacles significatifs pour devenir cadre ou profession intermédiaire », tranchent les auteurs de cette note de 16 pages. À âge, sexe et année d'enquête identiques, les jeunes « valides » ont 1,7 fois plus de chances d'y accéder que leurs pairs handicapés. Cette situation s'explique principalement par un niveau de diplôme plus faible : au sein des familles favorisées, ces derniers ont 1,6 fois plus de chances d'être diplômés du supérieur que les jeunes handicapés et l'écart atteint 1,9 dans les milieux défavorisés.
Risque majoré d'exclusion du marché du travail
Les jeunes handicapés sont également quatre fois plus nombreux à n'avoir jamais travaillé, une situation d'autant plus fréquente pour ceux issus de familles favorisées. Ainsi, pour ces derniers, le handicap multiplie par 4,9 le risque de ne jamais avoir été en emploi, contre 3,3 pour les jeunes défavorisés. « Un constat contre-intuitif, pointe France Stratégie, un organisme public rattaché au Premier ministre chargé d'évaluer les politiques publiques. L'origine sociale élevée ne protège pas contre l'échec scolaire ou l'inactivité professionnelle lorsqu'un handicap est présent. »
Moins de diplômes, moins de chances
L'accès à un diplôme du supérieur constitue un levier majeur de mobilité, a fortiori pour les jeunes en situation de handicap. « Ceux qui en disposent ont 16 fois plus de chances d'accéder à un emploi de cadre ou profession intermédiaire que ceux sans diplôme, contre un facteur 8 chez les jeunes valides, précisent ses auteurs. Pourtant, à diplôme égal, les jeunes handicapés restent pénalisés. » À titre d'exemple, 56 % des diplômés handicapés du supérieur accèdent à une position sociale élevée, contre 73 % des autres jeunes.
Des inégalités sociales dès l'école primaire
De plus, les parcours scolaires des jeunes en situation de handicap sont marqués par de fortes inégalités sociales. « Ils grandissent plus souvent dans des familles défavorisées (51 %), et les troubles cognitifs ou psychiques, plus pénalisants scolairement, sont surreprésentés dans ces milieux. De plus, à trouble identique, les enfants de milieux aisés réussissent mieux leur scolarité », observe le document. Par exemple, à 10 ans, un élève avec un trouble cognitif est quatre fois plus souvent en CM2 s'il est issu d'un milieu très favorisé.
Une entrave majeure à la mobilité sociale
« Cette étude montre combien origine sociale (défavorisée) et handicap se cumulent fortement dans les parcours de vie, en constituant une entrave majeure à la mobilité sociale et à l'insertion professionnelle », souligne Clément Beaune, haut-commissaire au Plan et Commissaire général de France Stratégie. Mais l'analyse « ne porte pas sur la génération qui a bénéficié du fort développement de la scolarisation en milieu ordinaire, multipliée par trois depuis la loi de 2005. Tout laisse à penser que cette politique d'inclusion scolaire peut changer la donne, espère-t-il. Il est essentiel de la poursuivre, de l'amplifier, et d'intensifier la mobilisation à l'étape d'après, celle de la carrière professionnelle ». Pour l'heure, l'égalité des chances reste un idéal lointain, qui appelle des politiques publiques renforcées.
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