Combien de personnes handicapées en France ? « Il n'y a pas de réponse unique à cette question parce qu'il n'y a pas de définition unique de ce qu'est le handicap. Il existe une pluralité de façons d'appréhender cette notion, qui ont chacune leur pertinence et méritent d'être croisées afin d'éclairer ses différentes facettes », rétorque la Drees, service statistique des ministères sociaux. Pour tenter d'apporter des réponses, elle publie, le 21 avril 2023, Le handicap en chiffres. Cet ouvrage de 97 pages vise à proposer une photographie « rapidement lisible » des principaux chiffres disponibles sur le handicap, à partir de travaux et d'études déjà publiés. Le premier ? En 2021, 6,8 millions de personnes de 15 ans ou plus -soit 13 % de la population française-, vivant dans un logement ordinaire, déclarent avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive et 3,4 millions (6 %) déclarent être fortement restreintes dans des activités habituelles en raison d'un problème de santé. Mais, selon le critère ou le croisement de critères utilisé, ce nombre peut varier de 2,6 millions à 7,6 millions.
409 400 élèves handicapés en classe ordinaire
Composée de six chapitres déclinés en 28 fiches, cette synthèse aborde ensuite, plus spécifiquement, la situation des personnes handicapées à travers différentes thématiques, à commencer par la scolarisation des enfants. Sur l'année scolaire 2021-2022, 75 % des 212 400 élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements du premier degré le sont en classe ordinaire. 141 600, soit les deux tiers d'entre eux, reçoivent une aide humaine, individuelle ou mutualisée. Un peu plus de 4 % ont accès à du matériel pédagogique adapté (clavier braille, périphériques adaptés, logiciels spécifiques...). Dans le second degré, ils sont au nombre de 197 000.
44 % des personnes handicapées sont « actives »
Sur le marché du travail, les personnes reconnues handicapées âgées de 15 à 64 ans sont moins présentes que les « valides ». 44 % sont « actives » au sens du Bureau international du travail (en emploi ou au chômage), contre 73 % pour l'ensemble de la population de cette tranche d'âge. Parmi les 27,3 millions de Français en emploi, 1,1 million (soit 4 %) disposent d'une reconnaissance administrative de leur handicap. En tenant également compte des personnes ayant un problème de santé durable, accompagné de difficultés depuis au moins six mois dans les activités quotidiennes, ce chiffre grimpe à 2,9 millions, soit 11 % de la population en emploi. L'ouvrage met également en exergue le taux de chômage près de deux fois supérieur de ce public. En 2021, il était de 15 % contre 8 % pour le reste des Français, à la fin du premier trimestre 2022, il s'établissait à 14 %, toujours contre 8 % (Lire : Personnes handicapées: le taux de chômage (encore) en baisse). Lorsqu'elles travaillent, les personnes handicapées exercent une moins grande variété de métiers : vingt professions représentent 37 % de l'emploi, contre seulement 25 % pour le reste de la population. Les travailleurs handicapés sont plus souvent « employés » ou « ouvriers » (58 % contre 45 %) et ont plus souvent recours au temps partiel (27 % contre 17 %).
Un départ à la retraite plus tardif
Un sujet au cœur de l'actualité : la retraite. En 2020, les personnes handicapées liquident leur retraite à 62,7 ans en moyenne, soit trois mois plus tard que les « valides ». « Elles bénéficient en effet moins souvent des possibilités de départ anticipé car, si certaines de ces possibilités sont spécifiques aux personnes handicapées, d'autres (plus fréquentes) sont liées au fait d'avoir eu une carrière longue, condition qui est rarement possible pour les personnes souffrant d'incapacités », estiment les auteurs. Par ailleurs, selon eux, les réformes successives ont comme principale conséquence d'allonger leur période sans emploi ni retraite : environ 8,5 années après 50 ans, contre 1,8 an pour le reste de la population.
AAH, AEEH... Panorama des principales allocations
L'ouvrage se penche ensuite sur les prestations de compensation et de solidarités. Fin 2021, 1,25 million de personnes bénéficient de l'Allocation adulte handicapé. Les trois quarts la touchent en tant qu'adulte isolé, en très grande majorité sans enfant, « même si seulement un peu plus de la moitié des bénéficiaires de l'AAH vivent vraiment seuls (les autres vivent avec un de leur parent, les deux, ou encore avec un frère ou une sœur) », précisent les auteurs. Mais le nombre d'allocataires devrait vraisemblablement augmenter à compter du 1er octobre 2023, date de l'entrée en vigueur de la déconjugalisation de l'AAH qui promet de ne faire « aucun perdant »... Le 18 avril 2023, le gouvernement lance une campagne « d'aller-vers » pour informer les personnes jusqu'alors inéligibles de leurs nouveaux droits (Lire : Déconjugalisation AAH : informer ceux qui y auront droit!).
En outre, au 30 juin 2020, 372 100 personnes bénéficient de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), destinée à compenser les frais d'éducation et de soins apportés à un jeune de moins de 20 ans. L'Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et la Prestation de compensation du handicap (PCH) visent, quant à elles, à aider au financement d'aides humaines principalement, mais aussi techniques, et de certains aménagements -la première n'accueillant plus de nouveau bénéficiaire depuis la création de la seconde en 2006-. Au 31 décembre 2020, 51 900 personnes ont un droit ouvert à l'ACTP et 347 100 à la PCH.
Dans les établissements médico-sociaux
La Drees détaille également le nombre et le profil des personnes accueillies dans des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Fin 2020, 167 300 d'entre elles sont des enfants et adolescents, ce qui représente 1 % de l'ensemble des moins de 20 ans. 40 % ont entre 11 et 15 ans, et les deux-tiers sont des garçons. Leur présence est particulièrement marquée dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) tandis que les établissements pour enfants polyhandicapés se rapprochent de la parité. Les adultes sont bien plus nombreux, 311 700, mais représentent seulement 0,6 % de l'ensemble de la population de 20 ans ou plus (chiffres de 2018). 56 % d'entre eux ont une « déficience principale intellectuelle », dont 9 % sous une forme sévère. Par exemple, un tiers a besoin d'une aide pour faire sa toilette. Alors que les femmes sont majoritaires dans la population française et dans la population handicapée qui ne réside pas en établissements, elles sont minoritaires dans les ESMS (41 % contre 59 %). A noter qu'entre 2006 et 2018, le nombre de structures, de places et de personnes accompagnées n'a cessé d'augmenter : 77 300 places ont été créées. Mais le secteur peine à suivre le rythme et fait régulièrement face à des pénuries de personnel et à l'épuisement des professionnels surchargés (Lire : Handicap : une "crise majeure" du médico-social).
Pour faciliter l'accès à ses travaux, la Drees met en ligne une traduction en Facile à lire et à comprendre (FALC) d'une de ses études, qui porte sur Les adultes handicapés accueillis dans les ESMS. « Une première ! », se félicite-t-elle.