* Ancien triple champion du monde et ancien triple champion olympique, en canoë monoplace.
Handicap.fr : Quels sont les atouts de la candidature de Paris 2024 ?
Tony Estanguet : Le projet est tout d'abord porté par le mouvement sportif. La gouvernance du comité est assurée par de nombreux olympiens comme Etienne Thobois, Jean-Philippe Gatien ou Thierry Rey. J'assume la co-présidence avec Bernard Lapasset, ancien président de World Rugby. Mais le projet est aussi pensé et construit par et pour les athlètes. Au sein d'un comité dédié, et co-présidé par la championne paralympique Marie-Amélie Le Fur et le champion olympique Teddy Riner, ils enrichissent ce projet pour proposer au CIO, à l'IPC et à la famille olympique et paralympique des Jeux spectaculaires qui puissent laisser un héritage durable. Paris 2024 est aussi un projet qui bénéficie d'un concept technique très fort avec 95% des infrastructures existantes ou temporaires et 85% des athlètes qui seront situés à moins de 30 minutes de leurs sites de compétition. Paris sera un véritable parc olympique et paralympique avec 100% des trajets réalisables via les transports publics.
Mais Paris 2024 est sans doute plus fort que jamais car il bénéficie d'un soutien unanime du monde politique, économique et du grand public. Tous sont engagés pour ce projet, notamment au travers de la concertation nationale lancée il y a plus de six mois. Il porte également un projet durable qui a l'ambition de remettre le sport et ses valeurs au cœur de la société. Enfin, Paris 2024 veut être le partenaire idéal du CIO et de l'IPC. Un partenaire qui a l'olympisme dans son ADN, qui dispose d'un savoir-faire reconnu en matière d'organisation d'événements sportifs internationaux et qui veut proposer une olympiade responsable qui puisse œuvrer à la constitution d'un héritage durable.
H.fr : Lorsque Paris dépose une candidature, le versant paralympique est-il aussi étayé et solide que l'olympique ?
TE : Evidemment. A vrai dire, il l'est même davantage si l'on considère tous les éléments techniques liés à l'accessibilité qu'il faut prendre en considération. Pour Paris 2024, une attention toute particulière a été portée à ces questions et nous avons fait le choix d'intégrer à l'équipe un expert de cette problématique directement rattaché à la Direction technique et à la direction des Sports. L'accessibilité pour tous, l'accès à la pratique sportive pour les personnes en situation de handicap et le développement du mouvement paralympique en France et dans le monde entier, voici nos objectifs et l'héritage que nous voulons laisser pour les Jeux paralympiques à Paris. Notre projet est partagé, ouvert et authentique. Des valeurs que nous défendons et qui nous guident pour mettre en action des projets forts.
H.fr : Tient-on compte de la voix de l'IPC (Comité international paralympique) et des instances handisport et sport adapté dans la défense de ce dossier ?
TE : L'IPC est représenté au sein du CIO via son président, Sir Philip Craven. Les problématiques liées aux Jeux paralympiques sont cruciales car les réponses apportées par le comité de candidature sont un message fort envoyé à tous les acteurs sur la capacité d'ouverture et d'écoute de tous les publics, et notamment des personnes en situation de handicap. Prendre en compte la voix de l'IPC est donc sportivement une nécessité et socialement un prérequis pour organiser les Jeux.
H.fr : Anne Hidalgo a affirmé que les Jeux paralympiques de 2024 permettraient d'améliorer l'accessibilité de la ville aux personnes handicapées (rues, trottoirs, transports, équipements...). En êtes-vous également persuadé ?
TE : Les collectivités et la ville de Paris au premier chef ont fait le choix de s'engager dès la phase de candidature pour construire un héritage fort et durable qui peut contribuer à changer la société en profondeur. Avec 95% des infrastructures existantes ou temporaires nous voulons investir du temps, de l'énergie et des moyens pour que l'héritage « intangible » puisse être positif pour la population. Sur la question du handicap, nous voulons à la fois changer le regard mais aussi améliorer l'accessibilité. Sur ce point, les progrès réalisés par Londres sur les dernières années sont un encouragement. Nous travaillons étroitement avec la Ville de Paris pour identifier des opportunités qui permettront d'accélérer notre progrès dans ce domaine, même en phase de candidature.
H.fr : Cette perspective a eu le don à la fois de rassurer les personnes concernées mais aussi de les agacer au motif qu'il existe un arsenal de lois qui prévoit la mise en accessibilité de la France depuis plus de 10 ans, voire 40 ans, et qu'il faut attendre un évènement comme les Jeux pour relancer la question. Et de surcroît dans 8 ans. Qu'en pensez-vous ?
TE : Les Jeux ne sont pas une baguette magique mais ils ont la capacité de fédérer les décideurs et de rassembler les énergies pour faire naître une dynamique positive. Les promesses de campagne ne sont pas toujours suivies des faits mais, en l'occurrence, celles que nous faisons aujourd'hui devront l'être car nous y serons contraints devant le CIO, l'IPC et les autres nations. A ce sujet, il faut cependant préciser que ce ne sont pas « les Jeux » qui font tout mais que, bien souvent, ils permettent la mise en place de politiques publiques volontaristes et qui bénéficient d'un soutien unanime de tous les partis. Ils sont un catalyseur et un accélérateur de politiques publiques.
H.fr : Le village olympique serait-il totalement accessible, ce qui permettrait, pourquoi pas, ensuite, de loger des personnes handicapées qui peinent à trouver des logements adaptés dans la région ?
TE : La région Ile de France manque de 70 000 logements. Des logements sociaux, des logements accessibles aux personnes en situation de handicap et des logements situés à proximité des nœuds de transports. Le village olympique et paralympique, situé en bord de Seine à l'Ile-Saint-Denis, et le village des médias, localisé à Dugny-le-Bourget, offriront 5 000 logements au département qui héberge la population la plus jeune de France. Ceux qui seront construits dans ce quartier durable seront donc 100% accessibles et établiront une référence pour la ville durable de demain.
H.fr : L'élan paralympique de Londres 2012 (toutes les compétitions affichaient complet) aura-t-il, selon vous, la même intensité à Rio ?
TE : Il est difficile de faire des pronostics. Quatre ans séparent deux olympiades. Le projet de Londres n'est pas celui de Rio 2016 et les deux villes ne partent pas du même point de départ ; notamment sur la question des Jeux paralympiques. Là où Londres, l'une des villes les plus modernes et riches du monde, voulait franchir une étape décisive en termes d'accessibilité, Rio veut d'abord changer le regard sur les personnes en situation de handicap au Brésil même. Un vœu d'autant plus fort qu'il est fait par le premier pays d'Amérique du Sud devant organiser les Jeux. Nous l'avons vu pendant les JO, le taux de remplissage des stades fût un défi et ce sera probablement également difficile pendant les Jeux paralympiques mais je reste confiant sur la capacité de l'IPC et des organisateurs à faire de ces jeux une fête superbe et une nouvelle étape vers l'inclusion de toutes les populations.
H.fr : Récemment, le candidat Nicolas Dupont-Aignan lançait une pétition pour que les Jeux olympiques et paralympiques soient organisés en même temps. Une revendication déjà entendue... Est-ce réalisable et même souhaitable ?
TE : Cette question est un serpent de mer et la question est posée à chaque olympiade. A titre personnel, je pense que les Jeux paralympiques bénéficient d'une meilleure visibilité en étant organisé après les olympiques. Ils portent un message différent et bénéficient de l'impact médiatique des JO pour faire bouger les lignes. Cette année, France TV diffusera 100 heures de direct. C'est du jamais vu. Espérons que les Jeux paralympiques connaitront un fort succès à Rio et qu'ils franchiront une nouvelle étape.