Jeux para et olympiques ensemble : pourquoi ça bloque?

Depuis des années, les partisans de l'inclusion réclament des Jeux olympiques et paralympiques organisés en même temps. Trop "pharaonique" selon les instances, et un risque de dilution médiatique. Le patron de Paris 2024 répond aux arguments...

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Les Paralympiques en même temps que les Olympiques, l'argument refait surface tous les quatre ans. Ses défenseurs font valoir des questions d'équité et assurent que cette fusion offrirait aux Para une plus grande visibilité... Vraiment ? Alors, pourquoi, jusqu'à maintenant, n'a-t-elle jamais été envisagée ? Paris 2024 n'échappe pas à la règle. Malgré un engagement inédit de son comité d'organisation en faveur du mouvement paralympique, l'option ne convainc pas. Pourquoi ?

Un défi de sobriété

En 1988, c'est à Séoul que sont organisés, de fait, pour la première fois les deux Jeux dans la même ville. En 2001, quarante ans après la création des Jeux paralympiques, un accord entre le CIO (Comité international olympique) et le CIP (son équivalent paralympique) formalise officiellement les choses : les jeux paralympiques auront désormais toujours lieu « un peu après », en utilisant les mêmes installations et sites sportifs, le même village des athlètes, la même prise en charge des frais d'inscription et des frais de déplacements.

Depuis, l'idée d'un « tout ensemble » a fait son chemin. Mais organiser les deux événements en même temps serait apparemment une gageure « pharaonique ». Plus de 10 000 athlètes pour les JO, près de 5 000 pour les para. Cela nécessiterait un village olympique de 26 000 lits, un service de transports capable d'absorber presque autant de personnes dont environ 2 000 en fauteuil roulant. Il faudrait que l'ensemble des installations soit doublé, soit deux stades et deux piscines, au risque de faire exploser une facture déjà très salée. « C'est drôle parce que souvent ceux qui souhaitent que les Jeux se déroulent en même temps reprochent également qu'ils coûtent trop chers, observe Tony Estanguet, triple médaillé d'or olympique en canoë et président de Paris 2024 (interview complète en lien ci-dessous). Si l'on est engagé sur ce défi de sobriété, aussi bien budgétaire qu'environnementale, il faut accepter l'existence de deux événements différents. » D'autres proposent alors de doubler la durée des Jeux, soit un mois sans pause ! Pour Andrew Parsons, président du CIP, un événement commun risquerait de « banaliser », voire de « noyer » les « performances exceptionnelles de ces athlètes qui méritent toute notre attention ». Selon lui, « c'est un moment unique de célébration. C'est leur moment ! ».

Une exposition médiatique à la marge

Tony Estanguet fait également valoir que « l'exposition médiatique serait encore plus difficile si les Jeux avaient lieu en même temps ». Déplorant déjà une « véritable concurrence » entre les sports organisés le même jour, il serait, selon lui, « d'autant plus compliqué de valoriser les performances paralympiques ». Citant son propre exemple, il affirme que ses médailles d'or sont « souvent passées au second plan car, qu'on le veuille ou non, certains medias privilégient des disciplines plus connues ». Cette hiérarchie ne manquerait donc pas d'impacter les disciplines paralympiques qui, il faut bien l'admettre, sont encore les parents pauvres du petit écran. Ce que confirme le double champion paralympique de tennis-fauteuil, Stéphane Houdet, sur France info : « Quand on se retrouve à jouer les épreuves du Grand Chelem à Roland-Garros, l'éclairage n'est pas forcément accentué sur l'épreuve de tennis-fauteuil », déplore celui qui fut l'un des deux porte-drapeaux français aux Jeux de Tokyo 2020 (article en lien ci-dessous).

Et pourquoi pas avant ?

« Le handicap à la traîne, comme toujours », se désespèrent les partisans de la réunification. Dans ce cas, pourquoi pas des Paralympiques avant les JO, comme une mise en majesté ? « Ils n'ont pas vocation à servir de répétition ou de test », rétorque Andrew Parsons. Au contraire, la configuration actuelle permettrait de se familiariser avec l'organisation et d'ajuster en cas de besoin. Point de vue partagé par Tony Estanguet, pour qui il est « plus judicieux de capitaliser sur la dynamique des Jeux olympiques et de pérenniser le plaisir avec les paralympiques ».

Des épreuves para lors des JO ?

Ne pourrait-on pas alors envisager quelques épreuves paralympiques organisées lors des JO, ce que défend d'ailleurs Stéphane Houdet : « Pouvoir jouer quelques sports ensemble », afin de « modifier l'approche » du public sur le handicap. Pour Tony Estanguet, « cela paraît compliqué de faire venir seulement certains athlètes. ». Autre argument, pourquoi attendre quinze jours avant de rallumer la flamme ? Un délai de battement jugé « nécessaire » : « Les sportif mettent généralement trois ou quatre jours avant de récupérer et de repartir. Ensuite, il faut laisser le temps aux para athlètes du monde entier d'arriver au village afin qu'ils puissent s'habituer au climat, se remettre du décalage horaire et s'entraîner dans les infrastructures ». Tony Estanguet ajoute qu'un « travail de mise en accessibilité du site est également indispensable ».

Une flamme continue ?

Les instances sportives continuent néanmoins de chercher « des solutions pour faire en sorte que ces deux événements soient les plus proches et les plus intégrés possibles », selon lui. Mais, il l'assure, à Paris, en 2024, il y aura bien deux périodes distinctes : du 26 juillet au 11 août pour les Olympiques et du 28 août au 8 septembre pour les Paralympiques. Paris brûlera-t-il... de la même flamme -rappelons que le Cojo Paris 2024 a déjà fait un premier pas d'unification en choisissant le même logo pour les deux compétitions-. C'est en tout cas le souhait de l'APHPP (Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées) qui espère que Paris « marquera un tournant » : « Le flamme ne peut être éteinte avant que les parasportifs aient pu nous émerveiller de leur formidable résilience et dépassement de soi ». Si Tony Estanguet se dit sensible à la symbolique, il ajoute que « la difficulté, c'est que ces deux événements relèvent de deux organisations internationales différentes », chacune d'elles voulant « un début et une fin ». La Ville lumière mettra donc le feu deux fois plutôt qu'une !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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