4 janvier, c'est la journée mondiale du braille décrétée par l'Onu en 2018. En 2021, c'est aussi le 211ème anniversaire de la naissance de Louis Braille (1809-1852), qui a mis au point cette écriture en relief à six points dédiée aux personnes aveugles et fut honoré par la France puisqu'il repose au Panthéon. Elles sont près de 10 millions sur les cinq continents à accéder à la lecture et à l'écriture grâce à ce système universel qui s'adapte à tous les alphabets, même si les signes peuvent différer d'un pays à l'autre. Avant cette invention, « les personnes aveugles étaient réduites à l'indigence, à la mendicité », explique la Fédération des aveugles de France (FAF). Elles peuvent, depuis, accéder à la lecture et l'écriture ordinaire, mais aussi à l'approche des disciplines scientifiques les plus complexes ainsi qu'à la pratique musicale. Pourtant seulement 12 % l'utilisent aujourd'hui…
Des politiques pas à la hauteur
La FAF déplore malgré tout un « triste anniversaire » car, selon elle, « les politiques culturelles de nos pays ne soutiennent pas assez la production de livres adaptés », réitérant un appel déjà lancé les années précédentes (article en lien ci-dessous). « La France, pourtant patrie de Braille est loin d'être exemplaire en la matière ; en Europe, elle fait même partie des derniers de la classe », poursuit l'association. Seulement 7 % des livres publiés sont adaptés aux personnes aveugles et amblyopes, sans doute moins s'il s'agit de la seule écriture braille. Vincent Michel, président d'honneur de la FAF, juge cette situation « intolérable ». « Refuser une politique du livre adapté, c'est refuser aux personnes privées de vue un accès à la connaissance, à l'instruction de haut niveau, à un accès normal à l'Université », explique-t-il.
Alternative informatique
Des solutions existent pourtant, l'informatique étant un puissant allié à la production du braille. Malgré plusieurs relances, le ministère de la Culture continue de faire la sourde oreille selon la fédération alors qu'il suffirait de « 3 millions d'euros pour permettre aux personnes aveugles de lire, dans des délais raisonnables et au prix du marché ». A l'heure du « quoi qu'il en coûte », elle juge cette demande « raisonnable » et attend un coup de pouce pour ce « droit fondamental ». Pour Michel Vincent, « le braille reste le seul système permettant une approche autonome du texte écrit », recommandant qu'il soit « parfaitement enseigné aux enfants ». Des voix dissidentes se font pourtant entendre, à l'instar d'Éric Brun-Sanglard, designer et architecte non-voyant. Sur Europe 1, il a vanté les nouvelles technologies qui permettent désormais de s'en passer pour lire : synthèse vocale, plage tactile, reconnaissance de caractères, lecture de texte via une photo, livres audio… De son côté, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) dans un rapport rendu en décembre 2020, mentionne que les livres numériques en braille « conviennent seulement à une faible partie des non-voyants (15 %) », reconnaissant dans le même temps une « offre disponible de livres en format adapté (...) insuffisante ». La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CPRD) cite néanmoins le braille comme moyen de communication et le considère comme « essentiel » dans les domaines de l'éducation, de la liberté d'expression et d'opinion, de l'accès à l'information et de l'inclusion sociale de ceux qui l'utilisent.
De belles initiatives
Quelques initiatives sont à signaler pour accéder au plaisir de lire… La « rentrée littéraire pour tous », lancée en 2013, est une opération initiée par le Syndicat national de l'édition (SNE) qui a pour objectif d'éditer les livres phare dans un format numérique adapté (article en lien ci-dessous). En 2020, 425 titres (contre 371 en 2018) sont ainsi disponibles en gros caractères, format audio ou braille numérique. Un record ! En parallèle, le SNE accompagne les éditeurs vers une production de livres numériques en format EPUB3 accessible, nouvelle version performante du format EPUB (« Electronic publication », soit « publication électronique ») pouvant convenir aux publics aveugles, malvoyants ou « dys ». Par ailleurs, la Librairie des grands caractères doit ouvrir ses portes à Paris le 20 janvier 2021. Située 6 rue de Laplace, dans le 5e arrondissement, à deux pas du Panthéon, elle proposera des ouvrages exclusivement adaptés aux amateurs de littérature avec une déficience visuelle, des troubles de l'apprentissage (dys) ou des difficultés cognitives.