En France, la paralysie cérébrale touche un nouveau-né toutes les 6 heures, soit un enfant sur 570. Celle que l'on appelait auparavant infirmité motrice cérébrale (IMC) est la première cause de handicap moteur chez l'enfant. Elle concerne des enfants nés prématurément dans environ 40% des cas, le risque étant d'autant plus élevé que l'âge gestationnel à la naissance est plus faible.
Une journée mondiale dédiée
À l'occasion de la Journée mondiale dédiée, qui a lieu chaque année le 6 octobre, chercheurs, familles et associations se mobilisent pour lever le voile sur ce handicap qui touche 17 millions de personnes dans le monde et 125 000 en France. « Un handicap très fréquent mais dont on parle peu et qui dure toute la vie », explique à la presse Alain Chatelain, président de la Fondation paralysie cérébrale (nouveau nom de la Fondation motrice). Elle a été créée en 2005 par des associations de parents et des professionnels de santé pour soutenir la recherche, œuvrer pour la qualité des soins et la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques. « C'est le seul acteur spécifiquement dédié au soutien de la recherche dans ce domaine », poursuit-il.
La paralysie cérébrale, c'est quoi ?
- Ce handicap résulte de lésions irréversibles survenues sur le cerveau en développement du fœtus ou du nourrisson, dues à la destruction de certaines cellules du cerveau, que l'on ne sait pas encore réparer.
- Ces lésions provoquent un ensemble de troubles du mouvement ou de la posture, souvent accompagnés de difficultés cognitives ou sensorielles, qui durent toute la vie. Ce handicap est extrêmement variable ; certains préfèrent parler de « paralysies cérébrales », au pluriel. En fonction des lésions, les manifestations sont très diverses : elles peuvent aller d'une simple boiterie à une atteinte grave de la motricité (un côté du corps voire les quatre membres). Elles peuvent s'exprimer par des troubles du langage et de l'élocution, des dyslexies (difficultés de lecture), des dyspraxies (organisation des gestes), voire des mouvements anormaux, des crises d'épilepsie…
- Les causes sont principalement la grande prématurité, des infections ou maladies pendant la grossesse, des accouchements difficiles, ou encore des maladies survenant dans les premiers mois de la vie de l'enfant.
- Pour chaque personne touchée, la nature et l'importance des troubles dépendent des zones du cerveau affectées et de l'étendue des lésions.
De nouveaux espoirs
Alain Chatelain, papa de Matthieu, né prématuré à 5 mois, aujourd'hui âgé de 29 ans, affirme que « c'est une pathologie pesante pour les familles et les ressources publiques ». « L'enfant avec une paralysie cérébrale, c'est celui que l'on n'attend pas, explique-t-il. Et l'idée qu'il puisse ne jamais marcher ne rentre pas dans votre esprit. Nous restons toujours en attente de normalité et de développement ». Mais de nouvelles avancées suscitent de l'espoir. « Longtemps, on s'est dit que les séquelles étaient définitives et qu'il fallait se contenter d'accompagner les enfants mais on s'est rendu compte que les avancées thérapeutiques permettaient d'éviter que les lésions se constituent », poursuit-il. La plasticité du cerveau permet en effet de transférer les potentiels des parties détruites vers d'autres zones. Et de donner l'exemple du langage, concentré dans l'hémisphère gauche, qui, chez certains, peut se déplacer ailleurs. Olivier Baud, président du conseil scientifique de la Fondation explique dans une vidéo (ci-dessous) quelles sont les prises en charge des bébés, qu'ils soient prématurés ou nés à terme, qui permettent de limiter les lésions (article complet en lien ci-dessous). « Alors même qu'on dénombre plus d'enfants grands prématurés, on observe moins de cas de paralysie cérébrale, affirme le Dr Catherine Arnaud, qui dirige l'équipe SPHERE. Car, repérés à la naissance, ils sont mieux accompagnés par le réseau. »
Deux études primordiales
Les résultats sont encourageants, manifestes et témoignent surtout de l'importance d'une intervention précoce. Une étude portant sur 5 000 enfants nés depuis 2011 avant 35 semaines de gestation est actuellement menée, qui propose de faire un examen clinique à l'âge de deux ans afin d'évaluer le risque de paralysie cérébrale. « Même si la lésion est précoce, il faut du temps avant que le diagnostic soit posé », explique le Dr Arnaud. De son côté, le réseau SCPE (Surveillance of cerebral palsy in Europe) dispose d'une base de données se surveillance de plus de 20 000 enfants nés entre 1975 et 2007. Elles attestent une diminution marquée de la prévalence de la paralysie cérébrale sur la dernière décennie d'environ 2% en moyenne par an, la fréquence des cas de plus grande sévérité ayant également diminué.
Une baisse dans tous les pays
Environ 27% des enfants avec paralysie cérébrale nés entre 2004 et 2006 avaient une atteinte motrice conduisant à une nécessaire utilisation d'un fauteuil roulant, ils étaient environ 33% pour les générations 1998 à 2003. « Même si la fréquence de paralysie cérébrale n'est pas la même dans toute l'Europe, on constate qu'elle est en baisse dans tous les pays », confirme le Dr Arnaud. Ces résultats soulignent l'importance de se doter des bons outils pour suivre les tendances épidémiologiques et mesurer l'impact des rééducations dispensées par les kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes et psychomotriciens. Avec l'objectif, in fine, de faire évoluer les pratiques et de proposer un autre avenir…
Un appel à projet et une enquête
La Fondation a, dans ce contexte, mené en 2017 l'enquête ESPaCe (Enquête satisfaction paralysie cérébrale) auprès de familles concernées, qui va permettre de faire un état des lieux des soins et de leur organisation, avec pour objectif d'améliorer la prise en charge de la rééducation motrice. Elle va par ailleurs engager 1,5 million d'euros sur 3 à 5 ans pour un ou deux projets de recherche portant sur la prévention dans les populations à risque ou l'amélioration de la vie des personnes atteintes (plus d'infos en lien ci-dessous). Avec ce « Grand projet 2018 », elle souhaite favoriser des équipes internationales, multidisciplinaires, pour obtenir des avancées significatives dans ce domaine encore mal connu.
D'autres combats…
L'autre axe de recherche, c'est la gestion de la douleur ; trois enfants sur quatre en seraient victimes (article en lien ci-dessous). « Lorsque notre fondation est née, nous nous sommes rendu compte que c'était un sujet récurrent pour les familles, explique Alain Chatelain. Nous pensions qu'elles allaient nous dire que leur priorité était de voir leur enfant marcher, parler… Eh bien non, c'était de ne plus le voir souffrir. » Il rappelle que l'espérance de vie n'est pas altérée par la paralysie cérébrale même si, en cas de polyhandicap plus lourd, certains risques, comme les fausses routes, peuvent constituer un danger.
© Jaren Wicklund/Fotolia