Kim Auclair : une businesswoman malentendante qui en veut

Kim Auclair, une Québécoise aux multiples facettes : entrepreneure, blogueuse, conférencière... Dans son livre, elle donne les clés pour réussir la création d'une entreprise. Parcours d'une businesswoman malentendante, curieuse et survoltée...

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« J'ai enfin accepté ma surdité. Avant, je préférais dire que j'étais malentendante sans entrer dans les détails. » Kim Auclair vit avec une déficience auditive depuis toujours. Sa surdité profonde à sévère l'amène à porter un appareil auditif à l'oreille droite depuis sa naissance ; celle de gauche « n'entend pas ». Un handicap qui a eu raison de sa passion, le graphisme, mais lui a permis de se découvrir un autre talent, celui d'entreprendre. En 2017, elle sort son livre Dans la tête d'une entrepreneure – Mes débuts en affaires pour encourager ceux qui, comme elle, envisagent de se lancer dans cette aventure vertigineuse et excitante. Le premier d'une longue série ?

Une source d'inspiration

Après un choc émotionnel ou une période difficile, vient le moment de l'acceptation. Il a fallu 34 ans à Kim pour faire le deuil de son ouïe... « Cette démarche me permet de me dévoiler sous un autre angle, de sensibiliser les gens à la surdité et d'accepter enfin les aides à l'audition, en plus de gagner confiance en moi », confie-t-elle. Dans son livre, elle révèle ses difficultés pour trouver un emploi, évoque son appétence pour le monde des affaires et dévoile les clés d'un entreprenariat réussi. « Plus jeune, notamment à cause de ma surdité, j'avais beaucoup de mal à trouver un poste de graphiste. J'ai rapidement compris que le Web pouvait être une deuxième porte d'entrée pour moi. Avec ce livre, je veux montrer à d'autres jeunes qu'ils peuvent parvenir, eux aussi, à vivre de leur passion en utilisant le Web comme principal moyen de communication. » Un conseil pour ceux qui n'osent pas franchir le pas ? « Arrêtez d'avoir peur, persévérez malgré les différents obstacles qui se dresseront sur votre chemin et, surtout, soyez vous-même. »

L'heure du verdict

« Mes parents ont commencé à soupçonner des problèmes d'audition très tôt dans mon enfance, vers l'âge de 8 à 12 mois, car je ne réagissais pas aux voix des personnes hors de mon champ de vision ou aux sons provenant d'une autre pièce », révèle la jeune femme. A 18 mois, le verdict tombe : les médecins du Centre de l'ouïe et de la parole à Québec (Canada) confirment sa surdité. « A l'époque, le dépistage ne se faisait pas dès la naissance. On commençait aussi à implanter de jeunes enfants mais on n'avait très peu de connaissances et d'expériences sur les bénéfices et les limites de cette technologie. » Grâce aux progrès de la médecine, les chirurgiens peuvent désormais poser un implant dès le plus jeune âge, parfois même à seulement quelques mois, notamment pour limiter les impacts sur le développement du langage et de la parole. « En ce sens, les jeunes d'aujourd'hui sont favorisés », estime-t-elle.

Une enfance en milieu ordinaire

Kim fait ses classes dans une école « ordinaire », au milieu d'enfants entendants. Une situation pas toujours facile… « Les autres jeunes me causaient du tort sans vraiment prendre le temps de me connaître », se souvient-elle. La différence peut parfois devenir un fardeau… Pour assurer son intégration, sa mère rencontre, chaque année, ses nouveaux enseignants afin de leur expliquer les spécificités liées à sa surdité. Pour suivre les cours sans trop de difficultés, Kim dispose d'un appareil FM qui lui permet de « recevoir la parole de son interlocuteur directement dans sa prothèse auditive ». A 12 ans, sa mère l'inscrit dans une école privée. « Il fallait le faire, j'étais quand même malentendante de naissance ! » Durant toute sa scolarité, elle aurait eu la possibilité d'accéder à des services de preneurs de notes ou à des interprètes pour faciliter son apprentissage mais a toujours décliné. « Jeune, je ne m'identifiais pas aux personnes sourdes que je croisais… Je trouvais leur handicap plus visible car, souvent, ils en avaient un autre. C'est la raison pour laquelle je préférais éviter d'aller dans des classes spécialisées. J'ai toujours voulu fonctionner comme les enfants entendants de mon âge. Je voulais être 'normale' ; j'irais même à dire que ça me gênait que l'on s'occupe de moi comme si j'étais handicapée ». D'où le refus des aides qui lui étaient proposées...

Une véritable touche-à-tout

Regrette-t-elle pour autant ce choix ? Oui et non. « Oui parce qu'il m'arrive de sentir que mon vocabulaire est limité et que je ne suis pas assez cultivée. Non, parce que j'ai appris autrement en étant sur le terrain, en essayant et en apprenant de mes erreurs. » Après ses études de graphisme, elle décide de se lancer dans l'entrepreneuriat. Kim, qui a reçu ses tout premiers clients dans sa chambre, chez ses parents, à l'âge de 18 ans, est aujourd'hui à la tête de plusieurs sociétés. Son activité principale : Niviti qui aide à briser l'isolement des entrepreneurs et propulser leur développement. Elle est aussi présidente du conseil d'administration de MacQuébec, la coopérative de solidarité qu'elle a créée. C'est ce qu'on appelle avoir plusieurs cordes à son arc !

Un constat au goût amer

A ses heures perdues, Kim est également animatrice radio. « L'aventure que je vis avec l'émission Dans la tête des entrepreneurs est extraordinaire ! Elle me permet de prendre confiance en moi, de structurer ma pensée tout en améliorant mon vocabulaire et ma lecture labiale », se réjouit cette entrepreneure aguerrie. En 2017, mandatée par l'Association des personnes avec une déficience de l'audition (APDA), elle lance le site ousortirsanslimites.com, qui répertorie les lieux accessibles aux personnes malentendantes, et travaille, en parallèle, sur le prototype d'une application mobile intitulée « Ma surdité ». Un constat s'impose alors à elle : « Peu de malentendants expriment leurs besoins lorsqu'ils se trouvent dans des lieux publics car ils ignorent comment aborder cette question, savent qu'ils ne vont pas passer beaucoup de temps avec leurs interlocuteurs, n'ont jamais songé à de telles démarches, ont vécu de mauvaises expériences ou ont été rebutés ou moqués par autrui. ». Une fâcheuse tendance que cette ambitieuse tente d'inverser, notamment à travers des actions de sensibilisation.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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