La France a jugé nécessaire de se doter d'un arsenal juridique à la hauteur de l'enjeu majeur du XXIe siècle qu'est la lutte contre la corruption. À l'initiative de parlementaires engagés dans la défense d'une justice pour tous et avec la participation active de citoyens vigilants issus de la société civile, une proposition de loi a été élaborée pour permettre au pays de combler son retard dans ce domaine, notamment en protégeant ce que l'on appelle communément les « lanceurs d'alerte ». Vidée de sa substance en première lecture au Sénat, rétablie à l'Assemblée nationale, elle doit être examinée une troisième fois à l'Assemblée à compter du mardi 8 novembre 2016.
Ils interpellent François Hollande
Parce que cette loi a, selon eux, « été chahutée, alourdie d'amendements et a subi de nouveaux outrages », neuf lanceurs d'alerte tentent d'interpeller les députés. Ils ont dénoncé le blanchiment d'argent ou de fraude fiscale, le détournement de fonds publics ou encore les conditions de travail et de vie des salariés de l'industrie nucléaire. Dans le champ du handicap, il y a, parmi eux, Céline Boussié qui a révélé des situations de maltraitance sur des résidents handicapés au sein de l'établissement médico-social de Moussaron (Gers) et est elle-même poursuivie pour diffamation (article en lien ci-dessous), ou Gilles Mendes qui dénonce les détournements de la loi handicap par certaines entreprises. Selon ce collectif, « admettre que la corruption est un fléau n'est pas suffisant. C'est se perdre en paroles quand des actes sont attendus. Et si cette loi a réellement l'ambition de s'attaquer à ce cancer qui ronge nos institutions et notre République, elle ne peut être ni ambigüe, ni dans la demi-mesure. » Ils en appellent au Président de la République et à ceux de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Quelles garanties ?
La définition et la protection des lanceurs d'alerte reposent sur des principes fondamentaux, selon eux « clairs et non négociables », qu'il conviendra d'ajouter ou de maintenir dans le texte définitif. Cela concerne notamment la bonne foi du lanceur d'alerte et le caractère désintéressé de son action, la loi ne devant pas être détournée de son but pour servir des intérêts personnels ou commerciaux ou pour nuire à autrui. La loi doit également permettre de conserver l'anonymat du lanceur d'alerte s'il le souhaite, et sanctionner la divulgation non consentie de son identité afin d'éviter des représailles et faciliter sa réintégration sociale et professionnelle. D'autres garanties comme la possibilité de ne pas avertir en premier lieu sa hiérarchie si le lanceur estime qu'elle pourrait être impliquée dans les faits dénoncés. Leur revendication porte également sur la prise en charge des frais de justice car, dans la lutte qui oppose le lanceur d'alerte à son employeur, le rapport de forces est, par essence, inégal. Puisqu'il intervient dans l'intérêt général, l'Etat doit assurer le lanceur d'alerte de son soutien financier pour les actions judiciaires dont il pourrait être victime.
Un signal fort contre la corruption
Et pourquoi pas un dédommagement pour la « réparation des préjudices » car il s'expose, par son action et même s'il n'est pas souvent victime directe des faits dénoncés, à une marginalisation sociale et à une exclusion de son corps professionnel. Enfin, le collectif propose de sanctionner les personnes ou organes de contrôle ayant fait obstruction à la remontée et au traitement de l'alerte. Selon lui, « cette loi est l'occasion, pour la représentation nationale, de donner un signal fort de sa volonté de lutter avec énergie et efficacité contre la corruption. » Ils interpellent les parlementaires pour que ce texte soit à la hauteur de ses promesses. Une pétition devrait également être mise en ligne rapidement.