Dernière minute : l'audience relais a fixé la date du procès au 13 janvier 2017 à 9h. Céline Boussié se dit satisfaite de pouvoir s'exprimer publiquement et d'avoir l'opportunité "d'aller sur le fond". Un procès qui, elle l'espère, aura enfin un retentissement public.
Elle a révélé des actes de maltraitance dans un établissement accueillant des personnes handicapées ; elle est convoquée le lundi 17 octobre 2016 devant la justice pour diffamation ! Moussaron, tout le monde en a entendu parler fin 2013 ; un IME (Institut médico-éducatif) du Gers pris dans la tourmente médiatique, accusé de maltraitance sur ses résidents vulnérables (article en lien ci-dessous). Voilà plus de vingt ans que parents et professionnels dénoncent des prises en charge inadéquates dans l'accompagnement de leurs enfants, adolescents et adultes en situation de handicap. Des rapports officiels des services de l'Etat, y compris celui de l'ARS (Agence régionale de santé), s'accordent à confirmer ces dénonciations et évoquent même une « maltraitance institutionnelle ». Un documentaire de M6 tourné en caméra cachée révèle des images insoutenables à tel point que même l'ONU questionne la France à ce sujet.
Sa vie bascule
Céline Boussié, qui est employée dans cet établissement, est de ceux qui ont décidé de dénoncer ces pratiques d'un autre âge. Une « lanceuse d'alerte ». Et, comme d'autres avant elle, parce qu'elle a préféré la vérité, sa vie a basculé. Un enfer vécu depuis des années qui l'affecte autant que ses proches : licenciement, représailles, menaces, harcèlement… Rien ne lui a été épargné. Face aux médias, désormais en sa qualité de présidente de l'association Handi'Gnez-vous ! qui milite pour la bientraitance dans les établissements médico-sociaux, elle parle, ose dire tout haut ce que de nombreux professionnels constatent tout bas. Pavés dans la marre, coups de pieds dans la fourmilière mais sa langue bien pendue n'est pas du goût de tous et en particulier de la nouvelle direction de Moussaron, qui décide de la traîner devant la justice pour diffamation. Son tort ? Avoir continué à dénoncer sur Europe 1 et LCI la poursuite de dysfonctionnements (vidéo en lien ci-dessous), et surtout s'être indignée du fait que la direction n'ait été qu'en partie renouvelée.
Mise en examen pour diffamation
Après enquête, en mars 2015, neuf plaintes sur dix déposées par des parents contre Moussaron sont pourtant classées sans suite, la dernière ayant donné lieu, par la suite, à un non-lieu (article en lien ci-dessous) ; l'IME échappe à toute poursuite. Pour Céline Boussié, c'est une autre affaire : une mise en examen, prononcée en septembre 2015 ! Avant elle, de 1995 à 1999, trois professionnels ayant répondu à leurs obligations légales ont déjà été condamnés pour diffamation. « Cela veut-il dire qu'aujourd'hui en France la normalité serait que des enfants en situation de handicap soient assis sur des seaux, enfermés dans des cages de verre ? », questionne la jeune femme. Elle attendait une date ; désormais fixée. Ce sera le lundi 17 octobre 2016, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Toulouse.
Rassemblement le 17 octobre à 13h
Céline bénéficie de nombreux soutiens. « Nos associations représentatives des personnes en situation de handicap et de leurs familles veulent encourager et soutenir ceux qui prennent leur responsabilité », explique Odile Maurin, au nom du Comité d'entente régional Occitanie ! Elle peut également compter sur celui du lanceur d'alerte des LuxLeaks, Antoine Deltour, poursuivi lui aussi suite aux révélations sur le système d'optimisation fiscale à grande échelle, qui s'est fendu d'un message sur les réseaux sociaux : « Amis lanceurs d'alerte, serrons-nous les coudes ! ». A cette occasion, des parents ont également ouvert une page Facebook « Handignons-nous ensemble ! » (en lien ci-dessous) pour recueillir commentaires et témoignages. Un rassemblement est organisé le 17 octobre à 13h devant le TGI de Toulouse, pour, selon le communiqué, « défendre en commun l'intérêt de nos enfants ». Il sera suivi d'une conférence de presse, à l'issue de l'audience. Des représentants des milieux associatifs, syndicaux et politiques ont d'ores et déjà répondu à l'appel. Jean-Christophe Sellin, conseiller régional, a également promis d'être au rendez-vous.
Ce ne sera que l'audience relais, qui prévoit la confrontation des parties, en attendant le jugement définitif. Quand ? Peut-être des mois, voire des années… La justice dira alors quel sort elle souhaite réserver à ceux qui osent parler et se mettre en danger, quel que soit le domaine, quand la majorité se tait et ferme les yeux…