Par Catherine Fay-De-Lestrac
« Un break pour éviter le burnout », c'est ainsi que Christian V. résume son recours au baluchonnage, un dispositif né au Canada et désormais légalisé en France. À 69 ans, cet ancien chef d'entreprise accompagne sa femme atteinte de la maladie d'Alzheimer.
3 à 6 jours pour se ressourcer
« Il faut se ressourcer pour mieux s'occuper de son proche en revenant », confie-t-il. Après plusieurs tentatives infructueuses d'accueil temporaire en Ehpad, il a choisi ce nouveau format, plus adapté à la pathologie de sa compagne. Le baluchonnage consiste à faire venir un professionnel à domicile entre trois et six jours, nuit et jour, pour assurer une présence continue auprès de la personne dépendante.
1/3 des aidants décèdent avant la personne aidée
S'occuper d'un proche en perte d'autonomie a un impact fort sur la santé des aidants. « Un tiers d'entre eux décède avant la personne aidée », rappelle le ministère de l'Autonomie et du Handicap (Mourir d'aider : lorsque les aidants craquent...). Le répit permet de « souffler », de consulter un médecin ou simplement de prendre soin de soi. « L'aidant s'oublie beaucoup. Il ne parle pas de ses propres problèmes de santé. Cela impacte sa qualité de vie et son espérance de vie », confirme Rachel Petitprez, directrice de l'association Baluchon France.
Une expérimentation validée et désormais encadrée
En France, ce dispositif a été testé entre 2020 et 2024 dans environ 600 foyers. Il a été légalisé par une loi de novembre 2024 et un décret d'août 2025, qui assouplit le droit du travail pour permettre des astreintes de 24h sur plusieurs jours. Les structures intéressées peuvent désormais déposer des dossiers pour proposer cette offre dès fin 2025.
À qui s'adresse le baluchonnage ?
Le baluchonnage s'adresse aux personnes ayant des troubles cognitifs, du neurodéveloppement ou des troubles psychiques sévères associés à des comportements complexes. Cela inclut notamment les malades d'Alzheimer ou de Parkinson, les personnes avec autisme sévère, celles qui inversent le rythme jour/nuit ou présentent des états de grande agitation ou d'apathie. Au total, 10 000 personnes seraient concernées en France, selon Baluchon France.
Une méthode rigoureuse et personnalisée
Trois mois avant l'intervention, un responsable de l'association visite le domicile pour évaluer la situation et identifier les habitudes de la personne aidée. Le professionnel, appelé « baluchonneur », est un aide à domicile, auxiliaire de vie ou infirmier expérimenté (17 ans de métier en moyenne), spécifiquement formé à cette mission. Valérie Alaux, auxiliaire de vie et baluchonneuse, a déjà réalisé seize missions. Elle décrit une préparation minutieuse : « On reçoit le dossier au moins un mois avant, avec tous les détails nécessaires : le handicap, les habitudes, les médicaments… »
144 heures de présence
Le premier jour, le baluchonneur passe trois heures avec l'aidant et la personne aidée. « On pense à tout pour ne pas déranger l'aidant ensuite », insiste-t-elle. Chaque mission représente environ 144 heures de présence, soit un mois de travail concentré sur quelques jours. Les heures de repos sont compensées a posteriori. « Je préfère ça à faire des sauts de puce d'un domicile à l'autre », affirme Valérie, qui apprécie l'impact direct de son action auprès des familles.
© Yuganov Konstantin