10 millions. C'est le nombre de personnes en France qui déclarent avoir des limitations motrices ou organiques « sévères », soit 14 % de la population, tous âges et lieux de vie confondus. En d'autres termes, elles sont gênées au quotidien par des problèmes de locomotion, de préhension, de souplesse, de digestion, de continence… Ce chiffre émane d'une étude réalisée par l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, publiée en mars 2023. Pour ce faire, l'Irdes a utilisé l'indicateur algorithmique Fish (Faisabilité d'identification des personnes en situation de handicap), grâce aux informations recueillies par le Système national des données de santé (SNDS). L'intérêt de cette nouvelle enquête ? Peu de données existent sur le sujet ; la dernière en date remonte à 2008.
Un indicateur plus large
Celle-ci a la particularité de « brasser » plus largement et de ne pas se limiter dans sa méthodologie aux personnes qui font une démarche pour obtenir une reconnaissance de handicap, ce qui est le cas des autres sources médico-administratives (système d'information des Maisons départementales des personnes handicapées, remontées individuelles de la Prestation de compensation du handicap ou de l'Allocation personnalisée d'autonomie). L'indicateur Fish utilise des données accessibles en continu, sur une longue période et sur l'ensemble de la population. Il permet donc d'identifier des personnes « à risque de handicap », à partir de leurs « consommations de soins ».
Un algorithme plus précis
Premier résultat : la population avec des limitations motrices ou organiques identifiée par Fish est plus importante que dans les sources déclaratives (14 % contre 12 % habituellement évoqué). La principale raison ? L'algorithme, plus précis dans le recueil de données, repère probablement des limitations qui ne sont habituellement pas bien identifiées dans les enquêtes. Par ailleurs, la population concernée par des limitations motrices ou organiques sévères est plutôt âgée et de sexe féminin. En cause, la surmortalité masculine présente à chaque âge qui fait que la part des femmes devient majoritaire dès 25 ans. De même, l'effet déclaratif peut accentuer les écarts de genre : à limitations équivalentes, les hommes déclarent moins de gêne car ils en ont un ressenti plus faible que les femmes ou parce qu'ils ne souhaitent pas l'évoquer. Mais Fish parvient à repérer cette population assez jeune et plutôt masculine.
En hausse avec l'avancée en âge
A noter, une légère diminution du « ressenti du handicap » entre 60 et 70 ans expliquée par le passage à la retraite qui permet aux individus d'avoir plus de temps pour réaliser leurs activités quotidiennes. Mais, en toute logique, le « risque de handicap » croît de manière continue avec l'âge. « Cette augmentation des limitations motrices ou organiques concomitante à l'avancée en âge peut être la conséquence d'une dégradation de l'état physique prématurée en lien avec l'activité professionnelle ou des comportements à risque sur la santé (tabagisme, alcool, obésité …), des conditions de vie ou des difficultés d'accès aux soins préventifs qui dégradent plus vite l'état de santé et qui se cumulent dans certains départements », analyse l'Irdes.
Des disparités nationales
Autre particularité, ces travaux sont les premiers à étudier le contexte géographique et notamment à proposer une comparaison départementale. Résultat : les limitations motrices ou organiques varient au niveau géographique. Le Nord de la France (Nord, Pas-de-Calais, Somme), une partie de l'Est (Ardennes, Meuse, Haute-Marne), la Corse et la partie basse du couloir rhodanien (Haute-Loire, Bouches-du-Rhône), ainsi que le Tarn et le Tarn-et-Garonne sont les plus touchés, avec des taux supérieurs à 16 %. A l'inverse, Paris et les départements de l'ouest de l'Ile-de-France (Yvelines, Hauts-de-Seine) ont les taux les plus bas (11,5 %).