50 %, c'est la part de personnes intégralement remboursées par l'Assurance maladie pour l'acquisition d'un fauteuil roulant entre 2012 et 2019, d'après l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes). Parmi les autres, 58 000 ont un reste à charge supérieur à 5 000 euros. 58 000 de trop ? Un projet de réforme (Titre IV de la LPPR) de prise en charge des véhicules pour personnes handicapées (VPH), engagé en septembre 2021, devrait répondre à cette problématique. Son objectif ? Réviser la nomenclature technique de ces produits, vieille de plus de vingt ans, et ainsi permettre un accès plus rapide et moins coûteux des fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap. Pour aider à la mise en œuvre de cette révision de texte, qui n'est d'ailleurs pas au goût de tous (article en lien ci-dessous), le gouvernement peut s'appuyer sur une étude de l'Irdes publiée en octobre 2022 visant à « repérer les usagers de fauteuils roulants en France et calculer leur reste à charge », grâce à un algorithme développé à partir des données du Système national des données de santé (SNDS).
Un algorithme pour recenser les personnes handicapées
Outre la question financière, les démarches d'obtention d'un fauteuil roulant manquent aujourd'hui encore de souplesse et de simplicité, comme l'indique l'enquête de l'Irdes : « A l'heure actuelle, plusieurs financeurs publics et privés doivent être sollicités pour ce faire, qui varient selon l'âge des demandeurs ». D'autant que les besoins ont été, jusqu'à maintenant, mal quantifiés. En effet, le dernier recensement d'utilisateurs de fauteuils roulants remontait à 2008 ; 610 000 avaient alors été comptabilisés. Un chiffre qui a plus que doublé depuis, d'après l'algorithme « Faisabilité d'identification des personnes en situation de handicap » (Fish) de l'Irdes, qui estime aujourd'hui à 1 365 000 le nombre total d'usagers. « Ce type d'équipement n'étant pas renouvelé tous les ans, il n'est pas possible d'estimer la population d'utilisateurs à partir des données de flux d'une seule année », expliquent les chercheurs. D'autant que certains fauteuils sont utilisés dans le cadre d'une location, d'un établissement spécialisé ou émanent d'un achat d'occasion. Pour combler le manque de données statistiques fiables et pérennes, l'Institut a donc exploité l'intelligence artificielle afin d'identifier les « personnes à risque de limitation fonctionnelle ».
Qui possède un fauteuil roulant ?
Parmi les 1,3 million de personnes détectées par l'algorithme, 80 % seraient des usagers permanents soit un peu plus d'un million, plus de 300 000 résidant en institution, en majorité des femmes âgées de plus de 70 ans. « L'espérance de vie des femmes, plus importante que celle des hommes, explique cet état de fait : plus nombreuses aux âges élevés, elles sont plus nombreuses à être atteintes de limitations fonctionnelles », détaillent les rapporteurs de l'enquête. Les fauteuils dits « manuels » sont également plus plébiscités que les fauteuils de niveau 1 (électrique, verticalisateur…). Par ailleurs, côté « bourse », l'étude met en lumière un paradoxe : le reste à charge après remboursement par l'Assurance maladie est quasi inexistant pour la plupart des usagers mais extrêmement élevé et concentré pour ceux qui en ont un. 53 % usagers sont exonérés du ticket modérateur, soit au titre du dispositif Affections de longue durée (ALD), soit d'une pension d'invalidité, ou parce qu'ils ont choisi des fauteuils sans dépassement du tarif remboursé par l'Assurance maladie.
Des écarts de remboursement importants
Pour ceux qui ont un reste à charge, ce dernier est en moyenne de 913 euros, avec une très forte variation selon la catégorie d'usagers, allant de 60 euros à... 8 670 euros ! Cette différence se justifie par les ressources de l'acquéreur et sa situation géographique ; dans les communes les plus aisées, la proportion des personnes, notamment de plus de 60 ans, avec un reste à charge important est supérieure. « Pour les personnes qui ne peuvent pas faire face à une dépense de plusieurs milliers d'euros, les alternatives à moindre frais sont quasiment inexistantes », poursuit l'Irdes.
Une réforme en attente !
La nouvelle répartition du financement par la prestation de compensation du handicap (PCH) prévue dans le cadre de la réforme des aides techniques en cours (passant de 3 960 euros tous les trois ans à 13 200 tous les dix ans) pourrait aider à financer le fauteuil et ses accessoires en une fois mais aura aussi pour effet de limiter la fréquence du renouvellement (article en lien ci-dessous).
Mais, pour le moment, rien à l'horizon. La publication des textes était prévue au printemps 2022 pour une mise en œuvre en juillet. APF France handicap, pour qui la « question des restes à charge est évidemment un sujet », se dit « comme tout le monde, en attente ». Ce qui préoccupe l'association, « c'est que le décret sorte du jour au lendemain, sans aucune rencontre et échange avec nous et sans reprendre toutes nos propositions ». Elle rappelle qu'en avril 2022 une concertation menée avec Sophie Cluzel, à l'époque secrétaire d'Etat au Handicap, avait fait l'objet d'annonces, appuyées par un avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS), qui répondaient à un certain nombre des préoccupations et demandes des associations. Elle l'espère toujours d'actualité !
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