Si les personnes sourdes et malentendantes semblaient satisfaites de l'issue des débats menés au Sénat début mai 2016 sur le projet de loi pour une République numérique puisqu'ils ont validé la création d'une plateforme relais de transcription des appels en langue des signes (article complet en lien ci-dessous), il ne semble pas en aller de même pour d'autres usagers. Le Collectif pour une France accessible fait part de sa déception le 4 mai 2015 dans un communiqué, déplorant que le « gouvernement entérine la fracture numérique ! ». Dans son collimateur ? L'article 44 du projet de loi, relatif à l'« Accès des personnes handicapées aux sites internet publics». Pourtant, de son côté, le Gouvernement s'était félicité que les sénateurs aient « confirmé l'adoption » de cet article « renforçant les mesures prévues pour rendre accessible l'ensemble des dispositifs de communication des services publics, sites internet mais aussi applications mobiles ».
Pas avant trois ans ?
Mais, selon le Collectif, « en dépit de quelques évolutions limitées », « il ne répond pas aux besoins des millions de citoyens en situation de handicap ou des personnes âgées qui ne peuvent pas accéder aux services et outils numériques comme tout un chacun. » En effet, l'article 44, qui ne concerne que les sites des services publics, permet de contourner, pour le moment, l'obligation d'accessibilité : ils n'auront en effet pas l'obligation de se rendre accessibles mais devront uniquement s'engager dans une programmation de mise en accessibilité, dont la durée ne peut néanmoins être supérieure à trois ans. Une procrastination dont doivent visiblement s'accommoder les personnes concernées et qui avait déjà eu le don de provoquer la colère des associations au moment de la mise en place des Ad'AP (agenda d'accessibilité programmée) en accordant aux établissements recevant du public de nouveaux délais. Toujours remettre l'ouvrage à plus tard…
5 000 euros d'amende : pas dissuasif !
Deuxième motif de mécontentement, les sanctions financières en cas de non-respect ne pourront excéder 5 000 euros, un montant qui, selon le Collectif, n'a « pas de caractère dissuasif ». Une nouvelle sanction est néanmoins prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure. Quant aux sites privés et applications mobiles, ils sont exclus de l'obligation de mise en accessibilité. Une personne déficiente visuelle ne pourra donc peut-être pas faire ses démarches bancaires en ligne. Pour rappel, le Collectif pour une France accessible demandait à l'origine que les sites web publics et privés, les progiciels et les applications numériques créés à partir du 1er janvier 2017 soient soumis à une obligation d'accessibilité numérique, sous peine de sanctions financières à hauteur de 45 000 euros. Pour les sites existants publics et privés, les progiciels et les applications numériques, il souhaitait une mise en accessibilité de tous les sites dans les 3 ans au maximum, au risque d'écoper d'une amende du même montant.
Le Défenseur des droits en renfort
Selon le Collectif, ce texte « exclut de la société des millions de citoyens » en « amoindrissant l'obligation d'accessibilité numérique telle qu'elle était prévue dans la loi handicap de 2005 ». Et de s'indigner de cette « aberration » lorsque « le numérique est censé simplifier la vie de toutes et tous ! ». Dans ces conditions, il a décidé, dès le vote définitif de la loi, d'interpeller les parlementaires pour faire saisir le Conseil constitutionnel pour rupture d'égalité. Il peut compter sur un soutien de poids, celui du Défenseur des droits, qui estimait lui aussi, en avril (lien ci-dessous), que ce projet de loi ne garantissait pas suffisamment l'accessibilité des services numériques aux utilisateurs handicapés ; il avait alors recommandé au parlement de revoir sa copie.