Handicap.fr : Lyon a reçu, le 5 décembre 2017, le 1er prix du concours Access City Award 2018. De quoi s'agit-il ?
Thérèse Rabatel : Ce prix récompense les activités et stratégies que les villes européennes de plus de 50 000 habitants ont mises en oeuvre pour éliminer les obstacles à la mobilité et se rendre plus accessibles à tous, pour améliorer la qualité de vie et de travail de chacun. Il est décerné par l'Union européenne.
H.fr : Lyon était candidate pour la première fois. Jolie victoire !
TB : Ce fut une belle surprise, le secret avait été bien gardé. Cela concerne Lyon mais également en partie sa Métropole au vu de nos compétences complémentaires puisqu'il fallait répondre dans le dossier à des questions sur les transports en commun entre autres. Dans ce domaine, l'organisme de transport le Sytral a consacré 60 millions d'euros entre 2008 et 2014 au financement de l'accessibilité et prévoit 37 millions dans ce mandat. Chaque fois que j'annonce ces chiffres dans des colloques, on me regarde avec stupéfaction ou envie.
H.fr : Pourquoi avoir postulé ?
TB : Parce que, malgré la charge de travail qu'un tel dossier exige (12 pages, une vidéo de présentation « Lyon, ville accessible » (en lien ci-dessous) traduite en LSF, sous-titrée…), je me suis dit que notre ville menait une politique intéressante en faveur des personnes handicapées et qu'elle méritait de la faire connaître.
H.fr : Combien y avait-il de villes candidates ?
TB : 26 villes et 4 finalistes dont Viborg (Danemark) pour la mise en accessibilité d'un quartier historique, Luxembourg et Ljubljana (capitale de la Slovénie). Le jury a d'abord été français, puis européen avec des experts et associations de personnes handicapées.
H.fr : La France n'avait jamais reçu ce prix ?
TB : En effet. Grenoble et Nantes ont été distinguées mais n'ont pas reçu le 1er prix. C'est pourquoi je suis si émue, d'autant que je connais bien l'engagement personnel et général qu'il représente... Je suis fière de notre travail commun, adjoint-es de la Ville, services Ville et Métropole, associations dans la CCA et la CMA qui apportent des propositions pour faire avancer l'accessibilité et l'inclusion à la vie de notre cité. Je reste humble aussi car je sais ce qui reste à faire, et les manques ou difficultés qui existent pour une totale égalité.
H.fr : Lyon affirme avoir mené une « politique volontariste » dans le domaine de l'accessibilité…
TB : Un investissement de 40 millions d'euros entre 2016 et 2024 pour rendre accessible l'ensemble des établissements de la ville : mairies, établissements culturels, crèches, écoles, équipements sportifs, parcs, jardins… Nous allons produire un guide avec l'aide des associations pour recenser nos bonnes pratiques et nos choix pour l'accessibilité physique de notre ville.
H.fr : Ce n'est pas seulement l'accessibilité physique qui est récompensée par ce prix mais plus globalement les actions en faveur de l'inclusion…
TB : En effet, et c'est un très beau travail qui a été réalisé. Lyon est engagée depuis longtemps mais moi-même suis particulièrement tenace sur cette question. La Ville, par exemple, compte dans ses effectifs (8 000 salariés) plus de 8% de personnes handicapées, soit 587 à ce jour ! La mise en place d'actions spécifiques a apporté des solutions concrètes aux personnes en situation de handicap. Par exemple, nous avons un réseau de 13 référents handicap dans les services. Dans le domaine de l'accueil en crèche et en école pour les enfants porteurs de handicap, nous avons un service médicosocial scolaire de première qualité. Et puis : la formation des agents d'accueil, présence d'interprètes en langue des signes lors de conférences tout public, édition en braille et en audio de Lyon Citoyen, livres adaptés pour enfants et adultes en gros caractères, aménagement de postes de travail, réalisation de campagnes de sensibilisation, numérique au service de l'accessibilité pour tous… La liste est longue.
H.fr : Avez-vous le sentiment que les Lyonnais en situation de handicap sont satisfaits de la qualité de vie dans leur ville ?
TB : Ceux qui viennent de l'extérieur en visiteurs ont souvent un avis très positif. Pour ceux qui habitent sur place, il y a encore des revendications et des choses à améliorer. Je suis fière du résultat mais je connais les ascenseurs qui tombent en panne, certains chantiers mal balisés. Il y a aussi quelques dissensions avec les urbanistes, notamment en ce qui concerne le patrimoine ancien. Il faut se rappeler que le centre historique est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco et, dans certains bâtiments des 14 et 15e siècles, il est difficile de trouver un compromis. L'accessibilité reste évidemment un combat de tous les jours mais depuis que j'occupe ma fonction, soit 2009, je vois de plus en plus de personnes handicapées dans les rues de Lyon. Je crois que les Lyonnais sont bien dans leur ville. Cette récompense vient conforter nos bonnes performances en matière de qualité de vie, soulignées ces derniers mois dans plusieurs classements, dont celui de L'Étudiant.
H.fr : Quels avantages cet Award vous procure-t-il ?
TB : Aucun soutien financier, c'est juste une belle reconnaissance ! Cela peut même entraîner une surcharge de travail car les villes primées auparavant nous ont confié qu'elles avaient dû recevoir pas mal de délégations et répondre à de nombreuses interviews. C'est pourquoi je suis à la fois contente et inquiète car c'est une grosse responsabilité, d'autant que j'ai bien conscience qu'il y a encore des choses à améliorer.
H.fr : Justement, comment aller plus loin, faire mieux ?
TB : Il y a de gros projets en cours comme l'aménagement autour des gares de Part Dieu et Perrache. Il faut assurer la concertation avec la Métropole sur des projets urbains d'une telle envergure. Ce fut le cas lors de l'aménagement des rives de la Saône qui ont donné de bons résultats en termes d'accessibilité ; beaucoup moins pour celles du Rhône car c'est plus ancien, on concertait moins à l'époque. Mon souhait le plus vif : qu'on ne rate pas la prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap.