Maladie de Lyme : débats autour d'un mal méconnu

La maladie de Lyme et celles transmises par les tiques alimentent la controverse faute de connaissances scientifiques fiables. Dans ce contexte "sensible", la HAS publie une liste de recommandations et entend apporter des réponses concrètes.

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Si « la maladie de Lyme » fait l'objet d'articles quotidiens, cette expression recouvre dans le langage courant des situations cliniques bien différentes. Il est important de distinguer la borréliose de Lyme (infection causée par la bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato), les autres maladies transmises par les tiques (plus rares) et la situation de patients qui ont pu être exposés aux tiques et qui présentent des signes cliniques polymorphes, persistants et non expliqués, pouvant être invalidants.

Contexte scientifique sensible

Ces maladies alimentent donc les débats au sein de la communauté médicale ainsi que chez les patients, à cause d'un manque de connaissances sur certaines spécificités des agents pathogènes transmis par les tiques ou de difficultés à disposer d'outils diagnostiques satisfaisants. Un plan d'action et un protocole national de soins ont ainsi été lancés par Marisol Touraine, ministre de la santé, en 2016 (article en lien ci-dessous). Dans ce contexte « sensible », nourri d'incertitudes scientifiques, la HAS (Haute autorité de santé) publie en juin 2018 des recommandations de diagnostic et de prise en charge pour toutes les situations, et appelle à dépasser les controverses au profit de l'amélioration de la qualité des soins pour tous les patients. Après 18 mois de travaux, elle entend ainsi apporter des réponses concrètes qui seront actualisées en fonction des avancées de la science.

Détecter la borréliose de Lyme

Lorsqu'elles sont infectées, certaines tiques peuvent transmettre des bactéries, parasites et virus à l'homme à l'occasion d'une piqûre, si elles restent attachées plusieurs heures. Dans la majorité des cas, l'agent infectieux en cause est la bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato qui provoque la borréliose de Lyme. Lorsque le système immunitaire ne s'en débarrasse pas de lui-même, la maladie se déclare et peut prendre différentes formes. Tout d'abord un érythème migrant sur la peau (tâche rouge indolore qui s'étend progressivement) dans 95% des cas, 3 à 30 jours après la piqûre. Mais également des formes disséminées (dermatologiques, articulaires, cardiaques, ophtalmologiques, neurologiques) quelques semaines voire quelques mois après la piqûre. Le diagnostic repose avant tout sur un examen clinique (recherche des signes cliniques distinctifs, interrogation du patient), et peut s'appuyer – pour les formes disséminées – sur une sérologie sanguine (ELISA et, si résultat positif ou douteux, Western Blot) ainsi que d'autres examens complémentaires. Comme pour les autres infections bactériennes, le traitement repose sur des antibiotiques (entre 14 et 28 jours selon la forme).

D'autres maladies plus rares

Plus rarement, la tique peut également transmettre :

  • d'autres bactéries, responsables de rickettioses, tularémie ou anaplasmose granulocytaire à traiter par antibiotiques (entre 7 à 14 jours selon la maladie),
  • des parasites, responsables de la babébiose, à traiter par une combinaison d'antibiotiques et d'antiparasitaires,
  • ou des virus provoquant la méningo-encéphalite, pour laquelle un vaccin préventif pour les personnes exposées est recommandé.

Des formes cliniques polymorphes

Certaines personnes ayant été potentiellement exposées aux tiques présentent des signes cliniques polymorphes (douleurs musculaire, maux de tête, fatigue, troubles cognitifs), persistants, généralement diffus, non expliqués, pouvant être invalidants. En l'état actuel des connaissances, nous ne savons pas si ces signes sont dus à l'existence d'une borréliose de Lyme persistante (après traitement ou non) ou à d'autres agents pathogènes qui seraient transmis par les tiques. Il peut aussi s'agir d'autres maladies ou syndromes. Or, aujourd'hui, beaucoup de ces personnes se retrouvent en errance diagnostique, sans prise en charge appropriée, et ont parfois recours à des tests et des traitements inadaptés, non validés et potentiellement à risque d'effets secondaires. « Même si les incertitudes scientifiques sont réelles, tous les patients doivent être pris en charge et entendus dans leur souffrance », affirme la HAS.

Quels signes ?

La HAS précise ainsi l'attitude diagnostique et thérapeutique à proposer à ces patients qui subissent ces signes cliniques depuis plus de 6 mois et plusieurs fois par semaine, et qu'elle regroupe sous le terme de « Symptomatologie/syndrome persistante polymorphe après possible piqûre de tique » ou « SPPT ». Tout d'abord, et quel que soit le résultat de leur sérologie, elle recommande de : proposer un traitement pour soulager les symptômes, en attendant d'en savoir plus sur la maladie dont souffre le patient, et  de réaliser un bilan étiologique qui doit permettre d'éliminer la piste de maladies inflammatoires, de pathologies infectieuses ou non infectieuses. Si ce bilan n'aboutit à aucun diagnostic, un traitement antibiotique d'épreuve de 28 jours pourra être proposé. Aucune prolongation de traitement antibiotique ne devra être envisagée en dehors de protocoles de recherche encadrés par un centre spécialisé des maladies vectorielles à tiques. La HAS va suivre les évolutions de la recherche et prévoit de faire un point avec l'ensemble des acteurs concernés tous les 6 mois. Elle prévoit d'actualiser ses travaux tous les deux ans ou plus tôt si des données scientifiques le permettent.

L'Académie de médecine déçue

L'Académie de médecine a souhaité à la lecture de ce document réagir  « vivement et exprimer clairement sa profonde déception ». Selon elle,  « loin de clarifier la situation, l'HAS voulant contenter tout le monde ne satisfait personne ». Elle prétend qu'elle maintient l'ambiguïté, en particulier sur la notion de Lyme chronique, à travers ce qu'elle dénomme « symptomatologie / syndrome persistant(e) polymorphe après piqûre de tique ou SPPT ». L'HAS reconnaît de fait implicitement l'existence d'une telle pathologie sans la moindre preuve avec, pour conséquence, des propositions de prise en charge lourde impliquant des investigations nombreuses, couteuses et souvent inutiles. Quant à vouloir créer des « centres spécialisés des maladies vectorielles à tiques », l'Académie tient à émettre fermement ses plus extrêmes réserves sur une proposition dispendieuse qui tend à désavouer l'expertise des services de maladies infectieuses et tropicales existants.

Aux Etats-Unis, la recherche avance

Aux Etats-Unis, les tiques affecteraient chaque année plus de 300 000 personnes. Le Dr Brian Fallon, directeur d'un centre de recherche dédié aux maladies transmises par les tiques au sein de l'Université de Columbia, révèle que, malgré les difficultés à trouver un remède à cette maladie invalidante, la médecine de précision et de la biotechnologie accélèrent la découverte de nouveaux outils qui permettra aux médecins de mieux diagnostiquer et traiter les patients. Dans un livre publié en 2018, il explique pourquoi il se dit « optimiste ». « Grâce à un séquençage génétique rapide, les scientifiques peuvent identifier de nombreuses souches différentes de Borrelia burgdorferi, ainsi que de nouvelles infections microbiennes transmises par les tiques, comme Borrelia Miyamotoi, Borrelia mayonii et le virus Heartland », explique-t-il. Cette découverte « constitue un point de départ pour l'étude de la pathogenèse, le développement de vaccins et le traitement. » Les chercheurs ont également pu examiner des milliers de médicaments pour déterminer ceux qui ont la capacité de détruire la borréliose.

© meryll et chalabala / Fotolia

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