5 à 7 % des salariés présentent des maladies et symptômes non reconnus en maladie professionnelle que les médecins du travail estiment pourtant en lien avec le travail. C'est ce qui ressort d'une étude de Santé publique France, publiée le 18 avril 2023, qui souhaite apporter un « éclairage complémentaire aux données du champ de la santé au travail ». En effet, en France, les statistiques de maladies professionnelles (MP) reconnues et indemnisées par certains régimes de Sécurité sociale sont produites régulièrement. Ce qui n'est pas le cas des « maladies à caractère professionnel » (MCP). Cette notion a été introduite par le législateur en 1919. Bien qu'elles ne bénéficient pas d'une reconnaissance par les régimes de Sécurité sociale et que peu de médecins les déclarent, ces pathologies qui passent sous les radars statistiques « ont un lourd impact sur la santé publique », affirme Santé publique France.
Un programme de surveillance des maladies à caractère pro
Cette agence nationale dépendante du ministère de la Santé a donc mis en place, dès 2003, avec l'Inspection médicale du travail, un système de surveillance des MCP, généralement sous-déclarées. Les résultats sur la période 2012-2018 viennent d'être publiés. « Unique système de surveillance des maladies en lien avec le travail, notre programme MCP repose en premier lieu sur l'expertise médicale suivie d'une analyse épidémiologique à visée populationnelle », explique le docteur Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France. Objectif : fournir des indicateurs permettant de mieux documenter les risques professionnels en France. Rien qu'en 2018, plus de 40 000 salariés ont été vus par un professionnel de santé dans le cadre de ce programme. De manière générale, les signalements ont augmenté, notamment entre 2016 et 2018, multiplié par 1,4 chez les hommes et 1,5 chez les femmes.
TMS : cause principale
Deuxième enseignement : les principales maladies à caractère professionnel sont les troubles musculo-squelettiques (TMS) -qui touchent les articulations, les muscles et les tendons par la répétition de gestes au travail- et la souffrance psychique, dont la prévalence est en constante augmentation. Dans les deux cas, les femmes sont sur-représentées. Bien qu'ils soient répertoriés parmi les tableaux de maladies professionnelles, 75 % des TMS n'ont pas fait l'objet d'une déclaration en maladie professionnelle. Or ils sont la plupart du temps la conséquence de « facteurs biomécaniques » (mouvements répétitifs, posture, travail avec force), auxquels les ouvriers sont particulièrement exposés.
Causes de la souffrance psy au travail
Par ailleurs, le « management », la « relation au travail et la violence » et les « exigences inhérentes à l'activité » sont parmi les principales causes de mal-être psychologique en emploi. Pour rappel, les troubles psychiques demeurent la première cause d'arrêt maladie de longue durée et d'invalidité, selon Santé publique France. Elle annonce d'ailleurs publier prochainement une étude dédiée à la souffrance psychique signalée dans le programme de surveillance MCP, notamment pour comprendre les « facteurs organisationnels, relationnels et éthiques » (FORE) associés aux troubles psychiques les plus courants. Enfin, les troubles de l'audition et les irritations et/ou allergies représentent chacun moins de 5 % des pathologies signalées.
Objectif : améliorer la prévention
Cette étude entend également permettre d'améliorer les actions de prévention au sein de la médecine professionnelle. Santé publique France, qui n'a qu'une vocation de « conseil », recommande de « diminuer les expositions, notamment chez les travailleurs identifiés les plus à risque », d'effectuer « des adaptations de travail avec l'avancée en âge », notamment à partir de 45 ans, de renforcer « la vigilance notamment chez les femmes sur la qualité des relations au travail », d'utiliser plus régulièrement des « équipements de protection pour les salariés exposés » ou encore d'élaborer des « campagnes de sensibilisation auprès des travailleurs les plus à risque ».