Pourquoi se contenter de visiter un monument quand on peut le toucher, le sentir ? C'est ce que propose l'entreprise Archi-Tact à travers ses maquettes tactiles. L'objectif : rendre les lieux culturels accessibles. A sa tête, Isabelle Dapzol, passionnée par cet art innovant et « utile », principalement pour les personnes déficientes visuelles mais aussi pour le grand public, qui découvre le patrimoine français sous un nouveau jour. C'est à 25 ans, lors de ses études « d'archi », qu'Isabelle découvre « ces petites merveilles », lorsqu'une association sollicite son école pour réaliser deux « maquettes adaptées ». Elle fait ses armes sur des monuments locaux, le château d'Effiat et la basilique Notre-Dame-Du-Port (Auvergne-Rhône-Alpes), puis se prend au jeu et décide de « maquetter » la ville de Clermont-Ferrand à différentes époques, pour mettre en lumière son évolution architecturale. Une brillante idée qui lui permet d'empocher son diplôme et de trouver sa voie...
Précurseure en bois
« Au fond, je ne me sentais pas une âme d'architecte mais j'ai toujours été intéressée par la maquette », révèle-t-elle. Alors elle les enchaîne, reçoit de plus en plus de commandes et crée son entreprise en 1998. Ses principaux clients ? Les collectivités (mairies, offices du tourisme, musées...). Gare à ceux qui pensent que ses maquettes sont en plastique ! Son matériau de prédilection ? « Le bois, répond-elle. C'est chaleureux, agréable au toucher. » Ce qui lui vaut parfois quelques reproches : « C'est fragile et salissant le bois ! ». Aux réticents, elle répond sans langue de « bois » : « Allez voir ailleurs... ». Dans les années 90, c'est une « précurseure » en la matière, elle « cartonne » dans les salons parisiens et attire un public inattendu. « La maquette s'avère être un excellent outil pédagogique pour les enfants : le démontage, le toucher, la représentation en plan et en volume facilitent l'approche architecturale », explique-t-elle. Mais elle n'en oublie pas pour autant « ses premières amours »...
Toucher peu spontané ?
Minutieuse, elle demande à des personnes aveugles de « tester » ses réalisations pour « offrir le toucher le plus agréable possible ». Elles effleurent les maquettes du bout des doigts, avec délicatesse, puis laissent éclater leur joie. « Elles ont un toucher différent de celui des voyants, beaucoup plus doux, explique Isabelle. Le nôtre est bien plus brutal ! » Un exercice peu commun pour l'un d'eux qui explique que « dans l'ancien temps, à l'école, les aveugles n'avaient pas le droit de toucher les choses ». Cette interdiction de compenser son handicap fait écho à celle qui empêchait les sourds d'utiliser la langue des signes. « Heureusement, les choses ont bien changé, en tout cas, sur cet aspect-là », soupire Isabelle. En 22 ans de carrière, « j'ai fait plus de 100 bébés, je suis trop fière ». Des bambins en bois chronophages qui demandent des semaines, voire des mois de travail. « Pour une cathédrale, il faut compter à peu près six mois, indique-t-elle, j'ai arrêté de compter les heures. » Mais pour cette artiste, bien plus qu'un travail, c'est un « sacerdoce ». Après des heures d'effort, son réconfort est de voir se dessiner des sourires sur les visages des personnes aveugles. « Elles me le rendent tellement ! ».
Son dernier « bijou » ? La Villa Majorelle, pièce maîtresse de l'Art nouveau à la française, qui devrait être livrée à la ville de Nancy (Grand-Est) dans quelques semaines. La maquette de ses rêves ? « Il y a quelques années, j'aurais dit le château de Versailles mais, aujourd'hui, j'en ai un peu marre des monuments anciens, j'aimerais faire quelque chose de plus actuel, plus contemporain, confie-t-elle. Pourquoi pas la pyramide du Louvre ? » Rendez-vous est pris !