Mathys, emporté par l'épilepsie : le livre d'un père debout

En 2021, Mathys est emporté par une épilepsie sévère. 4 ans plus tard, son père, Christophe Lucas, raconte leurs 18 années de vie commune, faites d'amour et de force. "La résilience du papillon", livre bouleversant qui transforme la douleur en élan.

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Couverture du livre : Christophe prend Mathys dans les bras.

« Notre évidence à nous, c'était d'être là. » Cette phrase, écrite au chevet de son fils, résume le livre que signe aujourd'hui Christophe Lucas. La résilience du papillon, publié le 11 novembre 2025 aux éditions Le lys bleu, offre un témoignage d'une rare intensité : celui d'un père qui raconte 18 années passées aux côtés de son fils Mathys, emporté par une épilepsie sévère en 2021 (Mathys, 18 ans : un destin fauché par une épilepsie sévère). Mais son récit ne se résume pas à la maladie : il dit la paternité qui se construit « bien au-delà de la génétique », la tendresse qui s'obstine, la vie qui se réinvente même lorsque l'horizon s'obscurcit. À travers cet ouvrage profondément humain, l'auteur ne cherche pas à attirer la compassion mais à transmettre une force : celle qui permet, malgré l'épreuve, « de continuer, d'avancer, sans résignation », et d'offrir aux familles touchées par la maladie ou le handicap un écho, un soutien, une respiration.

Écrire pour transmettre… et tenir debout

Si Christophe Lucas prend la plume aujourd'hui, c'est d'abord pour mettre en lumière le quotidien des familles confrontées à une maladie rare. « L'objectif, c'était de partager notre parcours, de la genèse jusqu'au départ, et de transmettre des enseignements tirés de ces années de tumulte », explique-t-il. Plus qu'un récit intime, il conçoit son livre comme un outil : une manière de rendre visibles les zones grises du diagnostic, les combats administratifs, les décisions impossibles. « Je me disais que ce qu'on avait vécu pouvait être utile à d'autres parents », poursuit-il.

La volonté en héritage

Ainsi, il raconte sans détour sa première grande bataille : fonder une famille. Une PMA, une transparence totale autour de la conception, un lien précoce façonné par l'haptonomie. « Mathys savait que je n'étais pas son géniteur mais ça ne changeait rien, j'ai toujours été son père. » Cette transparence, ce « refus des faux semblants » devient le socle d'une relation fusionnelle.

Chez les Lucas, l'optimisme et la volonté se transmettent de père en fils. « Mathys a adoré la vie. Il n'a jamais baissé les bras. Je crois qu'il a vécu comme s'il savait que sa vie serait courte. À 1 000 % », révèle son père. Dans le livre, cette énergie traverse chaque page. On y découvre un jeune homme passionné, curieux, qui voulait devenir moniteur d'équitation, apprendre, transmettre, se dépasser, toujours trouver un chemin à travers les obstacles. Même lorsque son corps ne lui permettait plus de courir sur un terrain de football américain, sa passion, il trouvait des solutions : « Je ne peux plus jouer ? Je peux devenir apprenti coach », répétait-il à son père. « Rien n'était impossible pour lui », sourit ce dernier.

Entre violence du diagnostic et solitude

Le livre met aussi en lumière la réalité brutale et méconnue des épilepsies rares. « Sa première crise, à l'âge de 11 ans, a été ultra-violente. On a cru le perdre et on ne savait même pas pourquoi », raconte Christophe. Le diagnostic ne tombera que sept ans plus tard : maladie de Lafora, ou épilepsie myoclonique généralisée de type 2, une pathologie dégénérative extrêmement rare, qui touche une soixantaine d'enfants dans le monde, se caractérisant notamment par des crises « tonico-cloniques » régulières, des tremblements et d'une perte de motricité. Ce diagnostic s'accompagne d'une grande solitude. « Pour les épilepsies rares, il n'y a pas de cadre ni de prise en charge psychologique proposée, déplore-t-il. On vous dit simplement : 'voyez avec les associations'. » 

Christophe Lucas pointe les délais inadaptés, l'absence de soutien, les mots maladroits de certains professionnels de santé, comme cette neurologue qui, à la fin de la vie de Mathys, leur annonce qu'elle les rappellera « à la bonne franquette ». Mais son regard sur le système médical reste nuancé : « Certains professionnels ont été extraordinaires. D'autres… moins. C'est exactement comme dans la vie », estime-t-il, persuadé que les « choses ont évolué depuis ».

Les soins palliatifs : la douceur comme ultime résistance

L'un des chapitres les plus poignants est sans nul doute celui qui retrace les derniers mois de Mathys, marqués par les soins palliatifs. Une période où la famille avance dans « un tunnel dont on ne sort pas indemne ». Mais aussi une période traversée de douceur : « Il me tenait la main. Fort. On lui lisait des livres, lui massait les jambes, parlait musique. » Ces gestes, au demeurant anodins, deviennent alors essentiels. « Quand il me voyait arriver le matin, certains jours, il avait le sourire jusqu'aux oreilles. Sans un mot », se remémore l'auteur. Et les brefs moments où Vanessa et Christophe rentrent chez eux, ils sont assaillis par cette inlassable question : « Comment vous faites ? » « À l'époque déjà, on ne savait pas, et on ne saura probablement jamais, répond le père de famille. À vrai dire, on ne se posait plus de questions. On savait ce que notre fils attendait : qu'on soit là. C'était important pour lui. »

L'écriture, une thérapie ?

Lorsque Mathys s'éteint, le monde de ses parents s'écroule. Le retour à la maison, « le vide béant », les premiers jours impossibles, les larmes qui viennent tard ou trop vite... Chacun tente de survivre à sa manière. Le père marche, réfléchit, « rationalise » pour ne pas sombrer. La mère sollicite un soutien thérapeutique. La famille, elle, se reconfigure autour de ce manque. L'écriture a également été une manière de « tenir debout », de mettre de l'ordre dans l'indicible. « Peut-être que ma thérapie, ça a été de tout mettre sur la table dans un livre au lieu de le raconter dans un cabinet de psy », reconnaît Christophe Lucas. 

Épilepsie : le combat se poursuit

La seconde partie de cet ouvrage de 160 pages raconte « l'après Mathys » : comment continuer à vivre, à faire exister la mémoire de son fils par-delà l'absence. Christophe Lucas, alors président de l'association Épilepsie France, choisit de renforcer son engagement, porte un livre blanc jusqu'à l'Élysée, rejoint le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)... Il veut « changer le regard sur l'épilepsie et soutenir les patients ». « D'aider les gens, ça m'aide. Peut-être que c'est ma façon d'exister, d'être utile au monde », confie-t-il. Ce chemin, il le décrit avec la même honnêteté que le reste : les avancées, les épuisements, les doutes.

« Ne restez pas seuls ! »

S'il devait adresser un message aux parents aidants, il serait simple, direct, essentiel : « Faites-vous aider. Par un médecin, un psy, un groupe de parole, des associations… Ne restez pas seuls ! » Car l'accompagnement d'un enfant malade ou handicapé est un engagement total, souvent invisible, parfois épuisant, qui demande du soutien, du relais, du soin pour ceux qui soignent.

Transformer la douleur en élan

La résilience du papillon rappelle enfin que, même au cœur du drame, une reconstruction est possible. Une lucidité nouvelle, un rapport à l'essentiel, une manière d'aimer plus intensément encore. « Beaucoup de choses qui me paraissaient importantes ne le sont plus. L'essentiel, c'est mon épouse, quelques amis… Le reste, c'est le flux de la vie », conclut Christophe Lucas. C'est sans doute là que réside la véritable portée du livre : dans cette conviction que la douleur ne peut être effacée mais qu'elle peut évoluer, se transformer en action, « en lumière pour d'autres ».

© Le lys bleu

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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