Ils sont une poignée en France à souffrir de myohyperplasie hémifaciale (HFMH), une maladie rare qui provoque une asymétrie des muscles faciaux et déforme le visage. Mais chacun d'eux rapporte le même parcours. Errance et erreurs de diagnostic, stratégies thérapeutiques inadéquates et, parfois même, tentatives agressives de correction chirurgicale (chirurgies musculaires de remodelage)... En somme, un parcours médical parsemé de « résultats décevants » et de « séquelles importantes ». Mais une récente étude, publiée dans le Journal of experimental medicine le 15 septembre 2023, pourrait bien changer la donne. Des chercheurs français sont sur une piste thérapeutique prometteuse...
Une mutation génétique en cause
La cause sous-jacente et le mécanisme de la progression de la maladie étaient jusqu'alors inconnus. Mais le Professeur Guillaume Canaud, qui dirige l'équipe de recherche médecine translationnelle et thérapies ciblées à l'Institut Necker-enfants malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm), a identifié une mutation somatique de gain de fonction (ajout d'une fonction à une cellule par l'intermédiaire d'une mutation de sa structure moléculaire) de PIK3CA chez cinq jeunes atteints de HFMH. Cette mutation provoque un excès de prolifération de cellules et de tissus dans l'organisme. Pour confirmer leur hypothèse, les scientifiques ont d'abord créé un modèle murin (expérimentation sur une souris ou un rat), porteur d'une mutation PIK3CA. « Le traitement par l'alpelisib, un inhibiteur approuvé de PIK3A, a pu prévenir et réduire l'hypertrophie musculaire chez ces souris avec correction des anomalies endocriniennes (ndlr : liées à un dysfonctionnement hormonal) », explique l'Inserm.
L'alpelisib, un traitement efficace
Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont obtenu l'autorisation de traiter les cinq patients atteints de HFMH. La réponse au traitement a été évaluée à l'aide de méthode d'imagerie innovantes, notamment par photographie 3D et analyse des photographies 2D par l'intelligence artificielle. Leur visage a été photographié tous les quinze jours puis toutes les trois semaines, durant plus de six mois, afin de suivre leur transformation. Ces approches morphologiques ont ensuite été confirmées par des méthodes cellulaires et moléculaires qui ont démontré que l'alpelisib, une molécule développée en cancérologie, avait une action « positive et prolongée » sur les effets de la mutation du gène PIK3CA. « Tous les patients ont démontré une amélioration clinique, esthétique et radiologique », précisent les chercheurs. Résultat : « une réduction nette de l'hypertrophie musculaire associée à une symétrisation progressive du visage ». Les chercheurs français démontrent ainsi que le HFMH est dû à une altération somatique du PIK3CA et est accessible à l'intervention pharmacologique. « Ces résultats permettent d'avoir enfin une explication génétique pour les patients présentant une myohyperplasie hémifaciale, de comprendre les mécanismes de la maladie et d'entrevoir une perspective thérapeutique enfin efficace », conclut l'Inserm.
© Hôpital Necker-enfants malades