Petit autiste deviendra grand. Bientôt… Lorsqu'on évoque l'autisme, le plus souvent, on parle uniquement des enfants, de leur éducation, de leur scolarité. Et après ? Longtemps, cet après n'avait pour seul horizon que les murs des institutions. Mais aujourd'hui, certains jeunes adultes autistes, en particulier avec un syndrome Asperger (de haut niveau), se prennent à envisager une formation, un emploi et, pourquoi pas, une carrière. C'était d'ailleurs le thème de la journée mondiale de l'autisme le 2 avril 2015. Une « prééminence » qui fut même évoquée début mars 2015 à New-York lors d'un évènement organisé aux Nations-Unies.
Microsoft embauche
Une actu publiée le 6 avril 2015 pourrait leur donner des raisons supplémentaires de se réjouir. A l'occasion du 40ème anniversaire de sa création, Microsoft annonce qu'il engage un programme pilote de recrutement de personnes avec autisme, informaticiens le plus souvent mais pas seulement. « Les personnes autistes apportent des forces dont nous avons besoin chez Microsoft », explique Mary Ellen Smith, sa vice-présidente, elle-même mère d'un enfant autiste, sur le blog officiel du groupe. En 2014, la firme avait déjà initié un projet thérapeutique pour les enfants autistes et avait été suivie par Intel, Qualcomm, Cisco Systems, Oracle et Apple. Une implication pas véritablement sidérante puisqu'il se susurre, depuis longtemps déjà, que Bill Gates, son co-fondateur, présente de nombreux traits autistiques et revendique son attachement à toutes formes de diversité.
Une mine de talents
Microsoft n'est pas le seul à avoir compris l'intérêt de ces cerveaux atypiques qui manifestent une étonnante capacité à retenir l'information, portent une attention sidérante aux détails ou excellent en mathématiques ou en langages codés. En Allemagne, SAP, une entreprise de logiciels mise sur cette valeur ajoutée et recrute délibérément des centaines de salariés avec autisme. Chez Microsoft, ils seront embauchés à temps plein à Redmond, siège du groupe informatique, au nord-ouest des Etats-Unis. Ce programme est mené en collaboration avec un réseau d'entreprises danois « utilisant les caractéristiques des personnes autistes comme un avantage concurrentiel ». Specialisterne, que l'on peut traduire par « Les spécialistes » est une entreprise socialement innovante dans laquelle la majorité des salariés ont un diagnostic de spectre de l'autisme et travaillent comme consultants avec des tâches comme le test de logiciels, la programmation ou la validation de données. Il est implanté dans 13 pays mais pas en France.
Et en France ?
L'Hexagone reste à la traîne dans ce domaine même si trois initiatives ont récemment vu le jour : le dispositif « Pass P'as » mené par le Centre lillois de rééducation professionnelle qui vise à l'insertion professionnelle des personnes autistes Asperger ou de haut niveau ou encore « Ethik-Asperger » porté par la fondation Malakoff Médéric Handicap qui aide à la création d'une filière de formation et d'intégration dans l'emploi. De son côté, le « Projet Simon », du nom du premier étudiant autiste Asperger suivi, en 2007, a été lancé en 2012 par Handisup, avec l'objectif de préparer les lycéens et étudiants autistes Asperger et de haut niveau à leur avenir professionnel, avec un accompagnement adapté sur le modèle du job coaching déjà appliqué à l'étranger. Une première en France ! 40 stages, emplois d'été et embauches ont été pourvus en 3 ans. Un guide de 35 pages (lien ci-dessous) est également à disposition des entreprises pour les informer sur ce sujet.
Des gens bizarres mais parfois géniaux
Josef Schovanec, autiste Asperger, philosophe, rappelle à son tour que la Silicon valley a saisi le potentiel des personnes autistes mais aussi de ces « gens bizarres ». Il cite l'exemple de Seymour Cray. Schizophrène, il creusait un tunnel sous son garage et prétendait communiquer avec les ovnis tout en mettant au point les principaux mécanismes des superordinateurs. Mais Josef de rappeler que « tous les autistes Asperger ne sont pas forcément informaticiens et peuvent aussi être doués en sciences humaines ». C'est justement son cas ; polyglotte et écrivain, il publie, en mars 2015, « L'autisme pour les nuls », issu d'un ouvrage américain. Quelques modifications ont été nécessaires et Josef se plait à évoquer une chapitre qui n'avait visiblement pas lieu d'être dans la version française : « Comment gérer sa fortune quand on est autiste ? ». Pour le moment…
Comprendre l'autisme pour les nuls, adapté de l'américain par Josef Schovanec et Caroline Glorion, éditions First, 400 pages, mars 2015, 22.95 €.
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