Les mineurs ayant des troubles du neurodéveloppement (TND) seraient-ils sur-représentés chez les personnes transgenres ? Un collectif de professionnels de l'autisme et d'associations publie une tribune fin février 2023, se disant « inquiet » du nombre de jeunes avec autisme et troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) souhaitant faire une « transition de genre ». Cette dernière est un ensemble de processus sociaux, administratifs et/ou médicaux conduisant à modifier l'expression de genre et/ou l'apparence d'une personne pour la faire correspondre avec son identité de genre. Si des dizaines de psychologues, médecins et spécialistes de l'autisme se réjouissent que l'augmentation de la visibilité des personnes « trans » leur permette une meilleure reconnaissance et une réduction des discriminations, ils appellent à réserver les soins d'affirmation de genre aux adultes.
Des transformations physiques irréversibles
Pourquoi ? Parce que, selon eux, les jeunes avec des TND sont « plus vulnérables ». « Les problématiques sensorielles, l'anxiété sociale, le sentiment de décalage par rapport à la dimension sociale de la sexualité, la tendance à imiter autrui de manière formelle, la fréquente indifférence aux stéréotypes sociaux sexuels, tous phénomènes typiques de l'autisme, peuvent être interprétés comme des signes de transidentité », expliquent les auteurs de la tribune, renvoyant vers le rapport « Autisme et identité de genre » de J. Galloway, lui-même autiste. « Les jeunes autistes sont fréquemment isolés socialement alors que, comme tout un chacun, ils éprouvent un besoin d'appartenance à un groupe ; cet isolement, souvent couplé à une non-conformité de genre, les rend très sensibles à la communauté trans, dans laquelle ils peuvent se sentir acceptés et valorisés dans leur différence, sans avoir toutes les clefs pour décoder que la démarche les conduit à des transformations physiques irréversibles », ajoutent-ils.
De plus en plus de « détransitions »
Les signataires se disent alertés par le fait que des médecins permettent notamment à des mineurs d'accéder aux traitements hormonaux et chirurgicaux le plus tôt possible, sans suivi psychothérapeutique, sans forcément prendre en compte les troubles fréquemment associés, comme bien souvent l'autisme ou un TDAH. Or, selon eux, il est risqué de soumettre des mineurs à une transition médicale en raison d'une détresse psychologique qui peut trouver son origine dans d'autres types de problématiques sous-jacentes. Autre raison : la formation de l'identité chez les jeunes est un processus évolutif. L'incongruence de genre apparaissant dans l'enfance se résout souvent naturellement à l'âge adulte. En effet, selon l'Académie de médecine, de plus en plus de personnes regrettent leur transition, ou « détransitionnent ». Des études concluent que, pour une partie d'entre elles, leurs problèmes ne proviennent pas d'une transidentité, ces personnes estimant également n'avoir pas été suffisamment informées des implications des traitements et de la chirurgie sur leur santé.
Accepter l'enfant et l'accompagner
Pour toutes ces raisons, le collectif demande qu'un soutien psychosocial qui aide le jeune à vivre avec le développement pubertaire de son corps sans médicaments soit la première option dans son parcours de soins, tout comme le préconisent la Suède, l'Angleterre ou la Finlande. « Souvent, le diagnostic d'autisme et/ou de TDAH arrive des mois après que le jeune a commencé à se questionner sur son genre. Toutes ses pensées tournent généralement en boucle sur comment transitionner le plus vite possible, encouragé par la communauté, ne vivant plus que pour cela. Alors qu'un diagnostic précoce lui aurait donné des clés pour mieux comprendre son fonctionnement et peut-être pour accepter son corps tel qu'il est. Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'il est important d'accepter l'enfant tel qu'il est et de voir ce qu'il se passera quand il grandira, en l'accompagnant, avec une approche globale et développementale », poursuit-il.
Des exceptions pour les mineurs
Ainsi, les auteurs estiment que les soins d'affirmation de genre doivent être réservés à « des adultes présentant une dysphorie de genre résistante, qui les empêche de vivre » et être proposés de « manière exceptionnelle chez les enfants, dont l'identification claire du sexe opposé apparaît dans l'enfance et cause des souffrances évidentes à l'adolescence ». Alors que la Haute autorité de santé (HAS) est en train d'élaborer des recommandations sur le parcours de soins des personnes transgenres, ils se disent « étonnés qu'elle n'ait pas jugé utile de consulter des spécialistes de l'autisme et autres TND » à ce sujet. Enfin, ils appellent le gouvernement à « la plus grande vigilance sur le fait que ces recommandations prennent en compte les examens des données probantes des pays précurseurs, sur la base des données scientifiques disponibles, absentes de toute idéologie, fondées sur les preuves, et respectant l'éthique de la médecine ».