Modes d'accueil du jeune enfant : une réforme qui inquiète

Une réforme de l'accueil du jeune enfant est en cours qui prévoit notamment d'abaisser les surfaces et le taux d'encadrement. Une association alerte sur l'impact qu'elle pourrait avoir sur ceux à besoins spécifiques. La qualité menacée ?

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La réforme des modes d'accueil du jeune enfant pourrait-elle impacter, notamment, ceux qui sont en situation de handicap ? C'est ce que redoute la fédération des PEP qui lance l'alerte. Elle s'interroge sur les effets induits par les ordonnances envisagées, issues de l'article 50 de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), qui prévoient la simplification du cadre normatif dans les établissements d'accueil du jeune enfant. Considérés à la marge, les acteurs du champ du handicap n'ont pas été conviés autour de la table. C'est notamment le cas de la fédération des PEP, qui est pourtant le premier réseau associatif national de Camsp (Centre d'action médico-sociale précoce) et de CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques), investi dans la gestion de nombreuses structures d'accueil du jeune enfant (crèches, multi-accueil…) en France. « Des propositions ont filtré, rien de précis, des tendances, au conditionnel… mais avec des sources suffisamment fiables », émanant notamment des associations qui siègent au sein de ces commissions qui « nous font part de leurs sérieuses inquiétudes », confie Olivier Flury, chargé de mission politique éducative et sociale de proximité au sein de la fédération des PEP. Une grande partie d'entre elles se sont regroupées au sein du collectif « Pas de bébé à la consigne ».

Moins de professionnels

Cette réforme en cours porterait, notamment, sur l'abaissement des taux d'encadrement ; pour l'instant il est de 1 pour 5 pour les enfants qui ne marchent pas et de 1 pour 8 pour les autres. On passerait à un taux global selon l'âge de l'enfant. « Mais ce que nous disent nos collègues de terrain, c'est que ce n'est pas une question d'âge mais de degré d'autonomie ». Elle prévoirait également la modification du ratio entre les professionnels qualifiés et professionnels diplômés aujourd'hui seuls formés au développement du jeune enfant. Par ailleurs, pour obtenir un agrément, les surfaces minimums passeraient de 7 à 5 m² par enfant, un levier pour favoriser la création de places dont notre pays manque cruellement mais qui pourrait, dans le même temps, engendrer une « dégradation des conditions d'accueil », selon les PEP.  « L'objectif de cette rationalisation est de développer les modes d'accueil, et notamment les collectifs ouverts, ce qui est un tout à fait louable mais il ne faut pas le faire au détriment de la qualité, à la fois d'accueil pour les enfants et d'exercice pour les professionnels », explique Isabelle Monforté, chef de projet éducation et loisir au sein de la fédération des PEP, qui déplore que cette rationalisation soit faite sur des « critères purement quantitatifs ».

Et pour les enfants handicapés ?

« Cela concerne, aussi, les jeunes enfants en situation de handicap car, s'il n'y a pas suffisamment de professionnels qualifiés et si les taux d'encadrement ne leur permettent déjà pas de s'occuper de manière qualitative des enfants, cela devient encore plus compliqué pour ceux qui ont des besoins spécifiques. », s'inquiète Isabelle Monforté. A fortiori lorsque des professionnels du médico-social sont amenés à intervenir ponctuellement au sein de ces structures. A flux tendu, travailler la coopération entre professionnels de secteurs différents exige du temps, des formations et de l'accompagnement. « Lorsqu'ils ont la tête dans le guidon et déjà des difficultés pour assurer le quotidien, ce partenariat devient complexe et oblige à dégager du temps, poursuit-elle. On sait aussi que les enfants en situation de handicap exigent une plus grande vigilance et une formation dédiée pour avoir la capacité à alerter. »

Engagements contradictoires ?

Dans le même temps, en juillet 2018 un bonus inclusion est annoncé par la CNAF (Caisse nationale d'allocation familiale) qui prévoit une aide de 1 300 euros pour chaque place ouverte en crèche pour l'accueil d'un enfant en situation de handicap (article en lien ci-dessous) tandis qu'est réaffirmé, notamment par le ministère de l'Education nationale et les derniers rapports du HCFEA (Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge), le caractère fondamental de cette période charnière dans le développement global et la socialisation des jeunes enfants. « D'un côté des efforts sont faits par le gouvernement, avec une vraie volonté de favoriser l'inclusion, notamment via un rapport dans le cadre du Haut conseil à la famille qui devrait sortir sur la qualité affective et éducative du jeune enfant, et, de l'autre, on entame cette concertation sur la simplification du cadre normatif, observe Isabelle Monforté. Pourquoi pas mais pas au détriment de la qualité ! »

Concertation en cours

Pilotée de la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale), elle devrait bientôt produire des pistes de travail sans qu'aucune échéance ne soit fixée, avant l'ouverture d'une deuxième phase. Olivier Flury déplore que clé d'entrée handicap ait été oubliée et souhaite que le cercle des acteurs soit élargi, au-delà de ceux de la petite enfance au sens strict. « Si on veut favoriser l'inclusion, il faut aussi impliquer le secteur médico-social, les Camsp, l'Education nationale puisque prochainement la scolarisation sera obligatoire à partir de trois ans. Il faut travailler sur ce sujet de manière plus large et pas uniquement sectorielle par type d'accueil. » « On parle de prévention des inégalités, d'approche globale mais il faut s'en donner les moyens d'autant que cela peut avoir un impact sur le repérage des troubles éventuels chez de jeunes enfants qui n'ont pas été encore diagnostiqués », conclut Isabelle Monforté. Limitant ainsi l'objectif de la campagne Agit tôt lancée en septembre 2018 (article en lien ci-dessous) ? 

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