Handicap.fr : La France termine à la 58e place des Mondiaux de para athlétisme. Comment qualifiez-vous ce classement ?
Guy Tisserant : Ce n'est clairement pas à la hauteur de ce qu'on peut espérer pour la France, qui est l'un des pays majeurs dans le domaine. Mais on est sur un renouvellement de générations. Une bonne partie de l'équipe est jeune et manque encore d'expérience. Cette première grande compétition internationale pour la plupart des athlètes leur a donc été très utile. On doit aussi souligner leurs bonnes performances individuelles. Beaucoup ont approché, voire dépassé leurs propres records. Ce sera probablement mieux aux Jeux de Paris 2024 et, surtout, en 2028, à Los Angeles (Etats-Unis), parce qu'ils auront pris en maturité. Certes, on reste sur notre faim côté résultats mais la dynamique est enclenchée et commence à porter ses fruits.
H.fr : Quel est l'état d'esprit actuel des para sportifs français ?
GT : Evidemment, certains sont déçus parce qu'ils sont passés tout près de médailles. Rappelons quand même une chose : tous les athlètes qui finissaient dans les quatre premiers de leur course étaient qualifiés d'office pour les prochains Jeux paralympiques. Résultat, on a décroché neuf qualifications. Certes, on a eu un tout petit peu moins de médailles qu'aux derniers championnats du monde mais on a eu plus de tickets d'entrée pour les paralympiques.
H.fr : Même s'il y a eu peu de médailles, il y a eu beaucoup de finalistes. Qu'est-ce qui manque pour atteindre l'exploit sportif ?
GT : Il y a la jeunesse et aussi le fait de concourir chez soi. C'est à la fois une force et une difficulté, parce que ça ajoute de la pression. La majorité des athlètes l'ont confirmé. C'est le cas du jeune Dimitri Jozwicki, sprinteur avec une infirmité motrice cérébrale. Ça l'a plongé dans le grand bain, en présence des spectateurs. Il sera probablement moins tendu l'année prochaine. Autre explication : les difficultés rencontrées en para athlétisme ces dernières années ou même ces derniers mois. Je pense notamment à Dimitri Pavadé, médaillé d'argent aux jeux de Tokyo en saut en longueur, qui s'est blessé quinze jours avant les Mondiaux. Ça a été une belle chance de médaille en moins.
H.fr : Même s'il y a eu peu de médailles, il y a eu beaucoup de finalistes. Qu'est-ce qui manque pour atteindre l'exploit sportif ?
GT : Il y a la jeunesse et aussi le fait de concourir chez soi. C'est à la fois une force et une difficulté, parce que ça ajoute de la pression. La majorité des athlètes l'ont confirmé. C'est le cas notamment du jeune Dimitri Jozwicki, sprinteur de 100 mètres qui échoue à 7 millièmes de secondes de la qualification aux Jeux de Paris. Il a été plongé dans le grand bain, en présence de nombreux spectateurs qui le supportait très fortement. Il sera probablement moins tendu l'année prochaine. Autre explication : les difficultés rencontrées en para athlétisme ces dernières années ou même ces derniers mois. Je pense notamment à Dimitri Pavadé, médaillé d'argent aux jeux de Tokyo en saut en longueur, qui s'est blessé quinze jours avant les Mondiaux. Ça a été une belle chance de médaille en moins.
H.fr : Certains parlent « d'échec sportif », est-ce que vous partagez cette analyse ?
GT : Je parlerais plutôt d'un peu de frustration. Avant les championnats du monde, on ne s'attendait pas à avoir des résultats supérieurs à ceux-là. Ça n'a donc pas été une surprise en soi ni une déception. Là, on est sur le plan de marche qu'on avait imaginé. C'est insatisfaisant mais avec des motifs d'espoir pour l'avenir.
H.fr : Quel constat faites-vous par rapport au niveau international ?
GT : Le niveau international est extraordinairement élevé : 38 records du monde ont été battus, ce qui est une première. On a un très haut niveau de pratique, avec de plus en plus de pays qui présentent des athlètes de très haut niveau. C'est le cas de la Chine, bien évidemment, mais aussi par exemple de l'Ouzbékistan. C'est la première fois qu'on avait 107 pays concourants à un championnat du monde de para athlétisme ! On constate d'ailleurs que les Etats mettent de plus en plus de moyens dans ce domaine. Aujourd'hui, quand on voit une finale de 200 mètres par exemple, les sportifs sont très, très proches les uns des autres à l'arrivée et ça se joue vraiment à pas grand-chose. De plus, le paralympisme commence à devenir un outil de soft power (politique d'influence, ndlr), et on assiste de plus en plus à une logique de reconnaissance des personnes handicapées dans le monde. Par conséquent, le niveau se densifie.
H.fr : Certains médias spécialisés dans le handisport pointent du doigt l'organisation avec, selon eux, une très « faible affluence au stade » et un très « faible impact sur les réseaux sociaux ». Comment réagissez-vous à ces critiques ?
GT : Honnêtement, j'en suis très surpris parce qu'il n'y a jamais eu un championnat du monde de para athlétisme recevant autant de public. Le problème, c'est que les caméras ont été posées face à la ligne du 100 mètres et ont filmé en permanence la tribune vide. Tout le monde s'est dit « il n'y a personne » alors qu'on a accueilli à peu près 10 000 spectateurs par jour dans un stade de 18 000 places. Parfois, on a même frôlé la barre des 15 000 entrées par jour. On a édité 125 000 billets contre 100 000 à Londres.
Les gens se sont rassemblés d'un seul et même côté pour deux raisons : d'une part, pour être à proximité du sautoir de saut en longueur et de l'arrivée des courses, et pour assister dans les virages aux lancers et aux sauts en hauteur. D'autre part, la partie du stade vide était tout le temps au soleil durant la compétition. Ça n'est pas du tout un échec en termes de public, c'est une grosse satisfaction, et même une réussite populaire. A un an des Jeux, nous souhaitions donner envie. Le pari semble réussi. Surtout quand je vois, pour la petite anecdote, ce couple qui a découvert la compétition par hasard sur la chaîne L'Equipe et qui est venu exprès de Nantes durant un week-end pour voir les championnats du monde sur un coup de tête. Ils ont trouvé ça absolument génial. Avant, ce genre de choses ne se produisait jamais ! Ceux qui dénoncent une mauvaise audience ne sont probablement pas venus au stade. Moi j'y étais et je peux vous assurer du contraire.
H.fr : L'un des objectifs était d'acculturer le grand public français au handisport. Pari réussi ?
GT : Oui ! Plus on expliquera que c'est du sport de haut niveau et un spectacle, plus les gens auront envie de venir. On a eu un très bon partenariat avec L'Equipe qui a réalisé des petites capsules vidéo explicatives sur les classifications dans le para sport. C'était très pédagogique. Ils ont comptabilisé sur leur chaîne près de 12 millions de téléspectateurs sur la totalité de la compétition, avec des soirées réunissant entre 200 et 300 000 personnes, ce qui est l'équivalent d'une soirée d'Euroligue en basket. Un excellent résultat ! Par ailleurs, on a eu une extraordinaire couverture médiatique avec plus de 600 médias accrédités, nous avons même dû en refuser certains par manque de places. L'acculturation ne se fait pas en cinq minutes, on doit l'ancrer dans la durée. Il faut que ça devienne naturel dans le paysage médiatique, que la presse joue le jeu tout le temps, pas seulement lors d'une manifestation exceptionnelle. Mais, déjà, la rédaction de l'Equipe nous a confié qu'elle souhaitait renouveler l'expérience pour d'autres compétitions.
H.fr : Vous avez également travaillé de concert avec la RATP, les aéroports, les hôtels. Les sentez-vous prêts pour la grand-messe de Paris 2024 ?
GT : Côté hébergement, ça s'est bien passé. On a réussi à loger 600 personnes en fauteuil roulant, ce qui n'est pas une mince affaire à Paris. Théoriquement, on entrera dans une autre dimension l'an prochain, avec probablement un effet d'appel d'air au niveau des prix. Concernant les transports, c'est plus compliqué. Les deux ou trois premiers jours, on a vraiment ramé pour que tout se passe bien. Il n'y a pas eu de gros problèmes mais plein de petites anicroches. Les trams et les bus sont accessibles, pas les métros. Il faut aussi qu'on réfléchisse au fait d'avoir suffisamment de chauffeurs professionnels, sans compter les embouteillages à prévoir... Pour les Jeux olympiques (du 26 juillet au 11 août 2024), il y aura moins de monde sur les routes mais, pour les paralympiques (du 28 août au 8 septembre), à la rentrée, ça devrait se corser. Ce point sensible devra donc être anticipé.
H.fr : Ces Mondiaux faisaient figure de banc d'essai avant Paris 2024. Qu'est-ce qui a bien ou mal fonctionné ? Qu'est-ce qui doit être révisé ou alors réitéré ?
GT : Nous avions axé l'évènement sur trois maîtres-mots : performance, plaisir et partage. Ça a été une réussite au niveau du partage d'émotions. On a vu beaucoup de gens repartir avec la banane et c'est appréciable dans le contexte actuel. Nous avons d'ailleurs diffusé un questionnaire de satisfaction auprès des spectateurs et plus de 97 % d'entre eux (sur plus de 1 000 répondants) ont indiqué qu'ils étaient satisfaits de leur expérience en tant que spectateur et près de 95 % ont précisé être disposé à acheter un billet pour venir voir une autre compétition de parasport. L'ensemble des bénévoles nous a confié avoir ressenti quelque chose de très fort en termes de lien. Je pense qu'on peut espérer le transposer aux Jeux paralympiques l'année prochaine.
Par ailleurs, nos investissements en matière de communication, au travers des réseaux sociaux, des concerts quotidiens, étaient inédits. Bien entendu, tout n'était pas parfait, mais nous sommes également très satisfaits et fiers de notre engagement dans le domaine de la RSE à l'occasion de ces championnats du monde. Nous avons ainsi monté un projet pour réduire les déchets, limiter les impacts en matière de gaz à effet de serre, faire des fresques du climat, sensibiliser l'ensemble des bénévoles, les partenaires, les entreprises à ce sujet. Nous rédigeons également un bilan global pour offrir un retour d'expérience et en faire profiter les prochains organisateurs d'évènements, dans une dimension plus verte et vertueuse.
H.fr : Un mot pour définir votre sentiment à un an des Jeux ?
GT : Excitation ! Je les ai vécus en tant que sportif. J'ai hâte de vivre cette expérience incroyable côté spectateur et surtout à domicile.
Para athlétisme 2023:"Réussite populaire" pour Guy Tisserant
Ancien champion paralympique de tennis de table, Guy Tisserant est aujourd'hui vice-président du comité d'organisation de la Fédération française handisport. Il revient sur les Mondiaux de para athlétisme, un évènement rassurant à 1 an de Paris 2024.
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"