Par Laurie Veyrier
"J'arrive, j'arrive." Au cœur de la zone mixte du Stade Charléty, à Paris, réservée à la presse, Fleur Jong, championne de para saut en longueur, ne boude pas les questions des journalistes. Ses prothèses de course à ses côtés, la Néerlandaise amputée des deux jambes prend le temps d'expliquer à deux médias étrangers sa façon de marcher au quotidien. "Je saute avec la jambe gauche", détaille-t-elle, en joignant les gestes à la parole. C'est sa jambe gauche, justement, qui vient de la propulser au sommet mondial à 27 ans, dans la catégorie T64, lors des championnats du monde de para athlétisme, du 8 au 17 juillet 2023. Un titre de plus, le seul qui manquait au palmarès de cette grande athlète aux cheveux blonds, notamment championne d'Europe en 2021 en Pologne (sur 100 m et au saut en longueur), et championne paralympique de la longueur à Tokyo la même année.
Un record après deux essais mordus
Quelques jours plus tôt, elle avait exprimé son souhait en conférence de presse de l'emporter. Aujourd'hui elle est "une championne complète". "J'ai complété le tableau, c'est historique. Bien sûr je veux plus mais c'est une première étape", se réjouit Fleur Jong. Grande favorite de l'épreuve, elle a pourtant d'abord mordu ses deux premiers essais, s'exposant à une possible élimination en cas de troisième échec. "C'était un peu effrayant, je ne vais pas mentir", répond-elle. "J'ai parlé avec mon entraîneur, j'ai été honnête avec lui je lui ai dit 'j'ai peur, je panique, aide moi' et il m'a dit qu'on allait reculer un peu, que je devais courir de la même manière". Au final, elle réalise le record des Mondiaux grâce à un saut de 6,28m. "Si je voulais être une vraie championne, je devais surmonter ce moment", juge-t-elle.
Choc toxique
Un peu plus de dix ans plus tôt, un premier obstacle s'oppose à elle quand, à l'approche de ses 17 ans, une infection bactérienne du sang lui cause "un choc toxique" et entraîne finalement l'amputation de ses deux jambes. Moins de trois ans plus tard, elle décroche le bronze aux Mondiaux de Doha (2015) sur 200m, avant de glaner ses premiers titres et multiplier les records du monde du 100m et du saut en longueur.
Fan de Marie-Amélie Le Fur
Et parmi ses inspirations figure la triple médaillée d'or paralympique Marie-Amélie Le Fur, une "grande championne". Cette dernière lui a promis, "je viens te voir aux Mondiaux, j'amène mes parents", se souvient Fleur Jong, "fière qu'elle puisse (la) voir sauter", déclare-t-elle dans un sourire. Un sourire qu'elle semble garder en permanence, même avant son épreuve le 10 juillet. "L'athlétisme est amusant, le saut en longueur est l'une des plus belles épreuves, alors si je ne prends pas de plaisir, qu'est-ce que je fais ici ? J'essaie toujours de m'amuser, même si c'est difficile quand on est nerveuse".
Désormais sacrée en saut, Fleur Jong tentera de réitérer à partir du 13 juillet, sa performance sur le 100m. Avant de peut-être déjà penser aux Jeux paralympiques 2024 dans la capitale française : "Je suis toujours heureuse ici. Paris est prête, et j'ai hâte d'être à l'année prochaine".
© Instagram Fleur Jong