Par Charlotte Causit
Ils ont changé la vie de milliers de patients souffrant de la mucoviscidose, une maladie génétique grave : trois chercheurs ont été récompensés, le 11 septembre 2025, par le prix Lasker, la plus haute distinction scientifique américaine, pour leurs contributions au développement d'un traitement qualifié de « révolutionnaire » par les associations de patients. Le traitement développé par le laboratoire Vertex, qui doit être pris sous forme de comprimés à vie, s'attaque non pas aux symptômes, mais aux causes sous-jacentes de la maladie.
Une nouvelle classe de médicaments
La prestigieuse récompense, souvent considérée comme annonciatrice d'un possible prix Nobel, vient consacrer les travaux du pneumologue Michael Welsh et des chercheurs Jesus Gonzalez et Paul Negulescu du laboratoire américain Vertex. Tous trois ont participé au développement d'une nouvelle classe de médicaments innovants contre cette maladie qui touche environ 100 000 personnes dans le monde, dont le traitement phare Kaftrio (Europe) ou Trikafta (États-Unis) (Mucoviscidose : des traitements pour une vie plus "normale"?). « C'est mieux que tout ce que j'aurais pu espérer », s'émeut Michael Welsh auprès de l'AFP, en retraçant le chemin parcouru. « Je vois ces enfants, ils ont l'air en bonne santé, ils ne toussent pas, ils courent partout et jouent… J'ai même du mal à le croire : ils font des études, se marient et ils continuent leur vie. »
Qu'est-ce que la mucoviscidose ?
Une réalité qui tranche nettement avec ses souvenirs de début de carrière, quand le diagnostic de mucoviscidose se traduisait par la mort dans l'enfance ou l'adolescence de la plupart des malades. Incurable, cette maladie fait sécréter du mucus anormalement épais et visqueux, ce qui obstrue les voies respiratoires et le système digestif. Les malades s'essoufflent au moindre effort.
36 ans des recherches
Après la découverte en 1989 du gène CFTR, dont la mutation chez les malades cause la mucoviscidose, Michael Welsh s'est attelé avec d'autres chercheurs à décortiquer le problème : « Si nous parvenions à comprendre comment fonctionnait le CFTR, alors nous avions une chance de le réparer », explique-t-il. Il identifie deux anomalies majeures liées à la mutation la plus fréquente : un « engluement » de la protéine dans la cellule et une altération de sa fonction. Des dysfonctionnements qui, selon ses découvertes, ne sont pas irréversibles. « Ce n'était pas totalement cassé », se rappelle avec enthousiasme le médecin.
Une protéine défectueuse restaurée
Forte de ces avancées, la fondation américaine pour la mucoviscidose sollicite alors Jesus Gonzalez et Paul Negulescu pour tenter de corriger chimiquement les anomalies observées. M. Gonzalez met au point une technique permettant de tester plus d'un million de composés chimiques en un temps record. « Sans cela, nous n'aurions jamais trouvé ces molécules », assure-t-il. « C'était un peu comme chercher de l'or », se souvient Paul Negulescu. « Très peu, bien moins de 1 %, avaient un effet, et encore moins étaient réellement efficaces. » Mais leurs efforts finissent par payer : l'association de trois molécules restaure la fonction de la protéine défectueuse.
Une thérapie essentielle mais encore perfectible
Autorisé d'abord aux États-Unis en 2019, le traitement nommé Kaftrio/Trikafta stabilise la maladie chez de nombreux patients. En 2025, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le classe parmi les traitements essentiels.
Néanmoins, son coût élevé et son inefficacité pour une petite minorité de patients porteurs d'autres mutations restent des limites. « Le travail n'est pas terminé », concède Paul Negulescu auprès de l'AFP, tout en se disant déterminé à « ne laisser tomber aucun malade ».
© Drazen Zigic de Getty Images