En 2016, une enquête publiée dans la revue PLOS Medicine indiquait qu'un accroissement de l'indice de masse corporelle (IMC) du surpoids vers l'obésité augmentait de 40 % la probabilité de « développer » une sclérose en plaques, maladie inflammatoire évolutive qui, rappelons-le, touche 115 000 personnes en France. Mais une fois la SEP acquise, l'obésité augmente-t-elle le risque de progression de la maladie ? Des chercheurs allemands se sont penchés sur cette question peu étudiée, apportant un éclairage nouveau sur un facteur de risque sur lequel il est possible d'agir. Cette étude , publiée en novembre 2022 dans la revue britannique Journal of neurology, neurosurgery, and psychiatry, a été menée dans vingt-deux centres SEP en Allemagne durant six ans, incluant une cohorte nationale de 1 066 patients récemment diagnostiqués, dont 70 % de femmes. Près de 15 % d'entre eux (159 hommes et femmes) présentaient un IMC supérieur à 30 kg/m2, se trouvant donc en obésité.
Une évolution plus rapide de la maladie
Plusieurs critères ont été analysés par les scientifiques : les scores de handicap (« Expanded disability status scale » ou « EDSS » qui permettent d'évaluer de façon objective l'évolution du handicap d'un patient), les taux de poussées, les données de l'IRM et les traitements de fond, au début de l'étude puis à deux, quatre et six ans. Le score EDSS a permis de montrer que, chez les patients obèses, la maladie a évolué plus rapidement que chez ceux avec un IMC dit « normal ». L'échelle 3 de l'EDSS, qui correspond à un handicap « modéré » avec une atteinte de trois ou quatre fonctions, a été franchie au bout de 0,99 an contre 1,46 pour les patients non-obèses. Et, de manière générale, les personnes avec un IMC supérieur à 30 ont toujours un « temps d'avance » sur la maladie, avec un score de handicap (EDSS) supérieur, au début, puis à deux, quatre et six ans de suivi. La progression de la SEP s'explique dans ce contexte par le fait que le surpoids et l'obésité peuvent causer une « altération de la signalisation de l'insuline » (l'hormone qui régule la glycémie), un « dysfonctionnement mitochondrial », un « excès d'espèces réactives de l'oxygène » ou « stress oxydatif », une « dyslipidémie » (aussi communément appelé « cholestérol élevé ») et une inflammation chronique de bas grade. Autant de conséquences qui, à terme, constituent des « facteurs de risque de perte future du volume de la matière grise et de développement de la démence », selon l'étude. En revanche, l'IMC n'est pas associé aux taux de poussées ni au nombre de lésions visibles sur l'IRM.
Un facteur de risque modifiable
Parce que l'obésité est un « facteur de risque modifiable », il est possible d'en limiter les effets, notamment en cas de maladies neurodégénératives telles que la SEP, en adoptant une bonne hygiène de vie ou en ayant recours à une chirurgie bariatrique. D'après les relevés de l'étude allemande, « les patients obèses subissant une chirurgie bariatrique augmenteraient le volume de matière grise et blanche (située dans le système nerveux central, ndlr) à mesure qu'ils retrouveraient un 'poids santé'. « Ces données suggèrent qu'une prise en charge dédiée de l'obésité devrait être explorée pour son mérite potentiel dans l'amélioration des résultats cliniques à long terme des patients diagnostiqués avec la SEP », concluent les chercheurs.