Que peut-il se passer si deux personnes en fauteuil roulant viennent à se croiser en sortant de l'ascenseur de l'Hôtel de Région à Toulouse ? Problème. L'espace de manœuvre, inférieur à 150 cm -dimension minimum prévue par la réglementation-, ne permet pas le passage de deux fauteuils.
Le tribunal a tranché
En 2017, l'Occitanie, lors du réaménagement de l'accueil de son hôtel de Région, a bien pensé à s'équiper d'un ascenseur dédié aux personnes à mobilité réduite desservant trois niveaux mais en omettant quelques détails. L'association Handi-social, réputée pour ses actions militantes à Toulouse (article en lien ci-dessous), l'a alertée sur cet obstacle dès 2018. En l'absence de réponse, elle a décidé de saisir la justice, qui a récemment abondé en son sens. Dans un jugement du 8 juillet 2021, le Tribunal administratif de Toulouse ordonne la mise en conformité de ces accès dans un délai de six mois (en lien ci-dessous). La Région Occitanie a confirmé qu'elle se plierait à cette décision, qui pourrait d'ailleurs faire jurisprudence en France.
Un guide avec des erreurs persistantes
Pour éviter que cette erreur ne se reproduise dans d'autres bâtiments relevant de la région, notamment les lycées, Handi-social a proposé de déterminer des « règles claires et précises, donc applicables et contrôlables pour les constructions neuves qui ne soient pas susceptibles d'interprétation », réclamant par ailleurs des « sanctions financières ». Elle entendait mettre son expertise au service de Carole Delga, présidente de la Région, accessoirement présidente des régions de France depuis juillet 2021, via l'élaboration d'un document destiné aux architectes et maîtres d'œuvre.
La Région a bel et bien édité, en novembre 2021, un guide complet de 71 pages, « Construire des bâtiments neufs… » (en lien ci-dessous), conçu par le bureau d'étude grenoblois CRIDEV (Centre de recherche pour l'inclusion des différences dans les espaces de vie), mais, selon Handi-social, sans « tirer toutes les leçons de cette affaire ». D'autant plus inquiète qu'il « devrait servir de modèle pour une diffusion nationale », l'association se dit « consternée » par son contenu final, avec des « dimensions règlementaires qui ne sont pas rappelées », des « schémas de piètre qualité » et des « erreurs persistantes ». Et de citer en exemple l'espace nécessaire sur une place de stationnement « autour du véhicule pour entrer ou sortir avec aisance et en toute sécurité », où « à aucun moment ne sont indiquées ses dimensions précises ». « Comment la Région espère-t-elle qu'une personne valide, même dans l'hypothèse où on l'aurait sensibilisée à la question, va comprendre toute seule quelles sont les dimensions minimales à prévoir pour s'adapter à l'ensemble des usagers ? », questionne-t-elle.
Vers une diffusion nationale
L'association juge ce manuel « très insuffisant », ne permettant pas « d'éviter à l'avenir de nouvelles situations de contentieux comme celle de l'ascenseur ni les manquements relevés à plusieurs reprises dans les nouveaux lycées ». Pour Christian François, qui a fait de l'accessibilité du cadre bâti son cheval de bataille, « la qualité d'usage, subjective par essence, dépend en premier lieu du respect des dispositions réglementaires dictées par la Loi, sous réserve cependant qu'il ne faille pas recourir en justice pour en faire constater l'inefficience... ». Or, selon lui, ce guide, qui comporte beaucoup de « blabla », « ciblerait les problèmes sans proposer de solutions, laissant aux concepteurs la liberté d'interpréter les textes à leur guise ».
Mission pédagogie
En réponse à ces critiques, la Région Occitanie assure que son « parti-pris » est de ne pas « produire un énième document relayant les obligations réglementaires ». Ce manuel viserait donc à « investir la notion de qualité d'usage, qui ne peut être normée par des directives, en allant au-delà de la réglementation qui ne garantit pas un égal accès à tous aux bâtiments publics ». Cet « outil pratique » prône donc la « pédagogie à l'attention des maîtres d'ouvrages publics et de toute la branche des professionnels du bâtiment », « premier support vers un dialogue plus systématique entre les différents acteurs ». Il a ainsi fait l'objet d'une concertation entre représentants d'usagers, de la maîtrise d'ouvrage publique et gestionnaires d'établissements, en y associant la Fédération régionale du bâtiment et l'Ordre des architectes d'Occitanie. Objectif ? « Amener l'ensemble des opérateurs à se questionner sur le bien-être, le confort pour tous et l'accessibilité autrement ». Selon la Région, il « s'appuie sur la réglementation, pointe ses insuffisances et va au-delà ».
A l'occasion d'un événement sur la thématique de l'accessibilité des bâtiments publics le 8 décembre 2021, la Région affirme que ce document a « reçu un accueil positif » qui l'encourage à « poursuivre dans cette voie de la pédagogie ». Ce manuel doit être enrichi par les retours de terrain. Bilan prévu dans 18 mois avec les associations de personnes handicapées. « Handi-social a été associée dès le début avant de décider de quitter le groupe de travail. Il s'agit de la seule ayant pris cette décision », conclut la Région.