Par Phill Magakoe et Dinky Mkhize
L'ex-champion paralympique sud-africain Oscar Pistorius, condamné pour le meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp il y a dix ans, va rester en prison. Une commission ad hoc s'est réunie le 31 mars 2023 à la prison d'Atteridgeville près de Pretoria, où l'homme de 36 ans purge une peine de plus de treize ans. Verdict : demande de libération conditionnelle refusée. En effet, la loi sud-africaine prévoit qu'un condamné pour meurtre puisse bénéficier d'une libération anticipée une fois la moitié de sa peine écoulée. Les services pénitentiaires ont informé, à la surprise générale et dans un bref communiqué, que le refus était lié au fait que le condamné n'avait pas encore purgé une partie suffisante de sa peine pour pouvoir obtenir une libération anticipée.
Pas de nouvelle demande avant un an et demi
"Le détenu n'a pas terminé la période de détention minimale, comme l'a décidé la Cour suprême d'appel", soit la dernière instance à avoir condamné Pistorius en 2017 après de multiples appels, précise le communiqué. Dans un bref mémo obtenu par l'AFP, et daté du 28 mars 2023, cette cour explique considérer que la peine infligée débute à partir de la date de sa condamnation en 2017 et non à partir de sa première condamnation en 2014. "La demande sera réexaminée dans un an", a précisé auprès de l'AFP l'avocate de la famille de la victime, Me Tania Koen, saluant la décision. Le porte-parole des services pénitentiaires, Singabakho Nxumalo, a précisé devant la presse qu'Oscar Pistorius n'aura complété le minimum requis qu'en août 2024, date à laquelle il pourra redemander une libération anticipée. Il était éligible depuis juillet 2021, avait pourtant annoncé l'administration pénitentiaire depuis des mois.
Une "condamnation à perpétuité" pour les parents de la victime
Les parents de la victime, Reeva Steenkamp, avaient fait savoir leur opposition à sa libération anticipée, estimant qu'Oscar Pistorius n'a jamais dit la vérité. "Je ne crois pas son histoire", a déclaré visiblement éprouvée la mère, June Steenkamp, à son arrivée devant la prison. Elle n'a pas témoigné en face du meurtrier de sa fille, la commission ayant décidé d'entendre ce dernier dans un deuxième temps, a précisé son avocate Tania Koen. Les parents vivent "une condamnation à perpétuité" depuis la mort violente de leur fille, a asséné Me Koen. "Elle leur manque chaque jour". Ils "estiment qu'il ne devrait pas être libéré" car "il n'a montré aucun remords et il n'est pas réhabilité, car s'il l'était, il aurait été honnête et aurait raconté la véritable histoire de ce qui s'est passé cette nuit-là".
Une tragique "méprise" selon l'athlète
L'affaire remonte à dix ans. Aux premières heures de la Saint-Valentin, le 14 février 2013, Pistorius tire avec un fusil à travers la porte de la salle de bain de sa chambre. La mannequin Reeva Steenkamp, 29 ans, venue passer la nuit chez lui à Pretoria, est tuée de quatre balles. Riche, célèbre, le sextuple champion paralympique était entré un an plus tôt dans la légende du sport en s'alignant avec les "valides" aux 400 mètres des Jeux olympiques de Londres, une première pour un double amputé. "Blade Runner", son surnom en référence à ses prothèses de carbone en forme de pattes de félin, est arrêté au petit matin. Il plaide la méprise, explique avoir cru qu'un cambrioleur était parvenu à s'introduire dans sa résidence ultra-sécurisée.
Une idole déchue, ruinée
Lors de son procès en première instance, retransmis en direct à la télévision pendant huit mois en 2014, l'ex-star apparaît en pleurs, vomissant même à la lecture du rapport d'autopsie. Il écope de cinq ans de prison pour homicide involontaire. Le parquet trouve la justice trop clémente et fait appel pour réclamer une condamnation pour meurtre. La saga judiciaire tient les médias en haleine et le monde se passionne pour cette affaire hors normes. En appel, Pistorius se présente devant les juges sur ses moignons. Un psychologue appelé par la défense décrit un homme "brisé". Il est condamné à six ans de prison pour meurtre. Le parquet estime la peine encore insuffisante. En 2017, la Cour suprême d'appel condamne Oscar Pistorius à 13 ans et 5 mois de prison. Lâché par ses sponsors, ruiné, l'idole déchue vend sa maison pour payer ses avocats.
Contacté par l'AFP, son avocat Julian Knight n'a pas souhaité faire de commentaire avant l'annonce d'une décision finale sur sa libération. En cas de refus, Pistorius pourra réclamer un réexamen de sa demande.