Dernière minute du 9 mars 2021
Le 9 mars 2021, une proposition de loi a enfin été soumise au Sénat portant sur la barrière d'âge de la PCH (prestation de compensation du handicap), au-delà de laquelle il n'est, sauf exceptions, plus possible de la solliciter. En séance publique, les sénateurs ont approuvé, à l'article 4, conforme à la proposition des députés, son report de 60 à 65 ans. Le texte doit maintenant être à nouveau soumis aux députés pour permettre son entrée en vigueur.
Article initial du 28 janvier 2019
Par Arnaud Bouvier
Hélène est en fauteuil roulant mais n'a obtenu aucun financement pour aménager son logement : elle avait plus de 60 ans lorsque sa maladie a été diagnostiquée, trop tard pour être considérée comme handicapée. Une barrière d'âge dont des associations dénoncent l'absurdité. "C'est aberrant, on ne choisit pas à quel moment on est cloué dans un fauteuil", enrage l'octogénaire domiciliée près de Chambéry, qui ne peut presque plus marcher depuis 22 ans, du fait d'une affection neurologique. Le cas d'Hélène Sartre est emblématique des complexités administratives en vigueur : des règles différentes s'appliquent aux personnes handicapées et aux personnes âgées dépendantes.
Nature et montant différents
Si le handicap survient avant 60 ans, la personne peut bénéficier -à vie- de la prestation compensatoire du handicap (PCH). Dans le cas contraire, elle sera éligible seulement à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA), versée aux personnes âgées dépendantes. Or les deux prestations sont d'une nature et d'un montant différents. La PCH permet de financer l'aménagement du logement ou du véhicule, mais aussi une aide humaine à domicile, théoriquement non plafonnée : si une personne très lourdement handicapée doit être aidée 24h/24, la prestation peut atteindre quelque 13 000 euros par mois. L'APA est plafonnée et varie de 672 à 1 737 euros par mois, en fonction du degré de dépendance.
Une société pour tous les âges
Dénonçant une "discrimination", le collectif "une société pour tous les âges" milite pour une "convergence des dispositifs de compensation". La future loi sur la dépendance, que le gouvernement a promise pour 2019, devrait instaurer une "prestation autonomie universelle", plaide ce collectif, qui rassemble des associations de personnes handicapées et des structures d'aide aux personnes âgées. Une telle prestation devrait "couvrir l'ensemble des besoins" de chacun, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, estime Malika Boubekeur, d'APF France handicap. Handicapés et seniors ont "les mêmes besoins", il est "insupportable" qu'ils soient traités différemment, souligne-t-elle.
Une barrière arbitraire
Pour Romain Gizolme, de l'AD-PA, association de directeurs d'EHPAD, il est incompréhensible que dans les maisons de retraite "on n'emploie jamais le mot 'handicap'". "L'Etat veut nous fait croire qu'il y a d'un côté des personnes en situation de handicap, de l'autre des personnes dépendantes", ironise-t-il. Cette barrière d'âge semble d'autant plus "arbitraire" qu'aujourd'hui "à 65 ou 70 ans on est encore un citoyen actif, inséré dans la vie sociale, et tout l'enjeu c'est de le rester", observe Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui gère le financement des aides aux personnes handicapées et aux seniors dépendants. Il serait toutefois simpliste de considérer que la PCH est toujours plus favorable que l'APA. La première, contrairement à la deuxième, ne permet pas, par exemple, de financer l'intervention d'une femme de ménage à domicile.
Une réforme à 500 millions d'euros ?
Une réforme de la barrière d'âge aurait cependant un coût : jusqu'à 504 millions d'euros par an si la limite était seulement déplacée de 60 à 75 ans, selon l'Inspection générale des affaires sociales. Un montant à comparer aux 7,7 milliards d'euros qu'ont coûtés en 2017 les deux prestations (5,8 milliards pour l'APA et 1,9 pour la PCH). Pour Florence Leduc, de l'Association française des aidants, il ne faut toutefois pas "faire inutilement peur" en "agitant des chiffres". Seul un nombre "infinitésimal" de personnes âgées dépendantes ont besoin d'une assistance 24h/24, et seraient donc éligibles à une aide financière très élevée, selon elle.
Autre barrière à 75 ans
Une autre barrière d'âge, fixée à 75 ans, fait débat : elle concerne des personnes dont le handicap s'est déclaré avant 60 ans, mais qui dans un premier temps n'ont pas demandé à bénéficier de la PCH. Lorsqu'elles la réclament des années après - souvent, au moment où leur conjoint n'est plus en mesure de les aider -, c'est la douche froide : après 75 ans, il est trop tard. En mai 2018, l'Assemblée nationale a voté la suppression de cette autre barrière (article en lien ci-dessous). Mais la mesure n'a pas encore été soumise au Sénat.
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