Le 11 décembre 2017, Odile Maurin, avec l'association Handi-social, mettait en demeure le Premier ministre, Édouard Philippe, de financer le reste à charge de ses frais d'aménagement d'un véhicule adapté à son handicap -elle souffre d'une maladie génétique rare-, adapté pour la conduite en restant dans son fauteuil roulant électrique avec un joystick qui remplace volant, frein et accélérateur.
Faire enfin appliquer la loi
Faute de réponse, son avocat, Me Nakache a déposé, le 14 mars 2018, une requête devant le Tribunal administratif de Toulouse pour faire appliquer la loi de 2005 pour le financement de la compensation du handicap : aides techniques, aménagements de véhicule et de logement des personnes en situation de handicap. Dans son cas, elle réclame la somme de 20 939,55 euros restant due et l'octroi de dommages et intérêts à raison de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'impossibilité pendant une période de plusieurs mois de pouvoir bénéficier d'un véhicule lui permettant de se déplacer de manière complétement autonome et sans douleurs invalidantes. Elle demande également la somme symbolique de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour Handi-social.
Un fonds dédié
La loi de 2005 (article L. 146-5 du CFAS code de l'action sociale des familles) précise en effet que "chaque Maison départementale des personnes handicapées gère un Fonds départemental de compensation du handicap (FDC) chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge". Ces derniers ne peuvent, dans la limite des tarifs et montants visés au premier alinéa de l'article L. 245-6, excéder 10% des ressources personnelles du bénéficiaire nettes d'impôts dans des conditions définies par décret.
Un décret jamais publié
Mais le décret d'application n'a malheureusement jamais été publié. Résultat ? Chaque département agit à sa guise, certains mettant en place ce fonds et d'autres non. "Mais l'État n'abondant pas réellement ces fonds, les départements ont assuré de manière décroissante la prise en charge des frais restant à charge", constate Odile. Face à cette situation jugée critique, les personnes handicapées multiplient les solutions alternatives et la débrouille. On observe ainsi, selon elle, une recrudescence "d'appels à l'aide, de campagnes de financement participatif pour changer son fauteuil roulant, aménager son logement, avoir un véhicule adapté pour pouvoir aller travailler ! Sans parler de tous ceux qui restent sans solutions !". C'est dans ce contexte qu'en 2016 le Conseil d'État, saisi par l'Anpihm, a enjoint au Premier ministre de publier le décret d'application dans le délai de neuf mois sous astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État au-delà de cette échéance (article en lien ci-dessous). Malgré cette décision, rien de neuf à l'horizon !
Responsabilité du 1er ministre
Pourquoi le Premier ministre ? Les préjudices qui résultent du retard mis à prendre, au-delà d'un délai raisonnable, le décret nécessaire à l'application de l'article L 146-5 du CFAS sont de nature à engager la responsabilité de l'État et à ouvrir droit à réparation. En outre, en sa qualité de garant de l'égalité des citoyens devant la loi, il appartient à l'État de veiller à la mise en place du Fonds de compensation du handicap et à son abondement. En l'espèce, le caractère fautif de l'abstention du gouvernement constitue bien le fait générateur du dommage, d'où la responsabilité du 1er ministre.
Sur ses fonds propres
Odile Maurin, comme bien d'autres, dit donc se trouver "dans une situation extrêmement difficile" puisqu'elle a dû financer l'acquisition de son véhicule adapté et faire l'avance d'une partie importante de ces frais. "Alors que, selon le texte de loi, les frais de compensation restant à ma charge ne devraient pas excéder 10% de mes ressources personnelles nettes d'impôts, soit 338 euros !" Le FDC de la Haute-Garonne lui a accordé, à titre exceptionnel et dérogatoire, une partie importante de la somme -le devis se monte à 70 000 euros)- mais elle devait tout de même financer 30 000 euros. Elle a finalement pu rogner la facture avec du matériel d'occasion : restent 20 000 euros.
Une première ?
"A priori, cette démarche auprès du tribunal administratif est une première, explique Odile Maurin. On n'a pas trouvé trace de jurisprudence à part celle de l'Anpihm, non suivie d'effet." Par cette action, Handi-social souhaite donc faire jurisprudence "afin que la loi de 2005 s'applique enfin dans ce pays et que la promesse de la compensation intégrale du handicap devienne une réalité pour tous, conclut Odile Maurin. Sachant que favoriser l'autonomie des personnes permet de faciliter leur accès à l'emploi et à une vie citoyenne et à cette fameuse inclusion tant vantée par les pouvoirs publics et promesse de notre Président de la république. Passons aux actes !" A ce titre, Odile Maurin appelle les personnes concernées à saisir à leur tour le Tribunal administratif.