PCH : la Cour des comptes appelle à une refonte profonde

Dépenses en plein essor, disparités territoriales, règles illisibles : la Cour des comptes publie son premier rapport (sans détour) sur la PCH, 20 ans après sa création. Elle propose une série de recommandations pour rétablir équité et lisibilité.

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Un dossier PCH et des billets en euros.

« Deux décennies après sa création, la PCH n'est pas encore un dispositif totalement stabilisé. » La Cour des comptes ne mâche pas ses mots. En décembre 2025, elle publie son premier rapport entièrement dédié à la Prestation de compensation du handicap, pierre angulaire du droit à compensation instauré par la loi de 2005. À la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'institution indépendante, chargée de contrôler l'usage de l'argent public et d'évaluer les politiques publiques, ausculte en profondeur cette aide qui façonne le quotidien d'environ 400 000 Français. Au programme ? L'analyse de sa cohérence, de sa mise en œuvre concrète et de son impact financier. Un objectif s'impose : mettre en lumière les fragilités d'une prestation essentielle, rattrapée par des zones d'ombre et des inégalités tenaces.

Aux origines d'un droit : la vocation de la PCH 

Pour mieux saisir la portée de ce rapport de 128 pages (annexes comprises), il faut revenir à la vocation originelle de la PCH. Pensée comme la traduction concrète du « droit à la compensation », elle vise à offrir une réponse individualisée et universelle aux besoins d'autonomie. Ainsi, elle finance cinq grands types d'aides : humaines (qui représentent environ 90 % de son coût), techniques, animalière, l'adaptation du logement ou du véhicule ainsi que des charges spécifiques ou exceptionnelles. La Cour rappelle que cette structure, « complexe par nature », doit permettre de coller au quotidien de la personne, de ses contraintes et de son projet de vie.

Une (trop ?) grande pluralité de bénéficiaires

Entrée en vigueur en 2006, la PCH – financée par les départements, avec une contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) – s'adresse aujourd'hui à des profils extrêmement variés : adultes lourdement dépendants, parents en situation de handicap, personnes ayant des déficiences sensorielles, enfants… Ses montants sont à l'image de cette diversité : quelques centaines d'euros pour certains et jusqu'à 200 000 euros ou plus par an, lorsque la présence humaine doit être continue. Parmi les 400 000 bénéficiaires, 28 % ont plus de 60 ans : une proportion révélatrice de l'usage croissant de la PCH pour compenser la perte d'autonomie liée au vieillissement. La Cour souligne toutefois une zone grise : ce chiffre pourrait être sous-estimé, la prestation restant « marquée par un non-recours probablement élevé ».

Une prestation élargie, un financement à bout de souffle

Mais cette ambition a un prix. Les dépenses départementales ont atteint « un milliard d'euros en 2010, deux milliards en 2018 et désormais plus de trois milliards d'euros par an ». Une progression fulgurante que les réformes successives n'ont fait qu'accélérer, notamment l'ouverture de la prestation, en 2023, aux handicaps psychiques, cognitifs ou liés aux troubles du neurodéveloppement (PCH handicap psychique : en vigueur le 1er janvier 2023). À mesure que la PCH s'élargissait, son architecture, elle, n'a jamais été repensée en profondeur, observe la Cour. Selon elle, cette succession de mesures favorables « a conduit à un ressaut de la dépense moyenne par bénéficiaire » et à une hausse marquée du nombre de plans d'aide - ces documents qui traduisent, de façon personnalisée, les besoins évalués de chaque personne et fixent les aides auxquelles elle a droit. Dans le même temps, la participation financière de la CNSA s'est érodée : la dépense « n'est plus couverte qu'à hauteur d'un tiers environ », contre 60 % en 2010. Entre besoins croissants et financement en retrait, les départements se retrouvent désormais sous tension (La PCH entravée par des conseils départementaux).

Les fractures territoriales

En entrant dans le détail des pratiques territoriales, la Cour révèle des écarts saisissants. Les délais d'instruction s'étirent entre 2,5 mois et 16 mois, selon les départements. Les taux d'accord varient de 20 % à 92 %. Même les montants attribués fluctuent fortement, influencés par la présence d'ergothérapeutes, l'organisation interne des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou encore la disponibilité de l'offre médico-sociale locale.

Ces différences ne relèvent pas seulement de nuances administratives : elles décident, pour une même situation de handicap, de la rapidité d'accès à l'aide, du volume de soutien accordé et parfois même de sa nature. Ces disparités « posent la question de l'égalité d'accès au droit à la compensation », déplore la Cour des comptes qui souligne que l'ambition nationale s'efface derrière une réalité locale parfois arbitraire.

Enfants : le casse-tête du choix entre PCH et AEEH

Cette hétérogénéité est particulièrement visible pour les enfants. Depuis 2008, les familles doivent choisir entre la PCH et l'AEEH (Allocation d'éducation de l'enfant handicapé), un mécanisme appelé « droit d'option ». Concrètement, il oblige les parents à arbitrer entre deux prestations non cumulables, qui ne reposent ni sur les mêmes critères ni sur la même logique : la PCH indemnise des besoins précisément évalués, tandis que l'AEEH fonctionne sur des forfaits. Un choix théoriquement éclairé, mais pratiquement périlleux. La Cour évoque ainsi un « droit d'option excessivement complexe », dont les effets peuvent être lourds : certaines familles se retrouvent avec une aide insuffisante faute d'avoir choisi la meilleure option, tandis que d'autres essuient des décisions contradictoires selon les départements. Pour la juridiction financière, le constat est sans ambiguïté : cet empilement « ne s'est jamais traduit par une convergence » et crée des situations injustes. Elle recommande donc de supprimer ce droit d'option pour rebâtir une architecture cohérente et équitable.

Une barrière d'âge devenue source d'inégalités

La barrière d'âge fixée à 60 ans devait distinguer compensation du handicap et prise en charge du vieillissement. Mais elle ne reflète plus la réalité, pointe le rapport (PCH et APA : une barrière d'âge à 60 ans trop arbitraire !). Pour les personnes concernées, les implications sont profondes : deux adultes présentant les mêmes limitations peuvent se voir attribuer des prestations différentes selon leur âge au moment de la demande. La Cour évoque la piste d'une convergence PCH-APA (Allocation personnalisée pour l'autonomie), tout en rappelant qu'un alignement vers les niveaux de la PCH représenterait un surcoût annuel de 3,6 milliards d'euros. Faute de fusion possible à court terme, elle suggère d'harmoniser les règles, notamment via un ticket modérateur pour les demandes tardives.

Aides techniques : des règles figées dans le passé

Autre révélateur du « vieillissement » du dispositif : « les textes tarifaires des aides techniques n'ont pas été actualisés depuis 2008 », observe la Cour. Dans un secteur où l'innovation est permanente, cette inertie produit, selon elle, des aberrations. Certains équipements essentiels sont sous-financés, d'autres relèvent de systèmes de prise en charge différents selon les départements ou l'Assurance maladie. Pour y remédier, la Cour propose de confier par défaut le financement des aides techniques à l'Assurance maladie, la PCH n'intervenant qu'en complément pour les situations spécifiques. Cette clarification permettrait de réduire les délais, d'améliorer la lisibilité et d'alléger le poids financier sur les départements.

Parentalité : un soutien forfaitaire à réinventer

Créé en 2021, le volet parentalité devait combler un manque. Mais la Cour estime qu'il a été mis en œuvre « dans des conditions précipitées », s'éloignant de la logique individualisée de la PCH. Selon elle, l'aide forfaitaire, comprise entre 450 et 1 350 euros, ne tient pas compte des besoins réels et peut générer des « effets d'aubaine ». Là encore, elle appelle à revenir à une évaluation personnalisée, plus fidèle à l'esprit originel de la prestation.

Des contrôles encore trop fragmentés pour sécuriser la prestation

Le rapport pointe enfin des pratiques de contrôle « hétérogènes » et « embryonnaires ». Selon les départements, l'effectivité de l'aide humaine peut être vérifiée… ou non. Les systèmes ne communiquent pas toujours entre eux, les certificats médicaux ne sont pas systématiquement vérifiés et certaines anomalies laissent entrevoir une vulnérabilité du dispositif. La Cour recommande de renforcer la coordination nationale via la CNSA pour homogénéiser les pratiques et sécuriser l'utilisation des fonds publics.

Refonder pour mieux compenser

Au terme de son analyse, la Cour appelle à « clarifier », « harmoniser » et « rationaliser » la PCH pour restaurer un accès « équitable » et un pilotage « lisible ». Elle rappelle que « la personne en situation de handicap a droit à la compensation quels que soient l'origine et la nature de sa déficience ». Encore faut-il que ce droit s'exerce avec cohérence, transparence et uniformité. Il appartient désormais aux décideurs de choisir si la PCH doit être ajustée… ou réinventée.

Retrouvez plus d'informations dans notre dossier "Tout sur la PCH".

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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