Par Ivan Pisarenko
Le 10 janvier 2012, Agustin Zanoli avait 18 ans et passait ses vacances d'été à Carilo, une station balnéaire du littoral argentin. Lors d'un accident de quad dans des dunes de sable, le jeune homme a perdu l'usage de ses bras et de ses jambes. Aujourd'hui, les sensations fortes, il les ressent en pilotant un drone, caméra embarquée, qui peut atteindre une vitesse de 150 km/h. « Piloter un drone de compétition me donne la même adrénaline qu'avec le quad ou la moto. C'est bon », dit le jeune Argentin, sourire aux lèvres, qui envisage de s'inscrire à des courses de drone, une discipline qui émerge dans le pays sud-américain.
Le génie du drone
Fin 2015, il a eu la chance de croiser le chemin de Daniel Sequeiros, un ingénieur en aéronautique, petit génie de l'électronique, qui s'est spécialisé dans la conception de drones de loisirs ou à usage agricole. Comme l'ingénieur n'était pas à une invention près, ni avare de son temps, il a commencé à plancher sur un défi technologique : une personne tétraplégique peut-elle piloter un drone ? Comme pour un jeu vidéo, les mains sont cruciales. « Alors, quand on m'a dit qu'Agustín ne pouvait que bouger la tête, j'ai d'abord dit que c'était impossible car je ne voyais pas comment il pouvait manipuler une télécommande conventionnelle », se souvient Daniel Siqueiros. Il a finalement trouvé la solution.
Images captées par la caméra
Agustin, assis sur son fauteuil roulant, met une sorte de casque ou de lunettes de réalité virtuelle. Il voit sur l'écran les images captées par la caméra de l'aéronef, « comme si tu étais à bord du drone », dit fièrement le concepteur. « C'est fantastique de pouvoir mettre cette technologie à sa disposition pour qu'il puisse voler et ressentir cette sensation de maîtrise et d'adrénaline, sans aucun risque ». Dans un parc de la ville de Cordoba, la deuxième ville d'Argentine, Agustin savoure l'instant. Concentré, il ajuste ses trajectoires. Il incline la tête vers la gauche, le drone vire à gauche en frôlant des arbres, évite les câbles électriques. Pour réguler la vitesse, il serre ou desserre la mâchoire sur un dispositif qui fonctionne comme une pédale d'accélération. Quand il relâche la pression, le drone perd de la vitesse. « Cela lui permet d'avoir une totale maîtrise du drone, et de se déplacer librement ». Daniel Sequeiros vit à Cordoba comme Agustín Zanoli. Ils sont devenus amis et se retrouvent le samedi pour voler.
Sensation de maîtrise et d'adrénaline
« Au moment de l'accident, j'ai tout de suite compris que c'était sérieux, je ne pouvais plus bouger. Mais je ne pensais pas que ce serait si grave », se souvient Agustin, un grand et solide gaillard de 23 ans. Cinq ans plus tard, il n'espère pas de miracle, il s'adapte à son handicap. Il fait des études d'ingénieur, son objectif depuis l'adolescence, et termine sa quatrième année. Il joue au football en fauteuil (powerchair). « Ce que je voulais, confie Agustin Zanoli, c'était faire de nouveau ce que je faisais avant, d'une forme adaptée, selon les possibilités ». Le concepteur du drone a travaillé bénévolement, admiratif face à la combativité d'Agustin, qui ne se plaint jamais de son handicap. Il ne compte pas déposer le brevet de son invention, car il espère que la technologie sera dupliquée ailleurs dans le monde, pour que d'autres personnes tétraplégiques puissent connaître cette « sensation de maîtrise et d'adrénaline ».
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