Présidentielle : des campagnes accessibles, enfin?

Les candidats sont tenus de mener une campagne accessible aux électeurs handicapés. Mais comment ? C'est tout l'enjeu de l'évènement organisé le 27 janvier 2022 par le CNCPH. Son président, Jérémie Boroy, livre le mode d'emploi...

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Handicap.fr : A deux mois et demi de l'élection présidentielle, quelle initiative le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a-t-il mis en place pour favoriser l'accessibilité des campagnes des candidats ?

Jérémie Boroy, président du CNCPH : La dernière loi organique pour l'élection du Président de la République de 2021 dit, pour la première fois, que les candidats à l'élection présidentielle doivent veiller à l'accessibilité de leur campagne. Le même article indique que le CNCPH doit proposer des recommandations en ce sens. Ce dernier avait déjà évoqué le sujet en 2006 lorsqu'il avait lancé les premiers mémentos sur l'accessibilité du processus électoral mais, cette année, la mission nous est confiée directement par la loi, c'est une autre dimension.

H.fr : Pour y répondre, vous organisez un évènement ?
JB : Oui, au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 27 janvier de 10h à 12h, en présence de son président et des membres du CNCPH afin de partager le mode d'emploi de l'accessibilité des campagnes électorales. Ouvert au public sur inscription, il est également accessible en ligne sur le site web du CESE (en lien ci-dessous). Cette conférence s'adresse principalement aux équipes de campagne des candidats à l'élection présidentielle et à celles des futurs candidats aux législatives. Certains candidats seront présents, d'autres suivront la conférence à distance ou visionneront le replay. L'objectif est de leur donner le plus de clés possible.

H.fr : Comment cette décision législative a-t-elle été accueillie par les candidats et les différents partis ?
JB : Pour le moment, il n'y a pas eu pléthore de retours ce n'est pas (encore) une obligation formelle vu que le remboursement des frais de campagne n'est pas lié au respect des obligations d'accessibilité. Donc une loi mais pas de sanction pour le moment ! Pour l'heure, ce n'est qu'une « intention », une première étape à ne pas louper. L'objectif est d'analyser tous les éléments d'une campagne électorale (site web du candidats, profession de foi, programme, affiches, meetings, réseaux sociaux, passages dans les médias, rencontres avec ses électeurs...), afin qu'elle puisse répondre aux besoins des personnes déficientes auditives ou visuelles ou celles qui utilisent des moyens de compréhensions alternatifs.

H.fr : Dans le même temps, le CNCPH lance, le 27 janvier, l'Observatoire de l'accessibilité des campagnes électorales de 2022. De quoi s'agit-il ?
JB : Des volontaires vont nous accompagner pour que, chaque semaine, jusqu'au deuxième tour de la présidentielle, nous soyons en capacité de diffuser un relevé, candidat par candidat, pour suivre l'évolution de leur mise en accessibilité. Nous ferons la même chose, en parallèle, pour les élections législatives. Comme il est impossible de suivre les 577 circonscriptions, nous sélectionnerons certains territoires, en mobilisant des relais sur le terrain (comme les associations membres du CNCPH), moins dans une logique de censure qui vise à pointer du doigt ce qui n'a pas été fait mais plus pour attirer l'attention sur ce qui doit être fait.

H.fr : Quand débutera l'analyse de l'Observatoire ?
JB : La semaine prochaine. Nous annoncerons les critères le 27 janvier, et ferons un focus sur l'un d'eux précisément. Le but n'est pas de piéger les équipes mais de leur donner envie de désigner un interlocuteur qui sera le « Madame/monsieur Accessibilité » de la campagne. Pour rappel, il ne s'agit pas d'analyser le traitement du sujet du handicap durant la campagne, seulement son accessibilité. Ainsi, à partir de la semaine prochaine, l'Observatoire décortiquera celle des sites Internet des candidats, les outils déployés lors des meetings...

H.fr : Lors des passages médiatiques des candidats, qui se charge de faire venir un interprète en Langue des signes française (LSF) ?
JB : On peut en débattre. Le candidat peut se rendre sur le plateau avec son propre interprète ou négocier avec la chaîne la présence d'un autre. Les médias sont aussi concernés par cet enjeu d'accessibilité. Raison pour laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) (ex Conseil supérieur de l'audiovisuel) sera également présente le 27 janvier pour rappeler les règles en vigueur lors de cette période électorale où le niveau de pression est à son comble.

H.fr : Quelle est, selon vous, la priorité dans les prochains mois en matière d'accessibilité des campagnes ?
JB : L'objectif majeur est de faire en sorte que toutes les professions de foi et les programmes des candidats soient disponibles en Facile à lire et à comprendre (FALC). Le ministère de l'Intérieur a d'ailleurs mis en place un site web qui les met à disposition sous ce format. L'intérêt d'annoncer les règles du jeu maintenant est de leur permettre de se préparer. Troisième point incontournable : tous les lives des meetings sous-titrés !

H.fr : Quid des spots des candidats ?
JB : Les spots sont produits par le service public de l'audiovisuel. Jusque-là, le sous-titrage était systématique pour la version diffusée à la télévision et en ligne. Cette année, notre souhait de longue date a enfin été exaucé : la LSF sera également systématique pour les deux versions. Les candidats n'ont donc aucune excuse concernant le manque de moyens puisque cette mise en accessibilité est prise en charge par le service public de l'audiovisuel.

H.fr : Quel message souhaitez-vous faire passer avant l'élection ?
JB : Tous les candidats ont des solutions à leur disposition pour s'adresser au plus grand nombre. Les candidats aux législatives peuvent, quant à eux, avec un peu de débrouille, rendre leur contenu plus accessible, malgré des moyens moins conséquents. N'oublions pas que les partis politiques sont financés par les pouvoirs publics sur la base de leurs résultats aux législatives. Certains bénéficient, à ce titre, de dizaines de millions d'euros, et c'est bien, c'est le prix de la démocratie. Il en va de même pour les groupes parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat, où il y a des moyens qui permettent de faire en sorte que l'accessibilité soit garantie. Selon moi, le RG2A et le référentiel de la communication publique accessible devraient s'imposer, de par la loi, à tous les acteurs publics dès lors qu'ils sont financés par le service public. Aujourd'hui, il existe des obligations en matière d'élections, comme la parité, l'accessibilité doit également faire partie des règles du jeu.

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