Entre 15 et 30 % des enfants et jeunes pris en charge par l'ASE (Aide sociale à l'enfance) présentent des handicaps, dont une « proportion importante » des jeunes « en difficultés multiples », parfois improprement appelés « incasables », sont atteints de handicaps d'ordre psychique. C'est ce que dévoile, entre autres, un projet d'avis rendu public le 13 juin 2018 par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Ce dernier estime qu'il y a « urgence à agir » pour la protection de l'enfance, une politique publique « en danger ». Elle « constitue un grave phénomène de société et un problème majeur de santé publique aux effroyables conséquences à long terme », écrit le Cese.
Des jeunes ballotés
Son rapport constate que les handicaps d'ordre psychique « ne sont pas toujours visibles pour des individus non formés » et peuvent donc être ignorés ou associés aux autres difficultés du jeune et, donc, « non traités efficacement ». Selon lui, « l'organisation actuelle de l'aide sociale à l'enfance et de la sphère médico-sociale ne prend pas toujours en compte la situation de handicap de ces jeunes. » Sans accompagnement spécifique, les parcours deviennent chaotiques, ballotés entre les familles d'accueil relevant de l'ASE mais qui ne sont pas adaptées à leur prise en charge, la sphère médico-sociale (ITEP, IME, Sessad et CMP), voire parfois les services de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse).
Des familles pas formées au handicap
Le Cese déplore par ailleurs un nombre de places insuffisant en pédopsychiatrie et une prise en charge qui s'arrête à l'âge de 16 ans ; au-delà, elle se fait dans les services pour adultes des hôpitaux psychiatriques. Il existe des services pour les 16-25 ans, comme la Maison de Solenn et le C'JAAD au centre hospitalier de Sainte-Anne, mais qui s'avèrent trop rares et manquent de moyens. Les jeunes à difficultés multiples, qui ont encore plus que les autres besoin de stabilité, connaissent alors des parcours heurtés et sont accueillis à titre principal dans des structures non spécifiques (MECS et famille d'accueil) de l'aide sociale à l'enfance, qui apparaissent trop souvent comme une variable d'ajustement des limites du secteur médico-social, selon le Cese. Il déplore que, chez certains assistants familiaux qui ne sont pas assez sensibilisés au handicap ou qui hébergent un jeune qui n'a pas été reconnu comme handicapé, puisse apparaître une forme de maltraitance morale. Et d'insister sur le fait qu'une telle situation perturbe également l'accueil des autres enfants et jeunes dans l'établissement ainsi que le travail des encadrants.
Des préconisations concrètes
Dans ce contexte, le Cese fait des préconisations concrètes. Il suggère, en premier lieu d'augmenter le nombre de places en établissement spécialisé mais envisage également des solutions plus innovantes comme renforcer la formation des assistants familiaux sur le handicap ou développer le nombre d'accueils en famille thérapeutique (le suivi par les infirmiers et psychiatres s'effectue alors à domicile ou par des consultations à l'hôpital au lieu d'une hospitalisation continue). S'agissant de la prise en charge en hôpital psychiatrique, il propose de regrouper dans des unités distinctes les 13-16 ans et les 16-25 ans. Il réclame que le suivi des patients mineurs se fasse sous le contrôle étroit d'un pédopsychiatre. Il préconise, ensuite, que les enfants placés affectés d'un handicap, parce que leur situation est « doublement difficile », puissent avoir un accès prioritaire à un Sessad ou à un IME.
D'autres réalités…
En dehors du champ du handicap, le Cese alerte sur d'autres réalités… Les anciens enfants placés représentent environ un quart des sans-abris nés en France. Les jeunes filles placées ont 13 fois plus de risque d'avoir une grossesse précoce à 17 ans. A l'âge de 17 ans, 23% des jeunes placés ne sont plus scolarisés dans une formation diplômante, comparé à 9,6% pour l'ensemble des jeunes du même âge. Face à ce constat, le Conseil fait 21 préconisations (en lien ci-dessous) destinées à nourrir la future « Stratégie nationale de protection de l'enfance et adolescence » voulue par le gouvernement (2018-2022). Quelque 300 000 mineurs font l'objet d'au moins une mesure de protection de l'enfance, une grosse moitié étant placée en foyer ou famille d'accueil, les autres suivis à domicile. Les départements ont consacré 7,3 milliards d'euros en 2016 à ce domaine.
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