« Bien sûr, il y a de la concurrence entre les fabricants au moment des Jeux, notamment en termes de communication », admet à l'AFP Rüdiger Herzog, porte-parole de la firme allemande Ottobock, numéro un mondial des prothèses. L'entreprise collabore avec le mouvement paralympique depuis les Jeux de Séoul en 1988. Elle est devenue, depuis les Jeux d'Athènes, le réparateur officiel des Jeux paralympiques d'été comme d'hiver.
Un grand défi logistique
À Rio, où 4 342 athlètes de 159 nations ont rivalisé dans 22 disciplines, le groupe a envoyé une délégation de près de 100 prothésistes, techniciens et autres soudeurs de ses filiales du monde entier. Dans un vaste atelier, ils se sont affairés à réparer gratuitement les équipements de n'importe quel fabricant : lames de course en carbone, prothèses pour marcher et dizaines de fauteuils roulants malmenés pendant les épreuves. « Notre principal défi est logistique, explique Derek Johnson, technicien américain d'Ottobock en mission à Rio. Nous devons nous assurer que chaque athlète peut déposer et faire réparer son équipement rapidement, facilement et avec tout le matériel nécessaire. » Son grand rival, l'Islandais Össur, qui avait notamment fourni les lames de course du sprinteur sud-africain Oscar Pistorius à Londres en 2012, met quant à lui en avant sa « Team Össur » composée d'une vingtaine d'athlètes internationaux qu'il sponsorise. Parmi eux, la Française Marie-Amélie Le Fur qui a raflé trois médailles dont deux d'or à Rio.
Un marché de niche
Au-delà de ces champions, le segment « loisir » des prothèses sportives est microscopique, sur un marché mondial des prothèses qui est lui-même un marché de niche, pesant entre 1 à 1,2 milliard de dollars selon Össur. À titre d'exemple, sur sa production annuelle de 150 000 prothèses, Ottobock dénombre environ 800 prothèses sportives. Leur essor est également pénalisé par l'absence de prise en charge par les systèmes de santé en règle générale, ce que regrettent les fabricants. Toutefois, en partie sous l'impulsion des Jeux paralympiques, « de plus en plus de personnes amputées ont envie de refaire du sport », se réjouit M. Herzog.
« Nos patients sont fiers »
« On est sur de la matière humaine, on ne peut pas que traiter l'aspect mécanique », justifie Michel Pierron, PDG de l'entreprise bourguignonne d'appareillage orthopédique Proteor, qui a conçu l'emboîture des prothèses Össur de Marie-Amélie Le Fur. Chabloz, autre société française d'orthopédie basée en Isère, appareillait quant à elle deux athlètes français à Rio, Elise Marc (triathlon) et Stéphane Houdet (tennis assis). « Nos autres patients sont fiers parce qu'ils voient qu'on essaie de faire des choses qui sortent de l'ordinaire. C'est également valorisant pour nos salariés », commente Pierre Chabloz, fondateur et PDG de l'entreprise. Certaines innovations pour les prothèses sportives ont parfois des répercussions sur le matériel de marche. Chabloz, par exemple, a utilisé une emboîture en silicone sur des produits grand public, après l'avoir initialement développée pour des skieurs de fond amputés. Et « aujourd'hui tous les pieds prothétiques performants ont à l'origine une inspiration des lames de course », ajoute le PDG de la PME iséroise.
Un savoir-faire pour d'autres personnes amputées
Même si leurs besoins en termes de mobilité sont très spécifiques, les sportifs ont le grand avantage d'avoir une perception du mouvement très développée. « Ils peuvent dire avec précision ce que l'on peut améliorer », explique M. Herzog, d'Ottobock. De son côté, Edda Geirsdottir, porte-parole d'Össur, confirme : « notre équipe de recherche-développement apprend beaucoup de l'analyse biomécanique des athlètes, qui peut être transférée au développement de produits pour d'autres personnes amputées ».
© Olympic Information Services OIS + Gilles Barbier et Emmanuelle Dal'Secco/handicap.fr