Des centaines de jeunes patients d'un hôpital psychiatrique de Vienne (Autriche), connu comme l'un des centres du programme d'euthanasie du IIIe Reich, ont été maltraités jusque dans les années 80 faute, notamment, d'une rupture suffisante avec "l'idéologie et le personnel" de la période nazie, ont révélé des chercheurs autrichiens. Recours abusif aux sédatifs, aux camisoles de force, aux lits cage, absence d'offre éducative : le "Pavillon 15" de l'hôpital psychiatrique pour enfants du Spiegelgrund, sur les hauteurs de la capitale autrichienne, a été le lieu d'un "système global de violences" de 1945 à 1984, selon une étude commandée par la ville de Vienne.
Contre la dignité humaine
Après des années de mise en cause des traitements de cet établissement, le rapport de 600 pages, en ligne depuis le 14 mars 2017, estime que ces pratiques "qui contreviennent à la dignité humaine" sont notamment dues à "une insuffisante rupture, dans le domaine idéologique et en matière de personnel, avec la période nazie". De cet hôpital viennois qui fut l'un des plus modernes d'Europe à la Belle Epoque, les nazis firent l'un des centres actifs de leur programme d'euthanasie des personnes handicapées et malades mentaux. Plus de 700 enfants y ont été tués pendant la seconde guerre sous l'effet de "traitements médicaux". Or le rapport basé sur plus de cent entretiens avec d'anciens patients et employés constate que "la plus grande partie du personnel" de la période nazie a continué à travailler auprès des jeunes patients dans un esprit de "continuité" avec cette époque. Ces employés manquaient par ailleurs de formation et de qualifications.
Au moins 70 enfants décédés
Les conditions des séjours, parfois de plusieurs années, au Pavillon 15 étaient "pour le traitement des personnes handicapées (...) loin des normes professionnelles à l'époque", note le rapport. Sur les 600 à 700 enfants accueillis jusqu'au milieu des années 80, au moins 70 sont décédés, très majoritairement de pneumonie, dans un contexte de soins défaillants, ajoutent les auteurs. Les cerveaux des jeunes victimes du Pavillon 15 étaient ensuite utilisés "à des fins scientifiques". Le professeur chargé de ces recherches jusqu'aux années 80 n'était autre qu'un ancien membre du parti nazi, actif dans cette clinique psychiatrique pendant la guerre. Ce médecin, Heinrich Gross, devenu après 1945 éminent expert auprès des tribunaux viennois, a trouvé au Pavillon 15, "le cadre institutionnel pour poursuivre ses recherches sur l'euthanasie infantile", estime le rapport.
Gross, mort en 2005, avait fait l'objet de poursuites tardives dans les années 90 avant d'échapper à un procès. Plus de 300 cerveaux d'enfants tués pendant la guerre au Spiegelgrund y ont été conservés pendant des décennies jusqu'à leur inhumation dans les années 2000.
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