« J'ai été traversé par 15 000 volts, pas détruit. Transformé. » Il dit ça avec un calme désarmant, presque souriant. Comme si la mort, un jour d'octobre 2013, ne l'avait qu'effleuré. À 19 ans, alors que Louis Derungs s'approche d'une voie ferrée vaudoise, en Suisse, un arc électrique de 15 000 volts le foudroie. Son cœur s'arrête. La moitié de son corps brûle. On l'ampute des deux bras. « Quand je me suis réveillé, j'étais un carrefour de fils et de machines. Et pourtant, j'étais vivant. »
Un livre poignant et un film inspiré de son histoire
Dix ans plus tard, le jeune homme raconte cette traversée dans 15 000 volts – 10 ans après (qui paraîtra aux éditions Favre le 4 décembre 2025), suite de son best-seller de 2016, publié à l'occasion de la sortie du film Après la fin de Frédéric Lopez, inspiré de son histoire… dans lequel il joue son propre rôle. « Une dinguerie », s'enthousiasme-t-il dans son introduction. « Qui aurait cru qu'un jour je me retrouverais derrière la caméra avec Frédéric, les yeux pleins d'étoiles, à regarder l'histoire que nous avions tant rêvée prendre vie ? » Une odyssée humaine, mais aussi un appel à la rébellion intérieure, à découvrir courant février-mars 2026 sur France 2.
De la survie à la métamorphose
« La personne que j'étais est morte ce jour-là, et celle que je suis aujourd'hui est née. »
Ainsi s'ouvre le récit d'un homme qui n'a pas seulement survécu : il a réinventé la vie. Dès les premières pages de ce livre qui en compte 440, Louis raconte son réveil dans une chambre d'hôpital, ses organes sous assistance, ses brûlures, l'annonce de l'amputation. « On m'a dit que je ne marcherais plus jamais. J'ai décidé de commencer par marcher dans ma tête. »
Ce premier tome, conservé tel quel dans la nouvelle édition, est désormais enrichi de la voix du Louis d'aujourd'hui. Ensemble, ils forment ce qu'il appelle « une danse entre la chute et l'envol ». Il raconte sa sortie de rééducation, sa traversée de l'Oregon à vélo, son ultramarathon dans le désert marocain... « Là où beaucoup verraient une tragédie, lui voit une métamorphose. Il a peu de certitudes, beaucoup de raisons d'avoir peur mais encore plus d'avancer », livre Frédéric Lopez dans la préface. Un parcours hors normes qui n'est pas sans rappeler celui de Philippe Croizon, amputé lui aussi après une électrocution, et devenu un symbole du dépassement de soi.
Un homme aux multiples casquettes
Cette métamorphose intérieure se traduit par un parcours foisonnant. Diplômé en développement pharmaceutique, en informatique et IA, en hypnothérapie et en psychologie positive, Louis décroche ensuite un « executive MBA » à l'IMD business school de Lausanne, devenant le plus jeune admis de l'histoire de cette prestigieuse école de management.
Entre-temps, cet « explorateur de l'être » fonde une solution digitale pour la douleur chronique et la santé mentale, rachetée plus tard par un groupe de neurotechnologie, dont il deviendra le directeur médico-économique. Dans les blocs opératoires, l'entrepreneur remplace l'anesthésie générale par l'hypnose. « Je ne voulais pas seulement guérir, je voulais comprendre. Explorer ce qui, en nous, rend possible l'impossible », explique-t-il.
Une odyssée scientifique et spirituelle
15 000 volts – 10 ans après est un livre hybride, où les découvertes scientifiques s'entrelacent à l'expérience intime. Louis parle autant de réseaux neuronaux que de sensations, autant de physique quantique que d'émotions. Il explore des questions existentielles : comment vivre après l'impensable ? Comment transformer la douleur en connaissance, l'absence en énergie créatrice ? « Et si nous étions infiniment plus vastes que ce que nous imaginons ? », interpelle Louis en ouverture.
L'amour et l'amitié au cœur de l'intrigue
L'ouvrage parle aussi d'amour – cette passion interdite qui a nourri le film de Frédéric Lopez, puis l'amour plus profond encore qui a suivi. « J'ai appris à aimer sans bras, mais avec tout le reste. » Devenu père, il parle de son fils comme d'une « renaissance dans la renaissance ». L'amitié et les rencontres occupent également une place prépondérante dans sa vie. Sur son chemin, ce « scientifique-poète » a rencontré des artistes, scientifiques de premier plan (neurosciences, physique quantique, etc.), ex-détenus, compagnons de galère, célébrités de la scène et du cinéma, « anges gardiens »... « Louis ne conquiert pas, il accueille. Il relie. Ce qu'il a de plus fort, c'est sa capacité à rallumer la vie chez les autres », résument Muriel Robin et Anne Le Nen. Ce lien à l'autre irrigue aussi son livre. Chaque chapitre est ponctué d'encarts « Commencer le voyage » : des expérimentations simples, accessibles, sans promesse miracle. Et, fidèle à sa soif de connexion, il y glisse des QR codes permettant aux lecteurs d'échanger entre eux. « Et si un livre devenait une communauté d'humanité ? »
Le handicap, un espace de liberté
« Louis, c'est la dignité incarnée. Le courage, la pudeur. Il ne donne jamais de leçon, il la vit, sous nos yeux », confient Muriel Robin et Anne Le Nen. « Chez lui, le mot 'handicap' s'efface. Il ne vit pas avec moins, il vit autrement. » Louis parle plutôt de « reconstruction radicale ». « Le handicap, c'est ce que le monde voit. Moi, j'y vois un autre espace de liberté. » Et de rejeter l'idée d'une résilience « héroïque » : « La résilience, ce n'est pas se réparer, c'est créer autre chose. Ce n'est pas revenir en arrière, c'est se transformer. »
Un rebelle tranquille
« Je ne suis pas un rebelle contre. Je suis un rebelle pour », martèle-t-il. Pour la liberté d'être, pour l'authenticité, pour l'audace d'exister sans masque. La vraie liberté, selon lui ? Faire de notre épanouissement un rituel à nous, transformer la différence en force, se libérer des identités préfabriquées. « La vie m'a électrisé au sens propre. J'ai décidé de continuer à produire de la lumière », résume-t-il dans une formule devenue emblématique. « Ce qu'il a à nous transmettre est un trésor, assure Frédéric Lopez. Quand rien n'est sûr, tout est possible. » Louis, lui, n'attend pas d'être sûr. Il avance, encore et toujours. Vers le monde, vers l'autre, vers lui-même. « On m'a coupé les bras. Mais jamais les ailes », conclut-il.
© Couverture du livre 15 000 volts
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