Comment aider les personnes avec une déficience intellectuelle dans l'usage de leur capacité juridique ? Sous tutelle ou curatelle, sont-elles en mesure, à titre personnel, d'engager une action en justice, de témoigner face à la cour (en envisageant l'usage d'interprètes ou toute autre aide à la communication) ou de participer aux procédures judiciaires (y compris en tenant compte de l'accessibilité des cabinets et des cours). Quelle est leur marge de manœuvre réelle et n'y aurait-il pas une alternative qui leur permettrait de passer d'une "main mise" relative ou totale à un système de prise de décision assistée ?
Un rapport en 2015
C'est sur cette question que s'est penché l'AJuPID (Accès à la justice pour les personnes déficientes intellectuelles), un projet cofinancé par l'Union européenne et coordonné par la Fegapei. Son premier rapport est publié à l'été 2015 (en lien ci-dessous, une version en facile à lire et à comprendre sera bientôt mise en ligne). Il résulte d'une étude menée dans cinq pays européens (Bulgarie, Finlande, France, Hongrie et Irlande). Son objectif ? Comparer leur système juridique, savoir si les lois nationales sont en accord avec la Convention internationale des Nations unies relative aux droits aux personnes handicapées (CDPH, articles 12 et 13) et les lois européennes, et surtout en tirer le meilleur, notamment dans les pratiques professionnelles mais aussi pour toutes les personnes susceptibles d'endosser le rôle de soutien de la capacité juridique (tuteurs et curateurs, professionnels et proches aidants ou professions judiciaires). Cette analyse porte sur trois principaux thèmes : la loi sur la propriété (posséder de l'argent ou une maison), la loi sur la famille (se marier ou avoir des enfants) et les contestations des mesures (se plaindre lorsque l'usager n'est pas satisfait de son tuteur ou curateur).
Vers de nouvelles formes d'accompagnement ?
Plusieurs visites d'études, dont une en France, montrent qu'il est possible, et souhaitable, que de nouvelles formes d'accompagnement voient le jour pour soutenir les personnes handicapées mentales au quotidien dans l'exercice de leurs droits. Des initiatives fructueuses ont permis de leur accorder un accès à la justice sur un pied d'égalité avec tout un chacun, par exemple en rendant l'information et les ressources disponibles suffisamment claires pour les soutenir lorsqu'elles souhaitent contester des décisions de protection. Pour autant, il est clair que, dans les pays étudiés, les gouvernements sont hésitants sur la manière de réaliser pleinement le "changement de paradigme" posé par la CDPH. Même les plus avancés sur ce sujet sont restés prudents dans l'élaboration de solutions alternatives qui remplaceraient totalement la prise de décision substitutive. C'est pourtant un challenge d'actualité, qui suppose certainement de réformer nos lois. Car, même si, selon ce rapport, les tuteurs et curateurs sont "souvent considérés comme un soutien et une aide à l'autonomisation, créant un cadre favorable pour l'épanouissement des personnes ayant une déficience intellectuelle", le cadre global juridique en place "viole le droit des personnes à une reconnaissance égale devant la loi".
RV en décembre pour en débattre
La sortie d'un guide des pratiques encourageantes recueillant des exemples européens prometteurs en matière d'accompagnement est prévue à l'automne. Un séminaire à destination des magistrats et des greffiers intitulé « Capacité juridique et accès à la justice pour les personnes déficientes intellectuelles » est programmé le 10 décembre 2015. Les tables rondes et les débats porteront sur la pratique quotidienne des professions judiciaires au regard des articles 12 et 13 de la CDPH.