ONU : la France doit repenser sa politique handicap

Selon l'ONU, "la France doit repenser sa politique du handicap pour construire une société véritablement inclusive". C'est la conclusion de sa rapporteuse qui vient d'achever une visite dans notre pays.

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« Pour atteindre l'égalité de la citoyenneté des personnes handicapées, la France doit mettre fin à la ségrégation et s'orienter vers des services et un soutien inclusifs dans la communauté », a déclaré Catalina Devandas, rapporteuse spéciale des Nations unies (ONU) sur les droits des personnes handicapées. « Alors que le pays investit des ressources importantes pour remédier aux inégalités rencontrées par les personnes handicapées, les efforts dans ce domaine restent très cloisonnés et séparés », a-t-elle déclaré à l'issue de sa visite officielle pour évaluer la situation dans le pays du 3 au 13 octobre 2017 (articles en lien ci-dessous).

École : besoin de transformation

Mme Devandas a reconnu le travail de la France pour inclure les enfants handicapés dans les écoles ordinaires mais a déclaré que le système aurait besoin d'une transformation importante pour parvenir à une éducation inclusive pour tous. « La plupart des enfants placés dans des établissements de type résidentiel ne reçoivent pas une éducation de qualité, tandis que d'autres ne reçoivent aucune éducation », a-t-elle noté.

Fermer les établissements existants

Elle s'est également déclarée gravement préoccupée par le grand nombre de Français handicapés vivant en établissements résidentiels - au moins 300 000 en France - ainsi que quelques 6 500 autres, dont 1 500 enfants, en Belgique. «Les personnes handicapées, y compris celles nécessitant un accompagnement important, ont le droit de vivre dans leur communauté, de choisir elles-mêmes leur lieu et mode de résidence», a souligné Mme Devandas. Elle a exhorté le gouvernement à fermer tous les établissements existants dès que possible et les convertir en services communautaires, y compris des logements adéquats. Elle a ajouté que «sortir les enfants des établissements devrait être une priorité politique, et que le gouvernement devrait envisager un moratoire sur les nouvelles admissions».

750 000 personnes sous tutelle ou curatelle

«La France est un pays de traditions fortes et de valeurs démocratiques et républicaines, reposant sur les idéaux de liberté, égalité et fraternité. Les politiques en matière de handicap en France doivent faire siens ces idéaux afin de garantir la pleine inclusion de toutes les personnes handicapées dans la société, leur donnant plus de possibilités de vivre la vie qu'elles choisissent de vivre ». « La pleine citoyenneté ne sera pas une réalité tant que 750 000 personnes handicapées qui sont sous tutelle ou curatelle en France, dont beaucoup sont privées de leur droit de vote, n'auront pas retrouvé leur capacité juridique », a-t-elle ajouté.

Hospitalisation forcée

Mme Devandas a également noté que les personnes autistes et celles avec handicap psychosocial sont systématiquement hospitalisées ou font l'objet de soins psychiatriques sans consentement. Elle a rappelé au gouvernement que la privation de la capacité juridique et tout type de traitement involontaire sont contraires à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Maîtres de leurs décisions

« La France doit revoir et transformer son système afin de fournir des réponses et des solutions véritablement inclusives pour toutes les personnes handicapées, assurer une gestion et une répartition plus efficace des ressources, fournir des services spécialisés et un accompagnement de proximité sur la base de l'égalité avec les autres » a déclaré Mme Devandas, tout en exhortant le gouvernement à inclure les personnes handicapées dans tous les processus de prise de décision.

10 jours de visite

Au cours de sa visite de dix jours, la Rapporteuse spéciale s'est rendue à Paris, Lyon, Marseille et Avignon où elle a rencontré de hauts responsables gouvernementaux, des représentants d'institutions indépendantes, des personnes handicapées, des organisations et des prestataires de services. Elle a également visité plusieurs établissements psychiatriques, des établissements cloisonnés pour personnes handicapées, une école avec des pratiques inclusives et un projet de logement inclusif. 

Réponse de la ministre

Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat en charge du handicap, note que de « nombreuses observations rejoignent la feuille de route du gouvernement et en renforcent l'ambition pour progresser en faveur de : la place des personnes elles-mêmes dans ce qui les concerne et en particulier leur capacité juridique et leur droit de vote, les nécessaires simplifications, la transformation du système éducatif pour assurer un accueil inclusif des enfants handicapés, l'accès et le maintien dans l'emploi, la transformation de l'offre de services dans les territoires afin de favoriser l'autonomie des personnes handicapées qui souhaitent vivre chez elles… ». Selon elle, « ces observations internationales qui soulignent 'un fort engagement et une volonté politique au plus haut niveau pour assurer la protection et l'effectivité des droits des personnes handicapées en France' doivent être utiles à chaque acteur du handicap pour donner encore plus de sens aux transformations engagées et aux services rendus ».

Rendez-vous en 2018 ?

La Rapporteuse spéciale de l'Onu présentera un rapport au Conseil des droits de l'homme en mars 2019 sur les principales conclusions de sa visite. Sophie Cluzel la convie d'ores et déjà à être présente lors du prochain Conseil national du handicap qui doit avoir lieu sous l'autorité du président de la République en mai 2018.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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