La pauvreté s'est invitée à Matignon. Le temps d'un rapport. Écrit par François Chérèque, il est dédié à « l'évaluation de la deuxième année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale ». Remis en main propre à Manuel Valls le 26 janvier 2015 en présence de Marisol Touraine, ministre de la Santé, et Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion. En 119 pages, il dresse un bilan de la France démunie, « riche, documenté, et sans complaisance » selon le communiqué du Premier ministère.
6 grandes priorités
Selon lui, le « bilan de la mise en œuvre du plan est globalement positif, dans un contexte où la crise économique et sociale et l'augmentation du chômage de longue durée frappe durement les ménages les plus fragiles. » Les indicateurs de déploiement des mesures du plan font apparaître une montée en charge en deuxième année jugée « satisfaisante, même si tous les objectifs ne sont pas atteints notamment en matière de création de logements sociaux et très sociaux ». Il note de premières évolutions positives liées aux mesures prises en 2013 sur les inégalités de revenus. Le rapport formule par ailleurs des recommandations pour la poursuite de la mise en œuvre du plan, sur six thèmes prioritaires : accès au droit, accès à l'emploi, logement, santé, famille, inclusion bancaire et gouvernance. Le Gouvernement affirme vouloir « s'appuyer » sur ce nouveau rapport pour élaborer et présenter au début du mois de février 2015 une feuille de route actualisée de mise en œuvre du plan pluriannuel.
Handicap et seuil de pauvreté
Mais, sur 119 pages, quelle place accordée aux personnes handicapées qui, on l'observe, sont durablement touchées par la précarité ? Rappelons que l'allocation adulte handicapée (AAH) dont le montant à taux plein est, en 2015, de 800,45 euros par mois reste en dessous du seuil de pauvreté fixé, en France, à 987 euros (pour une personne seule). Rappelons également, lorsque l'emploi est envisageable, que le taux de chômage des travailleurs handicapés atteint 20%, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Dans ce rapport, un seul paragraphe est consacré, plus explicitement à leur situation et concerne justement l'accès et le maintien dans l'emploi et la formation. Il constate que « peu de travailleurs handicapés bénéficient de contrats aidés, de formations ou d'accompagnements par rapport aux besoins à couvrir. » Et ce malgré la diversité de dispositifs, la présence de financements et d'institutions dédiés. De même, la convention multipartite signée fin 2013, qui vise à améliorer les dispositifs relatifs à leur emploi, ne s'est pas encore traduite par un pilotage effectif dans toutes les régions.
Un rapport dédié au handicap fin 2014
Un « seul paragraphe » consacré aux personnes handicapées, cela peut sembler dérisoire ! Mais ce plan est complémentaire d'un autre rapport de l'IGAS (lien ci-dessous), remis en décembre 2014 (lui aussi rédigé par François Chérèque, avec Christine Abrossimov) sur les « Liens entre handicap et difficultés dans l'accès aux droits et aux ressources ». Cette analyse très complète (251 pages) a déjà entrepris d'alerter le Gouvernement sur leur situation particulièrement précaire. Il formule de nombreuses préconisations : simplification des procédures et des démarches, coordination des institutions, mobilisation sur l'accès à l'emploi. Sa mise en œuvre sera pilotée par Ségolène Neuville, même s'il est précisé que « ses conclusions "n'engagent pas le Gouvernement" mais doivent "alimenter sa réflexion" ».